Dominique Cottrez est revenue lundi sur la révélation de l’inceste paternel. Elle avait émergé lors de l’instruction comme une piste – presque confortable – d’explication des huit assassinats de bébés qu’elle a reconnu avoir commis.
Publié le 29/06/2015
C’est un de ces frissons où on sent que l’audience bascule, épaississant le mystère qu’elle tentait plus tôt de rationaliser. La première estocade est portée par l’avocat général, Éric Vaillant. Il est agacé par la énième version de l’inceste décrite par l’accusée née dans une ferme de Villers-au-Tertre : « Mme Cottrez, votre papa, c’est quelqu’un qui est toujours apparu, dans sa famille, dans son village, comme un brave homme… Si votre père a fait ce que vous avez dit, c’est un énorme salopard. » Il arrache aux sanglots de l’accusée un « Ça reste quand même mon père » à peine audible.
Contre toute attente, la charge – délibérément brutale mais ne produisant pas forcément l’effet escompté… – vient de la défense. Me Berton qui laisse à Me Carlier, dans le tandem qu’ils forment, la carte de la douceur compréhensive :
– « Pouvez-vous jurer sur la tête de vos deux filles que votre père vous a violée ? »
– « … Non. »
– « Votre père ne vous a pas violée ? »
– « Non. »
Dominique Cottrez, dont la propre stupeur arrête les larmes, semble la première perdue. Elle n’est pas la seule. Même l’avocat général qui vient pourtant de sous-entendre clairement que cet inceste pourrait être le « mensonge » d’une stratégie de défense, est démuni. De son propre aveu, cette révélation en forme d’ébauche d’explication, survenue en février 2011 dans le cabinet de la juge d’instruction, l’avait lui aussi en quelque sorte « rassuré ». Dominique Cottrez avait expliqué avoir craint que les bébés soient de son père. Des analyses ADN ont balayé ce doute pour les huit corps, aussi pour Virginie qu’elle avait dissimulée jusqu’à l’accouchement. Deux heures durant, Dominique Cottrez venait de décrire une nouvelle fois ce « secret » que son père, le cultivateur et éleveur Oscar Lempereur, lui aurait fait promettre de garder, en lui offrant « un petit mouton ». L’accusée a raconté les gestes inappropriés d’un père, subis la première fois à huit ans. Ils se seraient pour elle, une fois devenue adulte et mère une première fois, mués en « relation amoureuse ».
Alors que refuse-t-elle de jurer à son avocat ? L’inceste tout entier ou, comme le suggère la psychologue interrogée dans la foulée, « ce qui n’était pas des viols pour elle » ? De sa douceur décontenancée, la présidente Anne Segond demande ce que veut dire ce « non »-là. Un tremblement lui répond : « Non, je n’ai pas été violée par mon père. » Puis un souffle : « Il ne m’a pas touchée, jamais. » Mais Anne Segond a promis de lui poser encore la question mardi.