Ce qui se passe dans notre cerveau quand on est confronté à une grande peur – par Vincent Corbo 

Voici un article écrit pour notre site par Mr Vincent Corbo du laboratoire de recherche sur le trauma de l’université Mc Gill de Montréal.
C’est peut-être un peu compliqué à comprendre mais accrochez-vous… C’est vraiment important de savoir ce qui se passe au niveau neurologique quand on est confronté à une situation effroyable. et la recherche n’en est qu’à ses débuts.
Neuro-imagerie et Etat de Stress Post-Traumatique Par Vincent Corbo M.Sc. Centre de Recherche de l’Hôpital Douglas, Division de Recherche Psychosociale, Groupe d’Imagerie Cérébrale Université McGill, (Québec) Canada Depuis quelques années, la recherche s’est penchée sur les éléments neurobiologiques relatifs aux États de Stress Post-Traumatique (ESPT).
Plusieurs de ces éléments ont été examinés avec attention par le biais des techniques de neuro-imagerie structurelle (qui montre la structure du cerveau : CT-scan et Imagerie par Résonance Magnétique, ou IRM) et fonctionnelle (qui montre le cerveau en activité : PET-scan et Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle, ou IRMf). Le but de ces études est d’identifier si les modifications enregistrées dans la structure ou le fonctionnement du cerveau des personnes victimes de traumatisme psychique et souffrant de troubles de stress post-traumatiques sont la conséquence des psychotraumatismes ou un facteur prédisposant la personne à ces troubles. Afin de bien comprendre ces recherches, il nous faut au préalable décrire le modèle théorique de la peur et du stress.

1. Un Modèle Neurobiologique de l’ESPT : Le conditionnement et l’extinction.
Un des modèles neurobiologiques de l’ESPT conçoit les psychotraumatismes comme une forme de conditionnement de peur.
Le conditionnement est une forme d’apprentissage par association de deux (ou plusieurs) stimuli.
Par exemple, on présente une lumière verte à un rat, suivie immédiatement d’un choc électrique. Le rat apprend parfois après un seul test, à avoir peur de la lumière verte. Si le conditionnement est assez fort, la réaction de peur (ou dans le cas d’individus traumatisés, la détresse émotionnelle) peut apparaître lors de la présentation d’un stimulus différent mais apparenté au stimulus traumatisant original. Il pourrait s’agir, pour suivre dans le même exemple du rat, de la présentation d’une lumière bleue.

Une autre notion théorique importante est celle d’extinction.
C’est le processus par lequel l’animal (ou l’individu) apprendrait à ne plus avoir peur.
Cet apprentissage se fait en présentant un grand nombre de fois le stimulus redouté (par exemple la lumière verte) sans qu’aucune conséquence négative ne survienne (le choc électrique).
Il est essentiel de comprendre que ceci n’est pas un oubli de l’ancienne association, mais bien un nouvel apprentissage qui prime dorénavant sur l’apprentissage antérieur.
Si le processus d’extinction réussit et est consolidé dans la mémoire, la réaction de détresse/peur disparaît. Naturellement, il est plus facile de traiter la peur qu’inspire une lumière verte chez un rat que de traiter la détresse et l’angoisse qu’inspire la série d’éléments qui nous rappelle un événement traumatique.

Il y a donc deux phases cruciales dans le conditionnement de peur, soit l’acquisition et l’extinction. Ceci compose le modèle neurobiologique de l’ESPT, qui prédit que le trauma est en fait un conditionnement de peur qui résiste au processus d’extinction.
L’évitement est un aspect crucial du processus de consolidation de l’apprentissage de peur car il ralentit l’extinction. En évitant les stimuli qui provoquent les réactions de détresse et de peur, l’individu évite les sensations, les émotions négatives reliées au souvenir du trauma (par exemple aller à l’endroit où on a eu « son » accident ) et ne peut apprendre que la présence du stimulus n’est pas toujours signe de menace.
Ainsi, les personnes qui évitent des éléments rappelant le traumatisme ne peuvent intégrer de nouveaux apprentissages par rapport au traumatisme. Les statistiques épidémiologiques supportent indirectement ce modèle neurologique, en indiquant que, la plupart des victimes qui sont exposées à un événement traumatique, qui ont un ESPT un mois après l’événement traumatique, et qui acquièrent ce conditionnement, se remettent naturellement de cet événement.
Cela voudrait donc dire que la plupart des victimes ont un processus d’extinction efficace.
Par contre, il demeure un pourcentage d’individus qui n’ont pas ce processus d’extinction, qui pratiquent l’évitement et chez qui l’apprentissage de peur se consolide et se généralise.
Les études neurologiques, tentent donc d’examiner quelles structures neurologiques (quelles parties du cerveau) sont impliquées dans le conditionnement de peur et dans l’extinction afin de pouvoir intervenir au bon moment avec une thérapie appropriée qui sache aider le processus naturel d’extinction et empêcher le réflexe d’évitement.
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L’inceste en milieu urbain. Étude de la dissociation des structures familiales dans le département de la Seine (1937-1954) Par Denis Szabo

Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Denis SZABO, “L’inceste en milieu urbain. Étude de la dissociation des structures familiales dans le département de la Seine
(1937-1954)
”.

Un article publié dans la revue L’Année sociologique, Troisième série (1957-1958), 1958, pp. 29-93. Paris : Les Presses universitaires de France.

L’inceste est envisagé sous des angles différents suivant les disciplines et les auteurs.
Pour certains, il est essentiellement la manifestation d’une perversion bio-psychique dont l’analyse relève de la psychopathologie médicale : médecins et psychiatres doivent, selon eux, conjuguer leurs efforts pour en éclairer les mécanismes.
Pour d’autres, la prohibition de l’inceste est à la base de l’organisation exogamique des sociétés tribales et constitue, de ce chef, la règle fondamentale sur laquelle repose la culture.
D’autres encore envisagent l’inceste comme un processus social qui affecte les rôles respectifs du père, de la mère et des enfants.
N’écartons pas non plus ceux pour qui l’inceste est la cause d’un drame humain : les littérateurs ont mis au jour des éléments importants pour la compréhension de ce phénomène.
Enfin, on peut dire aussi de l’inceste qu’il est une variante de l’attentat à la pudeur et qu’il est réprimé dans toutes les sociétés civilisées.
Ainsi, chaque discipline particulière – la médecine, la psychiatrie, l’ethnologie, la sociologie, la littérature, le droit – en abordant l’étude de l’inceste, se penche plus spécialement sur l’un ou l’autre de ces aspects.
Les études parues sur l’inceste sont très nombreuses.
Les médecins spécialisés dans la pathologie sexuelle ont consacré, depuis fort longtemps, des chapitres substantiels à la pédophilie, à l’alcoolisme, à l’hypergénitalisme, etc., facteurs étiologiques majeurs de l’inceste.
À partir des théories de Freud sur le complexe oedipien, l’école des psychanalystes a enrichi la connaissance de ce phénomène de nombreuses observations cliniques.
En ethnologie, c’est en étudiant l’organisation exogamique que les chercheurs se sont intéressés aux causes de la prohibition de l’inceste.
Les pénalistes, les magistrats, les services sociaux attachés à l’administration de la justice n’ont pas ignoré, eux non plus, cette catégorie importante des attentats à la pudeur.
Nous connaissons, par ailleurs, de nombreux romans et pièces de théâtre dont l’argument central est une relation incestueuse.
Enfin, tout récemment, les sociologues se sont également penchés sur ce problème. K. Weinberg, auteur du premier travail sociologique d’envergure, dénombre plus de 4 500 titres d’ouvrages et d’articles se rapportant à l’inceste [1].
Il faut toutefois faire remarquer que la production sociologique est de loin la plus maigre en comparaison avec celle des autres disciplines. Ceci tient, en partie, à la jeunesse de cette science qui manque encore de chercheurs qualifiés et de concepts théoriques suffisamment au point. Les recherches sociologiques sont rares pour une autre raison encore. L’inceste n’est pas un phénomène issu de l’apprentissage de normes de conduite comme c’est le cas pour la plupart des délits, pour les délits contre la propriété, par exemple. L’inceste peut être considéré comme une réaction individuelle à des conditions d’existence imposées, en quelque sorte, par la société.
En raison de l’intensité du tabou sexuel, ce comportement déviant des normes socialement admises est un des crimes les plus dissimulés et, peut-être, le plus marginal des comportements délictueux portés à la connaissance des autorités et des sociologues.
La rareté des cas a donc éliminé l’aspect morphologique de l’analyse sociologique de l’inceste : toute une branche riche et traditionnelle de la recherche sociologique ne put ainsi lui être appliquée.
Les troubles que l’inceste introduit dans le jeu normal des rôles des divers membres de la famille, le phénomène de groupe qu’est l’inceste, conséquence d’une faible intégration dans la culture de la société globale sont autant de points de vue qui ont, jusqu’à présent, été à peine effleurés par les chercheurs.
La rareté des matériaux, mais aussi la difficulté d’accéder aux sources pour ceux qui ne sont ni juristes ni médecins-psychiatres ont de quoi décourager les rares vocations qui, éventuellement, se présentent. De plus, le chercheur doit établir lui-même les documents de base à partir des dossiers de police et de ceux des Assises, ce qui représente une dépense de temps et de patience considérable.
En abordant la présente étude, nous nous sommes placé dans une perspective sociologique.
Ce qui nous intéresse, ce sont les phénomènes de groupes, les différents aspects de la conscience collective. Nous n’avons pas eu de contacts directs avec les inculpés : l’observation clinique ne fut donc pas à notre portée. Celle-ci doit cependant compléter notre étude car elle seule pourrait apporter des réponses à maintes interrogations que nous ne pouvons que formuler.
Il nous a paru utile, d’autre part, de rappeler brièvement les divers essais d’explication ethnologique de l’origine et la signification de la prohibition de l’inceste car ces recherches projettent des lumières sur la signification qu’on peut attribuer à ce crime dans nos propres sociétés. À la lumière des théories ethnologiques, maintes explications de l’inceste apparaîtront fantaisistes, ou du moins très partielles.
Enfin, avant d’aborder l’analyse des résultats de notre propre enquête, nous rappellerons les connaissances que nous avons de l’inceste dans nos sociétés occidentales.
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