Les associations font l’esprit des lois, Leur lobbying influence fortement les politiques par Ondine Millot

18/09/2007
MILLOT Ondine
Quand on lui demande s’il est satisfait de l’écoute accordée aux associations de victimes aujourd’hui, Alain Boulay, président de l’Association des parents victimes (Apev) a un sourire poli. Ce quinquagénaire élégant a trop de courtoisie, trop d’expérience des revirements du sort aussi, pour se vanter des victoires remportées. Il n’empêche : la liste des « demandes aux politiques » formulées par l’Apev qui ont été exaucées, sous forme de loi ou de décret, est impressionnante. Quelques exemples : la création du fichier national d’empreintes génétiques, l’obligation pour le juge d’instruction de tenir les parties civiles informées du dossier, la création de l’Office central de recherche des personnes disparues, le suivi socio-judiciaire des agresseurs sexuels. « Nous n’étions pas les seuls à demander ces mesures, le combat d’autres associations a beaucoup pesé », insiste-t-il. Et le « combat » continue de porter : les annonces actuelles du président de la République sur l’irresponsabilité pénale et les hôpitaux prisons, « font partie de nos requêtes depuis quinze ans ».
Si l’Apev est l’une des associations de victimes les plus actives en termes de lobbying, son histoire reste emblématique de celle de beaucoup d’autres. Dans la nuit du 26 au 27 août 1988, Delphine Boulay est enlevée dans un camp scout. Elle allait avoir 10 ans. Son corps est retrouvé onze jours plus tard dans un bois. Deux ans après, ses parents décident de monter une association « pour échanger et se soutenir » avec d’autres familles. Très vite, ils réalisent que la seule action au cas par cas est désespérante : « Les mêmes horreurs se reproduisent si on n’agit pas sur le cadre général pour les empêcher. » Démarrent alors les rendez-vous, coups de fil, lettres aux ministres, sénateurs, députés.
Des courriers aux politiques, Jean-Yves Bonnissant, le président de Manu association, en écrit plus d’une centaine par an depuis la disparition inexpliquée de son fils Emmanuel, en 1996. « Souvent, nos propositions viennent d’un cas particulier. Comme celle d’un fichier ADN des personnes enterrées sous X, pour qu’on cesse de croire au retour d’un enfant décédé, dit-il. Quand on fait évoluer les procédures, on se dit que les familles d’aujourd’hui ne se heurteront plus aux mêmes murs que nous hier. C’est ce qui nous fait tenir. On se dit qu’on a encore une raison d’être sur terre. »
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