Pascal Clément – ministre de la Justice – veut inscrire l’inceste dans la code pénal

NOUVELOBS.COM | 28.07.2005 | 09:24

Un rapport remis au garde des Sceaux par le député UMP Christian Estrosi prévoit de redéfinir l’inceste en instituant notamment une présomption d’absence de consentement pour les mineurs de moins de 15 ans.

Le ministre de la Justice Pascal Clément a souhaité mercredi 27 juillet voir l’inceste inscrit dans le code pénal comme une infraction sexuelle à part entière et souligné la nécessité pour les mineurs de moins de quinze ans d’une présomption d’absence de consentement, répondant ainsi aux vœux des associations de victimes.
S’il ne figure pas en tant que tel dans la loi, l’inceste est cependant réprimé par différents articles du code pénal relatifs aux viols et atteintes sexuelles commis sur les mineurs par un ascendant ou une personne ayant autorité qui peut être un parent, un prêtre ou un enseignant.

Nouvelle définition

En janvier 2005, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait confié à Christian Estrosi, député UMP des Alpes-Maritimes, une mission de réflexion sur l’éventuelle création d’une infraction spécifique d’inceste en droit pénal.
Mercredi, Christian Estrosi, devenu ministre délégué à l’Aménagement du Territoire, a remis son rapport à Pascal Clément. Il préconise de consacrer la spécificité de l’inceste dans le code pénal tout en définissant les auteurs de cette nouvelle incrimination. Seraient qualifiés d’incestueux sur mineurs, les viols (crimes), agressions et atteintes sexuelles (délits) commis par les ascendants, les collatéraux et les descendants, qu’ils soient légitimes, naturels ou adoptifs. Entreraient donc dans la définition des auteurs incestueux les parents, oncles et tantes, frères et sœurs ainsi que le conjoint ou concubin de ces trois catégories.
« Les particularités de l’inceste étaient jusqu’ici mal prises en compte par nos lois, tant civiles que pénales », a déclaré le garde des Sceaux, estimant que les juridictions pénales ont « parfois du mal à cerner cette notion, pourtant perçue par tous comme une menace à l’ordre social et à la structure familiale ».
Mineurs de moins de 15 ans
Pascal Clément s’est dit favorable à cette nouvelle incrimination où, pour les mineurs de moins de quinze ans, sera retenue une présomption de contrainte morale qui leur fera bénéficier d’une protection générale renforcée.
Seule association à faire entendre mercredi sa différence, « La Voix de l’Enfant » a qualifié de « démagogiques » les propositions de la mission. « On a un système qui fonctionne très bien », a souligné Coralie Capillon, avocate.
Cette dernière regrette le distinguo opéré par la mission entre mineurs de moins et de plus de quinze ans, ces derniers ne se voyant pas reconnaître, selon elle, la qualité de victime d’inceste.
« Comment expliquer aux enfants que les frères et sœurs de moins de quinze ans sont victimes d’inceste alors que l’aîné ne sera pas reconnu comme tel », a-t-elle expliqué. Si le rapport ne propose pas d’augmenter les peines, 20 ans de réclusion pour viols, il prévoit de passer de deux à cinq ans le quantum de la peine pour le délit d’atteinte sexuelle incestueuse. Une initiative jugée opportune par le ministre.
En revanche, celui-ci s’est montré réticent à l’automaticité du retrait de l’autorité parentale pour les auteurs d’infractions incestueuses ainsi qu’à leur interdiction de plein droit d’entrer en contact avec leur victime.
Près de 20% des procès d’assises concerneraient des infractions de type incestueux, selon ce rapport. De 2001 à 2003, les cours d’assises ont prononcé 284 condamnations pour des faits de viols sur mineur par ascendant ou par personne ayant autorité.
L’ethnologue Claude Levi-Strauss, père de l’anthropologie structurale, analyse la prohibition de l’inceste comme un moyen d’échange des femmes entre les groupes et y voit le passage de la nature à la culture.

Kathryn Harrison, 36 ans, publie un roman sur l’histoire vraie d’un inceste assumé avec son ecclésiastique de géniteur. Fille au père.

09/05/1997
par Annette LEVY-WILLARD

La respectable et reconnue romancière Kathryn Harrison, 36 ans, deux enfants, épouse de Colin Harrison, l’un des rédacteurs en chef de Harper’s Magazine, figure de l’establishment intellectuel new-yorkais, publie en ce mois de mai « un cocktail Molotov littéraire ».
The Kiss (le Baiser) décrit à la première personne, dans un roman à suspense, comment elle a, pendant quatre ans, fait l’amour avec son père.
Pas une sordide affaire d’inceste forcé, mais une aventure qui pourrait être banale entre une fille de 20 ans et un homme plus âgé, si l’amant n’était le père biologique.
On referme le livre (le Rapt dans l’édition française) et on se dit : « Quel étrange et beau roman. » Mais l’histoire est vraie. On a alors envie de rencontrer cette jeune femme dont la photo d’Américaine classique, belle et blonde, a fait les couvertures des magazines aux Etats-Unis.
Comment est-elle après avoir vécu cette passion clandestine qui s’est déroulée en forme de road-movie, errant de motels glauques en aéroports paumés ? Étonnamment normale. Du moins en apparence, assise sagement devant une tasse de thé à Paris.
Kathryn Harrison est aussi jolie que sur les photos, un visage distingué, lisse, qui ne révèle rien de ce passé. Mais elle parle avec une sorte de force intérieure, de détermination, qui évoque le style d’écriture de son livre. The Kiss lui vaut maintenant une célébrité sulfureuse aux Etats-Unis.

La presse américaine a reconnu les qualités littéraires du récit mais s’est offusquée de la levée « du dernier tabou, celui de l’inceste ». Kathryn Harrison a aussi été traitée de mère indigne qui va traumatiser ses enfants, et on l’a accusée de céder à la mode des « confessions scandaleuses ».
D’ailleurs, la couverture du livre en rajoute, affichant la photo de la petite Kathryn et de son père ­ les têtes soigneusement cachées par le titre ­ où on voit surtout les jambes nues de la fillette en robe d’été.

Kathryn Harrison ne voulait pas de cette image : « Cette photo évoque un inceste d’enfant. Je me suis battue pour qu’on n’imagine pas qu’il s’agissait d’un viol, nous dit-elle. Parce que je ne suis pas une victime. »
Et c’est justement d’où vient le trouble et le malaise de cette histoire hors des règles de l’humanité ­ et pourtant dans le contexte bien moderne d’une banlieue chic de Los Angeles.
Les parents de Kathryn Harrison avaient 19 ans quand elle est née. Mariés à la hâte, ils ont divorcé six mois après sa naissance, le père ayant été mis dehors par la belle-famille. La fillette est donc élevée par ses grands-parents (d’origine juive). Sa mère, trop jeune, ne s’en occupe pas. Une jeunesse triste et solitaire. Etudiante, elle retrouve à 20 ans ce père inconnu qui décide soudain de débarquer dans son existence. Il est devenu pasteur, s’est remarié, a d’autres enfants. Personnage fort antipathique ­ pour les lecteurs du livre, il s’acharne aussitôt à prendre possession de cette jeune fille émotionnellement vulnérable, s’appuyant sur des discours pseudo-religieux pour la convaincre d’avoir des rapports sexuels avec lui.
La vie de Kathryn va basculer avec un baiser à l’aéroport. Son père l’étreint pour lui dire « au revoir » et… « ce n’est plus un baiser chaste aux lèvres fermées. Mon père enfonce profondément sa langue dans ma bouche, mouillée, insistante, elle me fouille avant de se retirer. Il ramasse le sac de son appareil photo, puis, avec un sourire radieux, il rejoint la file des passagers qui disparaissent dans l’avion ». Elle vivra ce baiser comme une « piqûre fatale, comme celle d’un scorpion: un narcotique qui se transmet de ma bouche à mon cerveau ».
A l’exception de l’étape suivante vers la consommation sexuelle ­ la description d’un cunnilingus par le père (la nuit, dans la maison de la grand-mère paternelle !) ­, le récit ne rentre pas dans les détails érotiques.

« Soudain, ce type que je ne connaissais pas me trouve belle, intelligente, il ne veut que moi, explique aujourd’hui Kathryn Harrison. C’était au printemps de 1981. Il voulait tout de suite qu’on ait une relation sexuelle. J’ai résisté jusqu’à l’automne. Je savais que c’était mal. Que coucher avec lui était inacceptable. Il se mettait en colère, on n’arrêtait pas de se disputer là-dessus. Je ne voulais pas le faire, mais, à l’automne, j’ai fini par céder. J’avais peur de le perdre. J’étais totalement amoureuse de lui, obsédée, envoûtée. »

Ce père jeune, 39 ans, n’est pas un modèle de séduction: gras, des yeux injectés de sang, déplaisant et mystique. « L’érotisme n’est pas toujours lié au physique, souligne-t-elle. A l’université j’avais des boy-friends plus séduisants. Mais je l’aimais. »

Pendant quatre ans donc, elle laisse tomber études, copains, famille, pour suivre ce père-amant, malade et possessif, qui la surveille, allant jusqu’à l’installer dans sa paroisse, aux côtés de sa deuxième femme et de ses enfants. « Ce ne serait pas passé si j’avais été élevée avec lui, explique Kathryn Harrison. D’ailleurs, il n’a pas tenté de séduire son autre fille. » A l’époque, elle pense au suicide, consulte un psychanalyste, sombre dans la mélancolie. Elle ne réussit à rompre l’envoûtement qu’à la mort de sa mère atteinte d’un cancer. L’histoire se termine sans drame : elle annonce simplement à son père, au téléphone, que c’est fini.

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Edition Française : Kathryn Harrison Le rapt (l’Olivier, 2001)
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