Les études concernant le devenir des victimes de violences sexuelles se sont jusqu’alors surtout intéressées aux conséquence psychiques à court et moyen terme (syndrome de stress post traumatique), mais beaucoup moins aux conséquences psychosomatiques à long terme.
La prise en charge et le suivi de ces patients a montré également une plus grande fréquence de ces symptômes somatiques. Depuis quelques années les gastro-entérologues ont constaté une grande fréquence d’antécédents de violences sexuelles dans la pathologie fonctionnelle digestive, deux autres domaines semblent également en être un mode d’expression : les troubles fonctionnels urinaires et les algies pelviennes. Une des difficultés est d’établir un lien de causalité entre l’antécédent et le symptôme psycho-somatique.
Bien que les médias aient tendance à faire croire à l’augmentation de la fréquence des violences sexuelles, pour Feldman (5) il n’en est rien et chez les jeunes filles de moins de 14 ans, la prévalence reste de 10 à 12 % depuis l’après-guerre. L’augmentation de la fréquence des consultations pour violences sexuelles apparaît donc être liée essentiellement à l’évolution des mentalités, à la levée des tabous, plus qu’à une modification du phénomène lui-même ; nous n’en sommes qu’au début de la prise de conscience.
Il semble que les variations de fréquence retrouvée dans la littérature (de 8 % à 26 %) soient essentiellement le fait des biais de recrutement, de la nature des questions posées, de la facilité à y répondre, et surtout de la définition des violences, ce qui peut expliquer des taux régulièrement plus élevés dans les études anglo-saxonnes.
Une étude récente, réalisée à Genève (7) auprès de 1116 adolescents de 13 à 17 ans scolarisés, montre que 33,8 % des filles et 10,9 % des garçons ont un antécédent d’au moins une violence sexuelle.
La prévalence des violences sexuelles avec contact physique est de 20,4 % chez les filles et 3,3 % chez les garçons.
La prévalence des violences ayant comporté n’importe quelle forme de pénétration est de 5,6 % chez les filles et 1,1 % chez les garçons. La moitié des enfants ont subi cette violence avant l’âge de 12 ans, dans un tiers des cas, l’agresseur était un adolescent.
L’agresseur est un membre de la famille dans 20,5 % des cas chez les filles et 6,3 % chez les garçons. C’est dire l’importance et l’universalité de ce phénomène social.
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1. Bloom DA. Sexual abuse and voiding dysfunction. Editorial, comment. J Urol 199;153:777.
2. Devroede G. Constipation and sexuality. In Medical aspects of human medicine 1990:40-46.
3. Drossman DA. Physical and sexual abuse and gastrointestinal illness: what is the link ? Am J Med 1994;113:828-833.
4. Ellsworth PI, Merguerian P A, Copening ME. Sexual abuse: another causative factor in dysfunctional voiding. J Urol 1995;153:773-776.
5. Feldman W, Feldman E, Goodman JT. Is childhood sexual abuse really increasing in prevalence ? An analysis of the evidence. Pediatrics 1991;88:29-33.
6. Friedriech WN, Schafer C. Somatic symptoms in sexually abused children. J Ped Psychol 1995;20:661-670.
7. Halperin DS, Bouvier P, Jaffe PD, Mounoud RL, Pawlak CH, Laederach J et al. Prevalence of child sexual abuse among adolescents in Geneva: results of a cross sectional survey. BMJ 1996;312:1326-1329.
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Violences sexuelles et situations paradoxales de dépendance à l’agresseur liées à la mémoire traumatique, la dissociation par Muriel Salmona
Violences sexuelles et situations paradoxales de dépendance à l’agresseur liées à la mémoire traumatique, la dissociation et aux conduites dissociantes
Par La docteure Muriel Salmona
La multiplication des situations traumatiques (violences qui continuent), la multiplication des situations de rallumage de la mémoire traumatique (rappel du traumatisme par des liens qui se font avec celui-ci, par un contact avec l’agresseur) entraînent un état de dissociation quasi continuel chez la victime.
Avec dépersonnalisation, conscience altérée et anesthésie affective qui permet une emprise de l’agresseur sur la victime qui est de ce fait totalement vulnérable et dans l’incapacité de se défendre et peut même sembler « participer » aux violences par son état hypnoïde et par ses conduites dissociantes (« provocations », « propositions », »attitudes », paroles, qui sont des mises en danger) alors même que c’est la terreur qu’elle éprouve vis-à-vis de son agresseur et vis-à-vis des violences, dont elle ne veut surtout pas, qui l’ont mise dans cet état du fait d’un mécanisme psycho-neuro-biologique de sauvegarde nécessaire pour éviter un risque vital physique et psychique.
Le seul moyen pour y échapper étant de ne plus être du tout en contact avec son agresseur (contact physique, téléphonique, par courrier), l’agresseur, par expérience, le sait, aussi ne lâche-t-il pas sa victime (harcèlement, contact répétés).
Ce n’est que quand la victime se sentira protégée de son agresseur, mise à l’abri, qu’elle pourra sortir de cet état de dissociation, « se réveiller » et prendre alors conscience de la gravité des faits, et qu’elle sera confrontée à sa souffrance et pourra demander de l’aide et être traitée, mais si elle est mise de nouveau en danger les processus de dissociation pourront reprendre.
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