L’affaire d’Outreau et ses processus pervers, décryptage

Logo Mediapart25 mai 2015 |  Par marie-christine gryson

Cette communication a été donnée lors du Colloque organisé par le REPPEA1
le 10 avril 2015 au Palais d’Iéna intitulé : « Maltraitances sexuelles, physiques et psychologiques sur les enfants : mécanisme de défense et effets de la perversion chez les professionnels »
sous le titre : « Décryptage des processus pervers dans le traitement de l’affaire d’Outreau ».
Elle a été publiée après validation sur Village de la Justice le 12 mai 2015 avec quelques aménagements mineurs.
Je ne peux communiquer sur le procès de Rennes étant citée à comparaitre comme expert mais le lecteur pourra s’aider de cette grille de décodage pour en éclairer sa compréhension. Une mise au point sur les contre vérités sera par ailleurs envoyés à l’AFP pour anticiper les inexactitudes éventuellement ancrées de bonne foi dans les médias.

Il s’agit de partir d’un constat concernant cette sordide affaire : la vérité judiciaire des plaignants, les 12 enfants victimes reconnus comme tels par la Justice, a disparu des médias et par conséquent de la conscience des politiques et de la société toute entière. Autre constat : ce qu’il reste dans la mémoire collective est le mensonge d’enfants carencés susceptibles de ce fait d’inventer des agressions sexuelles qu’ils n’ont pas subies et qui est devenu ce que j’ai appelé le storytelling d’Outreau2 dans mon ouvrage « Outreau la vérité abusée »3. La question qui se pose est : « comment cela a t-il pu se faire et corrélativement comment cette affaire est-elle devenue un référentiel catastrophique, la clé de voûte de la régression en matière de protection de l’enfance ? » On a coutume de constater que lorsque l’on traite des agressions sexuelles en institution par exemple, l’environnement court le risque de fonctionner sur le même mode pervers agresseur-agressé. On a eu ici une démonstration de grande ampleur avec les procès d’Outreau et leurs suites.

Nous allons donc nous intéresser au « Comment » et non pas au « Pourquoi » qui relève d’hypothèses et qui ont été évoquées comme telles dans l’ouvrage pré-cité. Ici nous travaillerons à partir des faits constatés et des données réelles et vérifiables.

Un certain nombre de principes et de processus pervers ont été à l’œuvre comme on pourra en juger. C’est la définition de la perversion la plus simple qui sera ici la plus pertinente en ce qu’elle relève du mot latin pervetere, qui signifie renverser. Deux idées en découlent, la première renvoie à la notion d’ « inverser » comme inverser les valeurs et les culpabilités et la seconde à la notion de « mettre sens dessus dessous » à savoir ce qui crée la confusion, le brouillage des messages qui aboutit à une une corruption de la pensée, une désinformation et un déni du réel. Le Bien en tant que valeur universelle est devenu le Mal, c’est ce qui est le plus désastreux en terme de régression de civilisation.

Pour clarifier la démonstration, je proposerais d’envisager l’analyse de ces processus pervers à partir de leur support, trois sont à relever durant et après les procès de Saint-Omer et de Paris :
– Le support de la configuration des lieux de la salle d’assises
– Le support de l’image télévisée du premier procès télé-réalité de la Justice française
– Le support de la rhétorique en référence aux lois de la communication.

I Le support de la configuration de la salle d’assises : l’inversion des statuts plaignant-accusé et donc le renversement pervers des culpabilités.

——- De manière exceptionnelle et invraisemblable, et pour des raisons budgétaires, on n’a pas loué une grande salle pour reproduire la configuration classique d’une salle d’assises.
Les enfants, faute de place, étaient installés dans le box des accusés et les accusés dans la salle d’audience avec leurs avocats et les journalistes, avec qui s’était instauré un travail d’équipe selon les dépositions du Procureur Eric Maurel4. Ils étaient spectateurs de leur procès. La liturgie symbolique qui structure la pensée binaire, le bien le mal et qui place donc les accusés dans le lieux destiné à les recevoir, n’a pas été respectée. Omerta des médias sur cette aberration structurelle.

—— De manière attendue, les enfants ont été interrogés comme s’ils étaient les coupables de l’affaire… coupables d’avoir dénoncé des innocents. Il y a eu déni de leur condition de plaignants mais aussi de leur condition d’enfants. On a pris moult précautions après moult formations pour recueillir la parole de l’enfant en respectant sa spécificité psychologique et victimologique et les enfants d’Outreau se sont retrouvés dans la cage aux lions. Il faut savoir qu’ils ont été interrogés comme s’ils étaient à armes psychiques égales avec les adultes, spécialistes de la rhétorique. De surcroît, ils ont été interrogés par 17 avocats durant plusieurs heures. Le Haka des All black à côté de cela ce n’est rien a témoigné Me Pouille-Deldicque dans le film documentaire de Serge Garde « Outreau, l’autre vérité »5. Aucun média n’y a trouvé à redire tant la configuration avait inversé l’ordre naturel du déroulement d’un procès.
Dans le rapport de la commission parlementaire on trouve en substance : « Grâce à l’interrogatoire contradictoire des avocats de la défense, la fragilité des déclarations des enfants a pu être démontrée »6. Les avocats de la défense sont devenus les spécialistes de la parole des enfants et en l’occurrence de la détection de leurs prétendus mensonges.

—— De manière attendue, les témoins ont été mis en accusation, tout comme les experts. Le summum a été atteint au moment où il y a eu un procès dans le procès et ou un professeur de Psychologie a fait l’objet de deux plaintes solennellement déposées par plus d’une dizaine d’avocats en défilé devant le président, plaintes qui ont provoqué des réquisitions de l’avocat général et un délibéré. Il s’agissait d’une plainte auprès de la Cour Européenne des droits de l’Homme pour atteinte à l’équité du procès pour avoir écrit dans le courrier des lecteurs du journal le MONDE ses impressions sur les invraisemblances du procès. Or la défense régentait seule la communication devant les caméras. Personne ne réclamait la symétrie du contradictoire… personne ne s’est aperçu qu’il n’existait pas – en l’absence du poste non encore créé – un magistrat chargé de la communication.
Le professeur Jean-Luc Viaux, responsable d’un DU expertises, a, par ailleurs, fait l’objet d’une demande de radiation de son inscription d’Expert devant la cour de Cassation. Il s’agissait bien sûr d’une stratégie de culpabilisation officialisée pour réduire la combativité bien connue d’un ancien Président du Syndicat des Psychologues.

I Le support de la configuration de la salle d’assises : l’inversion des statuts plaignant-accusé et donc le renversement pervers des culpabilités.

——- De manière exceptionnelle et invraisemblable, et pour des raisons budgétaires, on n’a pas loué une grande salle pour reproduire la configuration classique d’une salle d’assises.
Les enfants, faute de place, étaient installés dans le box des accusés et les accusés dans la salle d’audience avec leurs avocats et les journalistes, avec qui s’était instauré un travail d’équipe selon les dépositions du Procureur Eric Maurel4. Ils étaient spectateurs de leur procès. La liturgie symbolique qui structure la pensée binaire, le bien le mal et qui place donc les accusés dans le lieux destiné à les recevoir, n’a pas été respectée. Omerta des médias sur cette aberration structurelle.

—— De manière attendue, les enfants ont été interrogés comme s’ils étaient les coupables de l’affaire… coupables d’avoir dénoncé des innocents. Il y a eu déni de leur condition de plaignants mais aussi de leur condition d’enfants. On a pris moult précautions après moult formations pour recueillir la parole de l’enfant en respectant sa spécificité psychologique et victimologique et les enfants d’Outreau se sont retrouvés dans la cage aux lions. Il faut savoir qu’ils ont été interrogés comme s’ils étaient à armes psychiques égales avec les adultes, spécialistes de la rhétorique. De surcroît, ils ont été interrogés par 17 avocats durant plusieurs heures. Le Haka des All black à côté de cela ce n’est rien a témoigné Me Pouille-Deldicque dans le film documentaire de Serge Garde « Outreau, l’autre vérité »5. Aucun média n’y a trouvé à redire tant la configuration avait inversé l’ordre naturel du déroulement d’un procès.
Dans le rapport de la commission parlementaire on trouve en substance : « Grâce à l’interrogatoire contradictoire des avocats de la défense, la fragilité des déclarationsdes enfants a pu être démontrée »6. Les avocats de la défense sont devenus les spécialistes de la parole des enfants et en l’occurrence de la détection de leurs prétendus mensonges.

—— De manière attendue, les témoins ont été mis en accusation, tout comme les experts. Le summum a été atteint au moment où il y a eu un procès dans le procès et ou un professeur de Psychologie a fait l’objet de deux plaintes solennellement déposées par plus d’une dizaine d’avocats en défilé devant le président, plaintes qui ont provoqué des réquisitions de l’avocat général et un délibéré. Il s’agissait d’une plainte auprès de la Cour Européenne des droit le l’Homme pour atteinte à l’équité du procès pour avoir écrit dans le courrier des lecteur du journal le MONDE ses impressions sur les invraisemblances du procès. Or la défense régentait seule la communication devant les caméras. Personne ne réclamait la symétrie du contradictoire… personne ne s’est aperçu qu’il n’existait pas – en l’absence du poste non encore créé – un magistrat chargé de la communication.
Le professeur Jean-Luc Viaux, responsable d’un DU expertises, a par ailleurs fait l’objet d’une demande de radiation de son inscription d’Expert devant la cour de Cassation. Il s’agissait bien sûr d’une stratégie de culpabilisation officialisée pour réduire la combativité bien connue d’un ancien Président du Syndicat des Psychologues.

II Le support de l’image télévisée : la Justice télé-réalité a renforcé l’inversion des culpabilités.

Les images ont eu une force de conviction jamais atteinte car jamais utilisées de la sorte durant un procès d’assises, il s’agit du premier procès télé-réalité de l’histoire de la Justice française. On a donc eu l’inversion des culpabilités déjà installée dans la configuration intérieure du procès accessible aux journalistes et à l’extérieur elle s’est renforcée avec la puissance des images qui parlent à l’émotion et non pas à la raison.
Un certain nombre de personnages ont envahi le petit écran : les accusés, Myriam Badaoui, les experts, le juge d’instruction…. les enfants, du fait de leur minorité n’ont pu incarner leur image d’êtres vulnérables et en grande souffrance, or dans un procès téléréalité la souffrance qui ne peut s’incarner à l’image, n’existe pas. Effet pervers de la protection de l’image des enfants.

– Les accusés mais pas les enfants :
On sait que les images des larmes des accusés passées en boucle ont crée une sorte d’hypnose traumatique d’autant qu’elles étaient accompagnées d’une injonction d’identification « Cela peut vous arriver à tous ». Elle sont devenues des pièges à conviction car les accusés sont devenus les victimes ils ont occupé tout l’espace victimaire. Ils souffraient ils étaient donc victimes, ils ne pouvaient plus être coupables, la Justice est binaire. D’ailleurs, l’huissier Marécaux a publié un livre entre les deux procès après sa condamnation en première instance et avant son acquittement en appel qui était intitulé « Mon erreur judiciaire » et dont le sous titre édifiant était : « Victime de l’affaire d’Outreau ».

Les 15 enfants reconnus victimes aux assises de Saint-Omer, ne sont pas apparus à la télévision mais ce qui a fait consensus après le premier procès à St Omer a été le problème du recueil de la parole de l’enfant alors que les 15 enfants étaient reconnus victimes de viols, agressions sexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme.La création d’une commission (commission Viout) pour travailler sur le recueil de la parole de l’enfant a enfoncé le clou, alors que les experts ne s’étaient pas trompés : leur parole a été recueillie par 7 experts qui ont tous abouti aux mêmes conclusions. L’absurde a fait bon ménage avec la perversion.

– Myriam Badaoui
Parmi les accusés condamnés, on connaît le visage de Myriam Badaoui, sa présence envahissante et en boucle en a fait un sujet principal du procès, elle est devenue stratégiquement pour la défense, la seule accusatrice alors que 4 autres accusés avaient révélé la présence d’un grand nombre de personnes tout comme les enfants victimes. Désinformation obtenue par l’envahissement de sa présence à l’image.

– Les experts et le Juge d’instruction
On a vu les images des experts et les images punitives du juge qui envahissaient également tout l’espace médiatique de l’inversion des culpabilités. Le juge et les experts étaient plus mauvais sujets que les 4 personnes condamnées pour viols sur mineurs dont deux ont écopé de 15 et 20 années de réclusion criminelle. On ne connaît pas le visage du violeur d’enfant qui pourra refaire sa vie une fois libéré, ce qui ne sera jamais le cas de Fabrice Burgaud, ce professionnel de la Justice qui n’a commis aucune faute selon les inspecteur de la commission d’enquête judiciaire. Juge et Experts sont devenus les coupables de substitution qui ont canalisé toutes les peurs et les rancœurs d’une foule irrationnelle transformée en meute.(Gustave LEBON)

Le juge transformé en bouc émissaire, condition définitivement provoquée par les images de la commission parlementaire été un « thérapeute toxique » ( Boris Cyrulnik) pour la société car on a oublié les enfants reconnus victimes qu’il a sauvés. Et depuis « Outreau » on ne croit plus les enfants qui révèlent des agressions sexuelles, ce qui a provoqué une régression de civilisation ne parvenant plus à canaliser la perversion sexuelle.

– La journaliste de « La Méprise » Florence Aubenas
Florence Aubenas a eu un rôle très important en terme d’image : elle, l’otage adulée et qui revient avec le livre de la vérité « La méprise ». Or il est truffé de contre-vérités7ne serait-ce que de décrire les accusés dans le box (des accusés) alors que ce sont les enfants qui y étaient installés. (Voir sur Village de la Justice l’ article de l’ex-président d’Assises Michel Gasteau) Le fait qu’elle ait violé le secret de l’instruction des mois avant le procès n’a pas jeté l’opprobre sur sa déontologie car l’image de son visage radieux sortant de l’avion suite à sa libération, non seulement l’a rendue crédible mais aussi intouchable. Ce qui est normalement répréhensible ne l’est plus.

– Le Procureur Général Yves Bot et les acquittés
Il a présenté des excuses aux accusés avant le délibéré du jury populaire, bafouant les règles de la Justice souveraine. Les images des accusés acquittés reçus par les plus hautes autorités de l’état ont balayé ce grave manquement, le Mal est devenu le Bien, La perversion a fait intrusion dans le fonctionnement démocratique.Ce sont bien ces images traumatiques de la télé-réalité qui ont inondé d’émotion et anesthésié le rationnel et qui n’ont pas permis une lecture objective et cognitive de la situation. Elles ont créé un tel climat d’inversion des culpabilités et de désinformation que le raffinement des procédés rhétorique perverse ne pouvait plus être décodé.

III Le support de la rhétorique perverse :

La rhétorique perverse a accompagné les images déjà évoquées. Le cognitif n’avait plus de prise, les techniques relevaient souvent de la défense, mais elles étaient reprises par les médias sans pédagogie tant les stratégies étaient devenues non pas ligne de défense, mais Vérité vraie.

– Parlons rapidement de la Dissonance cognitive qui renvoie à ce qui choque nos convictions profondes. Ainsi, que des enfants soient coupables d’une telle malignité était une réalité vraiment difficile à intégrer : c’était tellement inhabituel que le « calvaire des innocents », un titre de Florence Aubenas dans le N Obs entre les deux procès, s’applique à des adultes, dont on a réduit la dissonance cognitive en les rendant différents des autres. Ce ne sont pas Tous les enfants qui sont capables d’une telle dangerosité vis à vis des adultes, ce ne sont pas les Nôtres en tous les cas, se sont juste les enfants carencés. Ce storytelling attendu et fédérateur a pu s’installer grâce à l’intervention salvatrice d’un expert qui n’avait pas examiné les enfants. L’absurdité paradoxale permise par le brouillage des messages n’a pas été repérée et l’on a admis sans rechigner que des enfants surpuissants et pourtant carencés puissent réussir à tromper 7 experts et 65 magistrats.

Le storytelling de l’enfant carencé étant toutefois insuffisant pour expliquer un tel désastre, il a bien fallu réactualiser les fantasmes d’enfants diaboliques issu des temps révolus.

Sont venues à la rescousse dans une sorte de dynamisme explicatif, un certain nombre de techniques perverses, qui brouillent les messages avec un sérieux en trompe l’œil, celle des références piégées, puis des mots piégés pour reprendre les terme de Philippe Breton dans « La parole manipulée ».8 Il s’agit de réveiller le souvenir bouleversant lié à un événement et de garder cette charge émotionnelle qui va se transférer par analogie et amalgame à un autre événement, en l’occurrence sur l’événement Outreau.

Nous dénombrons 5 techniques que l’on peut qualifier de perverses au regard de la définition retenue.

1 – La technique des références piégées :
Les références piégées ont pu être évoquées sans malignité comme l’a fait Denis Salas dans son ouvrage « Les nouvelles sorcières de Salem, leçons d’Outreau ». Elles ont contribué à réveiller ce fantasme de l’enfant diabolique :
C’est la référence à ce fait divers qui montre une folie sociétale liée à des dénonciations ayant eu de graves conséquences, puisque les adultes accusés de sorcellerie par des adolescentes diaboliques, furent grillés sur le bûcher. Les enfants d’Outreau ont été comparés à ces adolescentes irresponsables. Or les chercheurs qui se sont intéressés aux procès en sorcellerie ont montré que le grand responsable de la folie ambiante était l’ergot de seigle qui provoque des troubles hallucinatoires.
Autre référence utilisée de manière erronée, celle qui concerne Marie Antoinette et son fils Louis XVII. Celui-ci aurait accusé sa mère d’inceste car, nous a t-on expliqué, il avait été, comme les enfants d’Outreau, privé de soins, séparé de sa famille et avait subi des maltraitances. Il est fait allusion aux enfants qui ont été placés par les services de l’Aide à l’Enfance suites aux révélations de viols… et non pas incarcérés par des révolutionnaires comme le fut le jeune prince. Or l’on sait que c’est le procureur Hébert, ancien journaliste de propagande, qui avait obligé l’enfant à effectuer ces déclarations pour faire passer la reine pour une mère dénaturée.
La dernière référence piégée car erronée également, concerne la seconde théorie de la séduction remise au goût du jour par le Psychanalyste Samuel Pasquier pour les enfants d’Outreau. Il évoque l’existence de fantasmes sexuels œdipiens… est-il utile de rappeler que les enfants ont bien été reconnus victimes de viols… cette réalité est passée à pertes et profits.
Encore plus médiatisés que les références piégées sont rapidement apparus les mots piégés, relevant de la technique perverse de la plus redoutable efficacité.

2 – La technique des mots piégés
– Les plus révoltants ont été des assimilations analogiques à l’horreur de la Shoah. On a donc parlé de rafle (dans « la Méprise » de Florence Aubenas et l’émission « Faitesentrer l’accusé » de Christophe Hondelatte) pour désigner la prise en charge rapide de l’aide à l’enfance… et c’est aussi cela, comme on l’a vu plus haut, qui aurait provoqué les accusations des enfants… en référence à Louis XVII.
Les mots piégés ont continué de sévir eu égard à la même démarche perverse avec l’évocation du nazisme utilisée contre Fabrice Burgaud qu’on a traité de Eichman. Les professionnels magistrats qui ont évoqué leur travaux lors de la Commission Parlementaire sont devenus des révisionnistes et les ré-informateurs des négationnistes.L’opprobre qui a été jeté sur eux dissout l’envie de s’informer sur le film de Serge Garde9 et les livres de l’experte psychologue et du journaliste de l’AFP Jacques Thomet10, sous peine de devenir des révisionnistes. Les journalistes qui ont donné la parole aux « révisionnistes » sont affublés aux aussi de cette appellation par leur rédaction. S’informer sur le contradictoire, en bon citoyen, ce qui est une vertu indispensable au bon fonctionnement démocratique, devient le mal absolu pour ce qui concerne Outreau. Entendre la parole des enfants victimes ou des professionnels fait de vous un citoyen détestable.

– D’autres mots piégés ont fait flores.
On a vu également apparaître les termes de « conspirationnistes » et de « complotistes » dont l’objectif est celui du contre-feu qui jettera également l’opprobre sur toute personne tentée de croire que tout n’a pas été dit sur cette affaire. Curiosité pour le contradictoire citoyen = adhésion à la théorie du complot et donc celui qui le relaie est un conspirationniste.
Pour ce qui nous concerne, réhabiliter la parole de l’enfant ou leur proposer des thérapies bénévolement et gratuitement ou du théâtre de prévention, est devenu vivement répréhensible. Ce fut considéré comme du militantisme dans ce qu’il est censé représenter de danger pour la société.On a également retrouvé les termes piégés de conflit d’intérêt et de partialité référencés à des contre-vérités en guise de preuves (le prétendu suivi en thérapie les enfants d’Outreau). Les associations de Défense des enfants ont également figuré dans la listes des coupables, leur combat légitime a été transformé en fanatisme malveillant et en frénésie anti-pédophile débouchant sur des catastrophes judiciaires.

L’inversion des valeurs est ici démontrée de manière caricaturale. Une dois de plus, le Bien est devenu le Mal!Tout cela a été rendu possible, rappelons le, par l’omerta sur la vérité judiciaire des enfants.

3 – La technique du mensonge par omission-dissimulation ou le zoom sur une donnée informative qui éteint toutes les autres
— Le zoom sur les nombre d’acquittés et l’omerta sur le nombre d’enfants reconnus victimes par la Justice ( 12) .
— Le zoom sur les réponses confuses des enfants terrorisés, interrogés par 17 avocats et l’omerta sur leur déclarations analysées par les 7 experts.
— Le zoom sur la fratrie Delay amenant l’opinion à ne considérer qu’il n’y a que 4 victimes uniquement associées à celle qui est devenue « la menteuse ».

— Le zoom sur les 3 enfants rétractés en appel à Paris,dans des conditions non fiables, omerta sur les 12 qui ont maintenu leurs accusations.
— Le zoom sur une réponse extraite d’un test d’un contre- expert docteur en psychologie, comme seul critère du viols des enfants ( musaraigne).
— Le zoom sur une préconisation de thérapie du traumatisme (EMDR) qui devient pour les avocats une méthode diagnostique caricaturale du clignement d’yeux pour y voir sans coup férir qu’une victime a bien été violée ( « BêteNoire » Eric Dupond-Moretti )
— Zoom sur les attaques comme la demande de récusation et omerta sur le refus du président. Même la Commission parlementaire l’a reprise, le rapporteur Houillon a accepté de corriger, mais c’est gravé dans le marbre… or c’est faux.
— Zoom lors de la commission parlementaire sur le mea-culpa des médias qui ont stigmatisé les accusés, omission totale de la stigmatisation de tous les professionnels mis au pilori médiatique.
— Le zoom sur la virginité d’une victime qui est devenue une menteuse et scotomisation sur les fellations et sodomies qu’elle décrivait.
— Le zoom sur les « expertises de femme de ménage », expression totalement retirée du contexte et qui ne concernait pas les expertises d’Outreau.

4 – La technique de la gravité par l’indignation surjouée
La puissance dramaturgique donnée à la prosodie du langage a créé une distorsion entre la réalité des faits et leur signification en terme de gravité :
— Le fait que l’on ait trouvé une plaquette ( distribuée par un collègue) concernant le théâtre de prévention des abus sexuels est devenue plus sulfureuse que n’auraient pu l’être des images pédopornographiques. L’objectivité a disparu. On ne s’est pas aperçu que l’indignation et l’émotion surjouées par les avocats et relayées par les médias – en particulier Florence Aubenas – qui faisaient la gravité et non pas la réalité : la plaquette sur le théâtre de prévention de l’association dont j’étais présidente est devenue une preuve de grave nuisance. Le Bien devenu le Mal une fois de plus. L’expert qui par déontologie travaille bénévolement auprès des enfants victimes – ce qui assure par ailleurs sa formation continue – est devenu un dangereux personnage pro-victime. Le fait d’assurer en cabinet adolescents agresseur ne l’a pourtant pas rendu pro-agresseur, ce qui signe bien l’absurdité perverse du raisonnement.

5 – La technique de la perfide bienveillance : une caresse assassine
– Encore plus raffinée au niveau de la rhétorique perverse, la stratégie de la bienveillance qui dissimule la malignité de l’attaque : « les experts étaient tellement sensibilisés à la cause des enfants qu’ils en ont été aveuglés et ont fait n’importe quoi ». Ou bien « les enfants d’Outreau étaient tellement traumatisés qu’ils ont dit n’importe quoi. »

Le psychiatre Paul Bensussan, ce professionnel non pédo-psychiatre, n’a pas examiné les enfants d’Outreau mais il est venu lors des procès d’Outreau à la demande de la défense parler de leur confusion entre réel et imaginaire. Il est devenu le Sachant de cette affaire et comme on le constate, tout est sens dessus dessous : on devient compétent au plan national et international quand on remet en cause la parole d’enfants que l’on n’a pas examinés et qui ont pourtant été reconnus victimes de viols. Il va de soi que les détracteurs de la parole des enfants devenus adultes évoqueront un autre concept anti-victimaire, à savoir la théorie des Faux souvenirs.

En manière de conclusion, je m’autoriserai à demander aux professionnels de la Justice et aux collègues experts, psychiatres, psychologues, médecins, travailleurs sociaux, si cela leur semble être un devoir citoyen, de participer à la diffusion de la ré-information sur cette mystification d’Outreau qui a fonctionné comme on l’a vu, essentiellement à partir de principes et de processus pervers. La Justice en a été bafouée tout comme la prise en compte de la parole de l’enfant, ce qui a produit la régression de civilisation que nous déplorons. La première ré-information concerne la compétence avérée des 7 experts d’Outreau, qui, tout comme ceux d’Angers ( 45 condamnations pour pédocriminalité) étaient formés à toutes les techniques actualisées sur les agressions sexuelles avec pour la plupart 20 ans d’expérience,et que leurs conclusions sont toutes allées dans le même sens. La seconde réside tout simplement dans la diffusion de la vérité judiciaire des enfants d’Outreau : 12 d’entre eux ont bien été reconnus victimes de viols, agressions sexuelles, agressions sexuelles et proxénétisme.

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Vendredi 22 mai 2015 : Le procès de l’instruction Par Charlotte Piret

Logo-France-inter-liveEN DIRECT DE L’AUDIENCE – Pour la dernière journée de cette première semaine d’audience, la cour va entendre certains membres de la protection à l’enfance, dont la référente des familes d’accueil des enfants Delay. Dans l’après-midi, les temps forts seront les auditions du juge Fabrice Burgaud et de son greffier. Le juge d’instruction de l’affaire, bousculé à la barre lors des deux précédents procès, n’a pas voulu faire le déplacement à Rennes. Il sera entendu par visioconférence depuis le palais de justice de Paris.

Par Charlotte Piret, 18:31

L’instruction, rien que l’instruction

Sans doute est-ce que l’immense force du président Philippe Dary, celle d’avoir été lui-même juge d’instruction. Car on avait déjà vu Fabrice Burgaud répondre de son instruction dans l’affaire d’Outreau.
Il était venu en catastrophe, dûment escorté, s’expliquer devant la cour d’assises de Saint-Omer. Myriam Badaoui venait alors d’innocenter tous les accusés à l’exception de son mari et du couple David Delplanque et Aurélie Grenon. Face à l’immense émotion qui s’était emparée du dossier, face à la stupeur devant ces personnes en détention depuis des mois et qui clamaient leur innocence, le jeune Fabrice Burgaud avait opposé froideur et raideur judiciaire. Bien loin des excuses qu’espéraient de sa part ceux qui allaient être acquittés, il s’était accroché à son dossier d’instruction, défendant son travail acte par acte.
Des années après, on a revu le juge, filmé des heures durant, sous le feu des questions de la commission parlementaire chargé d’analyser un tel fiasco judiciaire. Là encore, devant l’hypermédiatisation de l’événement et l’émotion collective, Fabrice Burgaud n’a pas quitté un instant son costume de juge pour éventuellement en endosser un plus humain.
Cette fois, le président Philippe Dary a choisi de jouer sur son terrain : celui de l’instruction. Et là, il y a matière à déstabiliser le magistrat.
Les dates, tout d’abord. Elles sont inexistantes dans les faits reprochés à Daniel Legrand. « Comment peut-on se défendre face à des accusations qui ne sont pas marquées dans le temps ? » interroge le président.
« C’est difficile de demander à des enfants de 3 ou 5 ans », se justifie Fabrice Burgaud, « et les adultes étaient très désociabilisés. Je ne pense pas que c’était une particularité de ce dossier mais c’est sûr que c’est plus facile dans les dossiers financiers. »
Les albums photos présentés aux victimes, ensuite. Ils ne comprennent que des photos des personnes mises en cause.
« Vous avez raison, il aurait été souhaitable de panacher », concède l’ancien juge Burgaud.
– Alors pourquoi ne pas avoir demandé aux services de police de changer ces albums photos ? s’étonne le président.
– Je leur faisais confiance et vu le peu d’expérience qui était la mienne.
Et le président de poursuivre. Presque que comme un père réprimanderait son fils :
« Franchement monsieur Burgaud, trois fois l’adverbe « notamment » dans une ordonnance de mise en examen c’est quand même étonnant. De quoi est-on saisi ? Sur qui ? Les seuls noms cités sont les frères Delay et ce sont les seuls à qui on n’a jamais présenté la photo de Daniel Legrand. »

Par Charlotte Piret, 16:28

Quand on reparle du juge Burgaud

Il est clairement désigné comme LE responsable du fiasco judiciaire de l’affaire Outreau. Celui qui a bouclé une instruction en concluant à un réseau pédophile international, dont les membres présumés ont purgé des mois de détention provisoire. Avant qu’on voit deux procès acquitter treize des dix-sept accusés.
Lui, c’est bien sûr le juge Fabrice Burgaud. Tout jeune juge d’instruction à l’époque, fraîchement arrivé à Boulogne-sur-mer.
Aujourd’hui, pour ce troisième procès Outreau, la cour a d’abord entendu son greffier de l’époque. Fabrice Duval est alors, lui aussi, tout jeune dans la fonction. A peine une petite formation et le voilà propulsé dans le cabinet du juge d’instruction.
« Est-ce que vous vous êtes entendu avec le juge Burgaud pendant l’instruction ? », l’interroge le président.
Long soupir.
« Plus ou moins », lâche péniblement l’homme rondouillard, en pull gris et bleu, que l’on voit s’afficher sur l’écran géant destiné aux visioconférences. « Il était euh… enfin… euh… On n’était pas pareils quoi… »
Visiblement très mal à l’aise, Patrice Duval temporise. Mais les avocats de la défense lui rappellent ses propos devant la commission parlementaire chargée d’examiner ce fiasco judiciaire. A l’époque, le greffier qualifiait Fabrice Burgaud d’« assez distant, froid, ne faisant confiance à personne, enfermé dans son bureau », parlait d’une « attitude hautaine, méprisante, sans jamais un mot agréable encore moins d’encouragement ».
Sur l’écran géant, l’homme confirme d’un hochement de tête.
Me Julien Delarue, avocat de Daniel Legrand interroge alors :
« pendant cette affaire, il a été dit que vous étiez très atteint au point qu’on puisse vous retrouver en larmes près des photocopieurs ? »
Patrice Duval après un long silence : « Oui, c’est vrai »
« Est-ce que vous avez eu le sentiment de pouvoir un juge vous opposer au juge Burgaud ? »
Non, reconnaît le témoin.

Par Charlotte Piret, 14:19

« Une chronologie dramatique »

Rien ou presque. Quand les enquêteurs viennent perquisitionner au domicile de Myriam Badaoui et Thierry Delay, ils ne trouvent pas grand-chose de concluant. Des cassettes pornographiques, des objets sexuels. Mais rien qui ne permette de prouver des sévices sexuels sur leurs enfants. Aucune de ces vidéos tournées pendant les viols dont les fils Delay ont parlé.
Nous sommes alors le 20 février 2001. Cela fait plusieurs mois que les enfants Delay ont commencé à raconter à leurs familles d’accueil respectives ces viols et maltraitances dont ils sont victimes. Et cela fait même près de deux mois que leurs parents sont au courant de ces accusations.
Car bien que placés, les enfants Delay, continuaient à rendre visite à leurs parents. C’est d’ailleurs la perspective de quelques jours en famille à l’occasion des vacances de la Toussaint qui va provoquer les premières paroles de Dimitri. Alors, lorsque les services sociaux prennent connaissance de ces terribles déclarations, il faut bien suspendre le droit de visite et d’hébergement des parents Delay.
C’est ainsi que par une lettre du juge des enfants, obligatoirement motivée, les parents Delay apprennent qu’ils sont mis en cause pour viols. En deux mois ou presque, souligne Me Patrice Reviron à l’audience, ils auront tout le temps de faire disparaître les éventuelles preuves.
Le président ne peut que constater : « c’est vrai que c’est une chronologie dramatique ».

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