Le vrai gâchis d’Outreau : des victimes toujours en danger

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15 juin 2016
Pascal CUSSIGH
Président de l’association « Coup de Pouce
Protection de l’Enfance »

Ce vendredi 10 juin, Franck Lavier, un des « innocents d’Outreau » (déclaré coupable par la Cour d’Assises de Saint-Omer en 2004, puis acquitté en appel par la Cour d’Assises de Paris en 2005), a été mis en examen pour viol et agressions sexuelles sur sa fille mineure, et mis sous contrôle judiciaire avec notamment interdiction de rentrer à son domicile et d’entrer en contact avec sa fille âgée de 17 ans.
Les agressions auraient été commises dans le courant de l’année 2016, et ont donné lieu à un signalement de l’Éducation Nationale.

Le cauchemar des victimes

11 ans après, le gâchis de l’affaire d’Outreau continue. Non parce que ce serait un « retour à la case cauchemar » pour Franck Lavier comme ose le titrer le journal 20 minutes, mais parce que c’est le cauchemar des victimes que l’on a ignoré depuis des années qui continue.
Des victimes qui, bien loin d’être protégées, ont été mises dans le box des accusés (pas seulement au sens figuré, mais de façon scandaleuse, dans la vraie réalité, devant la Cour d’Assises de Saint-Omer…) traitées de menteuses, quelquefois ridiculisées, et renvoyées sans ménagement à leurs agresseurs.

Le couple Lavier avait déjà été condamné en 2012 par le Tribunal Correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour violences volontaires sur deux de leurs enfants, mais la peine prononcée a été assortie d’un sursis.
Durant cette procédure, plusieurs vidéos de scènes sexuelles d’adultes, en présence délibérée de leurs enfants mineurs, ont été saisies mais n’ont donné lieu à aucune condamnation pour « corruption de mineurs »…
Les violences verbales et physiques du couple Lavier ont été dénoncées par leurs enfants depuis le début de cette affaire d’Outreau. Une de leur fille est restée placée, même après la décision d’acquittement, parce qu’elle refuse de retourner là-bas. Des violences qui ont été évoquées par des avocats devant la Commission d’Enquête Parlementaire dans l’indifférence générale, la préoccupation des parlementaires étant surtout de rendre le juge Burgaud seul responsable du fiasco judiciaire et de rivaliser d’empathie pour les « innocents d’Outreau ».

A ce titre, après avoir été acquitté par la Cour d’Assises de Paris, le couple Lavier a été reçu en grandes pompes à l’Elysée et largement indemnisé par l’État.

Mais qu’a-t-on fait pour protéger les enfants Lavier ?

De la même façon que l’on a expliqué sans honte aux trois enfants Delay, qu’en réalité ce qu’ils dénonçaient étaient des « faux souvenirs », va-t-on continuer à ignorer la souffrance des ces victimes ?

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Mis en examen, F. Lavier ressort libre de sa garde à vue

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Mis en examen, F. Lavier ressort libre de sa garde à vue.

Par Stéphane Durand-Souffland
Journaliste, Chroniqueur judiciaire, chroniqueur gastronomique, en alternance ou en simultané.

Mis à jour le 10/06/2016 à 16:43

Franck Lavier, 38 ans, a été mis en examen aujourd’hui à Boulogne-sur-Mer pour viol et attouchements sexuels sur l’une de ses filles, C., 17 ans. Des accusations qu’il rejette. Franck Lavier, qui est l’un des treize acquittés de l’affaire dite d’Outreau, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Il a notamment interdiction de se rendre à son domicile, où son épouse Sandrine, également acquittée dans le dossier Outreau, réside avec leurs autres enfants.

Entendue mercredi sous le régime de l’audition libre tandis que son mari était placé en garde à vue, Sandrine Lavier n’est pas mise en cause dans cette nouvelle procédure.

C., élève de seconde, est actuellement hébergée dans un foyer. C’est elle qui a accusé son père d’abus sexuels. Le 2 juin, elle n’était pas rentrée chez elle en sortant du lycée. Trois magistrats du tribunal de grande instance de Boulogne ont été cosaisis pour instruire la plainte de la jeune fille.


Les grandes dates de l’affaire Outreau

● Décembre 2000. Des soupçons d’agressions sexuelles par des parents sur leurs enfants sont signalés par les services sociaux d’Outreau, ville du Pas-de-Calais de 15.000 habitants.

● Février 2001. Les deux premiers suspects sont écroués, il s’agit de Thierry et Myriam Delay. Seize autres personnes seront soupçonnées. L’une d’elles, François Mourmand, meurt en prison en 2002 d’une intoxication médicamenteuse. La piste du suicide a été évoquée, sans être retenue.

Saint-Omer

● Mai 2004. Dix-sept personnes ont été renvoyées aux assises, leur procès s’ouvre à Saint-Omer (Pas-de-Calais). La cour acquittera sept personnes en juillet. Sur les dix protagonistes condamnés, six font appel. Les autres, dont le couple Delay, acceptent le verdict : ils ont reconnus des viols sur enfants.

● Novembre 2005. Le procès en appel s’ouvre, tous les condamnés seront finalement acquittés le 1er décembre. Cet hiver-là, les services sociaux, policier et judiciaires sont pointés du doigt. Le ministère de la Justice et l’Assemblée nationale annoncent des enquêtes.

● Année 2006. Une commission d’enquête parlementaire entend les protagonistes. Le juge Fabrice Burgaud affirme avoir «rempli sa mission honnêtement», les acquittés l’accablent. La commission présente son rapport: il contient 80 propositions pour la justice. Un projet de réforme de la justice sera adopté à la fin de l’année, il institue l’enregistrement des interrogatoires. Entretemps, une faute disciplinaire des magistrats est écartée.

● Période 2008-2009. Au nom des « traumatismes de l’affaire », Gérard Lesigne, procureur de Boulogne, est nommé à Caen en juillet 2008. Une sanction, selon les syndicats. Quelques semaines plus tôt, il avait en effet été blanchi par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Au printemps 2009, le juge Fabrice Burgaud est très légèrement sanctionné pour le CSM. Il écope d’une «réprimande avec inscription au dossier».

Après les acquittements

● Année 2011. Deux acquittés, Sandrine et Franck Lavier refont parler d’eux. Ils sont placés en garde à vue pour violences sur deux de leurs cinq enfants. La famille Delay revient aussi sur le devant de la scène. Un de leurs fils, Chérif, publie en mai Je suis debout, il accuse ses parents, et des voisins de viols. Il est finalement condamné à six mois de prison pour menaces de mort à l’encontre des Lavier. Sa mère fait le chemin inverse, elle est libérée en septembre.

● Année 2012. Le couple Lavier est condamné en février à 10 et 18 mois de prison avec sursis, pour «violences habituelles» sur deux de leurs enfants. A l’été, l’un des acquittés, Daniel Legrand père, meurt à l’âge de 59 ans.

● Juin 2013. Le parquet de Douai renvoie Daniel Legrand fils devant les assises pour mineur pour viols et agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans alors qu’il était mineur. Aujourd’hui, il est âgé de trente-trois ans.