BD – Je me situais où lors de la « Tuerie de Tours » ?


Mon dessin, qui représente mon emplacement à peu près, car c’est difficile de savoir très exactement où j’étais car c’est la stupeur qui est là dans mon cerveau, et les détails j’en suis incapable. Par exemple j’ai fait abstraction des bâtiments derrière moi, tout comme des visages. Il reste les bruits, le fusil, la forme du tueur. c’est cela qui a pris position et possession de mon cerveau. Pas Béatrice. Je sortais d’un RDV avec mon garçon de l’hôpital.
La couleur rouge représente les victimes. Il y avait aussi des blessés.
La forme noir représente le tueur.
Il n’y rien d’autre à rajouter. Car c’est impossible, car aucun mot, aucune phrase ne peut exprimer mon ressenti de ce jour là.
C’est gravé en moi, c’est parti dans le mot indicible, pour moi, mon fils et pour tous les Tourangeaux.
C’est la peine, la souffrance, l’incompréhensible, le pourquoi, le deuil qui doit se réaliser petit à petit. Mais ça aussi je ne sais pas si c’est une situation possible, juste peut-être j’emploierais le mot » digérer ».
Mes dessins vont peut-être redonner du sens dans ce qui s’est passé ce jour là, mais ça aussi, je ne sais pas si c’est possible. Mais il y a le besoin de dire mon incompréhension devant cet acte, de sortir un peu de cette terreur qui est là, et aussi d’exprimer ma solidarité envers les autres victimes.
Aujourd’hui, c’est toujours difficile, car ce tueur me renvoie à mon passé : mon « géniteur » lui aussi avait un fusil et sortait avec. Béatrice adulte ne s’en rappelle pas, mais dans mon inconscient il y a une petite fille qui parfois s’exprime et qui a vécu cela et  Béatrice adulte est terrorisée dans sa tête car elle ne sait pas ce qui s’est passé. Voilà je vais, je ne sais pas. Dans ces moments-là je voudrais arracher ma tête pour oublier et ne plus ressentir cette culpabilité de me dire toi tu es en vie arrête de te plaindre où autre. Je n’arrive pas à expliquer ce que je ressens au plus profond de mes tripes. Cela a été très dur de réaliser ce dessin sans faire de crise de dissociation. J’ai besoin d’une pause là. Mais je me dis tu as eu le courage de le faire, après dans ma tête ça bloque je voudrais voler haut, très haut dans les couleurs en hurlant. Il n’y pas de fierté non plus rien de tout cela. Juste vouloir enlever cet événement dramatique de ma tête.

Matériaux utilisés :

Dessin sur feuille de format de 36×48 cm à grain fin.
Je me suis servie aussi du crayon grafic 6B, et HB.
Feutre noir.

BMP – Plan de la « Tuerie de Tours »


Je voulais représenter comment ça se passe dans ma tête depuis la tuerie de Tours. Mais je pense que ce que j’ai vécu ce jour là est de l’ordre de l’indicible, comme ce qui s’est passé pour la plus grande partie de mon passé.
Mais je me suis dis que malgré tout, y mettre une forme, dessiner le  lieu, pourrait éventuellement m’aider à digérer, à diminuer, cette stupeur dans mon cerveau.
Mais je savais aussi que rien ne pourrait expliquer ni ce que j’ai ressenti ni ce que cela a provoqué en moi ce jour là, jour où il y a eu 4 morts et 7 blessés. Mais je me disais qu’une trace serait là et que ce n’est pas rien.

Comment avez-vous dessiné ?

Pour la réalisation de mon esquisse, avant de la commencer, j’ai fait un exercice du livre « gérer la dissociation d’origine traumatique » concernant l’ouïe.
Ensuite j’ai posé mon premier coup de crayon sur ma feuille, pour transcrire en premier ce que je ressens en moi, et c’est difficile.
J’ai donc représenté ce visage avec ce fusil sur la tête, car c’est ce que je ressens, ce fusil qui représente cet homme qui a tué tout ce qui se présentait devant lui et autour de lui.
Dans ce visage j’ai représenté ce rond, de couleur noire et jaune, ce qui pour moi représente le mot « cible », car c’était cela : j’étais une cible comme pour les autres personnes qui étaient là près de ce tueur.
Ensuite en dessous, j’ai représenté cette bombe avec dedans cette personne à l’envers. Cela veut signifier ce qui se passe dans ma tête : une bombe sur le point d’exploser à n’importe quel moment. Et cette situation me met dans tous mes états. Car je n’arrive pas à gérer cette stupeur en moi.
Ensuite j’ai continué mon dessin par la représentation de ce corps en repli à cause de la souffrance.
Puis j’ai terminé par la représentation de ce lieu où j’ai vu le tueur se déplacer, où moi j’étais présente avec mon garçon et ce gendarme à côté de moi avec les autres personnes.
J’étais là suspendue à cette arme, suspendue à la mort qui était au bout de celle-ci, au bout de cette main qui représentait le tueur.

Matériaux utilisés :

Dessin réalisé sur feuille de format de 50 x 70 cm à grain fin.
J’ai utilisé les couleurs aquarelles suivantes : rouge de cadmium foncé, noir d’ivoire, jaune citron
Finition crayons aquarelles.

Qu’avez-vous ressenti ?

Ce mot « mort » est là, toutes ces victimes qui ont perdue la vie ce jour là c’est terrible, ça me hante, J’ai vu  la vie qui s’arrête, la personne qui s’effondre. Rien ne peut représenter cela. Il n’y a pas de mots pour enlever cela de mon cerveau. Pour moi, ce sont des victimes avec des visages, des familles, un travail, un nom, qui ont disparu d’un coup comme ça, car elles étaient présentes tout comme moi, ce jour là, sur ce boulevard. Ça fait mal.
En faisant ce geste j’essayais de me dire que cela peut représenter un début de pansement.
Il y avait cette lourdeur en moi : impossible de réfléchir, j”avais du mal à déplacer mes mains, c’était lourd, comme si tout pesait des tonnes ; j’avais cette sensation d’être figée et quand cette situation  de paralysie disparaissait, les dissociations prenaient le relais.
On a envie de se balancer on a tellement les tripes et les boyaux à l’envers et le cerveau en rémoulade qu’on se recherche nous-même.

Que ressentez-vous face à ce dessin ?

Je n’arrive pas à exprimer : c’est emprisonné. Pourquoi je n’arrive pas à exprimer cette douleur en moi, je ressens c’est une bombe, mais comment la mettre en mot. Je ne sais pas, car peut-être comme je l’ai écrit c’est impossible.