BMP – Modelage de ma main droite


Modelage de ma main droite à l’argile rouge.
Je me suis sentie peut-être plus à l’aise pour le modelage de ma main droite. Je pense que l’on voit mieux le “gonflement”, mais aussi si on regarde les détails, on peut deviner les tendons. Du moins c’est ce que je souhaitais faire.
Comme le temps était agréable, je me suis installée dehors.
J’ai procédé de la même façon que pour la main gauche, c’est-à-dire faire une empreinte de ma main dans le bloc que j’avais coupé, ce qui sera la première base de mon modelage.
Un gros morceau d’argile rouge était devant moi sur mon plan de travail et ma première réaction a été de le travailler beaucoup plus que lors du premier modelage. Je pense en effet que si les doigts de la main gauche se sont cassés tout seuls si facilement c’est que mon argile n’avait pas été assez travaillée et qu’il restait des bulles.
Mon but était de transformer cette boule d’argile en une œuvre. Je devais transmettre cette sensibilité, qui est en moi, mais qui a du mal à se montrer. Tandis que je travaillais à façonner l’argile, je me demandais si cette sensibilité je pouvais la transmettre et je pense que oui.
Je me disais que tout est déjà là comme en attente. Il y a mes gestes ;  il y a cette envie, ce besoin, de faire naître une forme. Il y a le plaisir de découvrir le touché, le contact que je ressens quand je travaille cette couleur rouge sur mes doigts, comme une empreinte. C’était mon empreinte et celle de cet argile qui travaillaient ensemble.
Je suis là moi et mon argile, je le caresse. Il me parait par moment si souple que je pourrais l’étirer le plus loin possible. Je suis là et je recherche la moindre petite faille, la moindre petite bulle qui pourrait faire tout basculer dans ma création. Comme une envie de faire fuir une petite angoisse.
Je pétrie, j’humidifie, j’aplatis, je coupe, je donne forme finalement. Doucement, je fais apparaître des petits creux sur le dessus de cette forme de main, juste pour la rendre plus vivante et plus présente dans le temps présent. Des petits traits vont aussi pointer leur nez pour faire encore plus parler ce mot peau. Les petits plissements que j’observe sur le dessus de mes doigts au niveau de la jointure, qui me permettent de plier mes doigts.
Ma main droite prend forme doucement, les doigts sont là, debout, peut-être un peu plus légèrement tordus par rapport à la main gauche. Je dirais que peut-être je suis plus proche de la réalité pour montrer ces gonflements. La courbe dans me doigts est là elle s’exprime, tout comme ces petits remuements, cette mobilité fragile qui me donne des frissons d’angoisses. Cette agilité qui me tient en suspens quand je travaille.
Mon modelage prend vie de plus en plus, ma main droite est bien là, je voudrais faire apparaître cette force, je voudrais qu’elle l’exprime, comme pour dire que rien n’est fini. Mais rien n’est fini.
Je voudrais faire évoluer mes deux mains je vais donc y réfléchir.

Le modelage comme médiation thérapeutique – par Aurélie Moreau

Le modelage figure parmi les médiations thérapeutiques et, dans les différentes matières utilisées pour cette activité, se trouve notamment la pâte à modeler. Avant d’aborder l’intérêt thérapeutique de l’utilisation d’un tel médium, voyons de quoi il s’agit.
Le Petit Larousse (1997) définit le mot « pâte » par une « préparation de composition variable, de consistance intermédiaire entre le liquide et le solide, et destinée à des usages divers ». Cette explication vague a tout de même l’intérêt de pointer la question du lien, de l’intermédiaire, de la transformation d’un état à un autre, à la fois du même et du différent.
De par sa consistance, la pâte à modeler permet alors de prendre la forme qu’on souhaite, consciemment ou non, lui donner. De plus, cette forme ne se fixe pas, elle est en constante évolution, en mouvance perpétuelle ; l’utilisateur peut donc continuellement se reconnaître en elle à travers les aléas de son parcours, les progressions, les moments de régression et les changements de direction.

La pâte à modeler, de par ses qualités sensorielles, correspond au médium malléable par excellence et faciliterait la symbolisation. « Support de projections, elle permettrait de contenir et d’imprimer les mouvements psychiques. »
S. Krauss, en se référant à la grille de repérage clinique des étapes évolutives de l’autisme infantile traité de G. Haag, a développé une grille d’analyse des productions de modelage des enfants autistes qui rendrait compte de leur évolution psychique. Elle considère le modelage comme un langage corporel qui permettrait d’accéder à la pensée de l’enfant autiste et serait représentative d’une certaine organisation psychique.

« Le processus de modelage se situe dans l’espace potentiel mais l’objet modelé n’est pas un objet transitionnel car le malade ne le découvre pas comme une donnée, il le crée. »
G. Pankow a apporté une contribution importante et originale à la psychothérapie psychanalytique des psychoses et a fondé son travail de thérapie avec les patients psychotiques sur une méthode de structuration dynamique de l’image du corps qui requiert la fabrication de modelages par le patient. C’est cette technique du modelage qui s’avère être l’apport le plus original de Pankow. Ce travail mené à partir de la pâte à modeler vise « soit à provoquer l’émergence d’images mentales, jusqu’alors inexistantes, soit à susciter des images mentales contenues et contenantes, moins terrifiantes et désorganisantes. »
A travers la littérature sur le sujet, Pankow apparaît comme une des ancêtres du recours aux médiations thérapeutiques dans la psychose, et, même si cette psychanalyste n’a pas travaillé avec des enfants, sa théorisation sur le modelage « comme méthode de structuration dynamique de l’image du corps, comme réactivation d’expériences corporelles irreprésentables et du lien à l’objet primaire, comme support pour la mise en mots » constitue un apport majeur dans la conceptualisation des médiations thérapeutiques dans le registre de la psychose infantile.

S. Krauss (2006) explique qu’en introduisant un médium malléable dans le cadre d’un dispositif thérapeutique et en utilisant la créativité de l’enfant autiste qui va pouvoir projeter ses angoisses et son vécu psychique, le modelage servirait alors d’étayage pour la construction du soi chez des enfants dont la personnalité a été compromise précocement. Si nous nous intéressons spécifiquement à la problématique de la séparation et à son lien avec le support projectif que représente la pâte à modeler, il est surtout pertinent de relever que « malaxer permet ce travail de contact-fusion puis de différenciation ». La pâte à modeler peut devenir un support d’élaboration à la fois des vécus d’arrachement lors des séparations et de premiers mouvements identificatoires.

Pankow (1969) a montré que la technique du modelage permettait de réactiver des expériences sensori-affectivo-motrices en lien avec l’objet primaire, expériences qui n’ont pas pu être transformées en images ou en mots, en d’autres termes qui n’ont jamais pu être symbolisées. « Les productions individuelles portent la trace de ce à quoi le sujet a été historiquement confronté, c’est-à-dire la trace de la réalité subjective de lien de l’enfant à ses objets primordiaux et du mode de présence de ces objets. ». L’utilisation par l’enfant de la pâte à modeler permettrait donc de saisir les modalités de son rapport primaire à l’objet.

La plupart des auteurs ayant travaillé avec le modelage comme médium malléable se sont penchés sur la question de l’image du corps et sur ce lien à l’objet primaire mais pas spécifiquement sur la problématique de séparation, avec à l’appui les observations et les analyses faites à travers la manipulation de la pâte à modeler. C’est donc précisément ce que nous nous proposons d’étudier dans ce mémoire.

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