Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
Pour moi, en art-thérapie, le beau et le laid n’existent pas, par contre l’émotion esthétique oui.
Mon intention n’était pas seulement de la faire sortir de la création, mais comme souvent de déposer cette douleur sur ma feuille, au moment où elle se montrera un peu moins violente. Ce qui est intéressant, c’est de donner une forme à ce qui nous cause « problème », ce qui nous permet, par la suite, d’avoir un regard différent, plus positif. Mais pas que… car cela nous évite également de tourner en rond, comme un chat qui se mord la queue !
En attendant que cela soit possible, j’essayais bien de trouver comment la retranscrire. J’avais cette sensation d’être comme décoiffée par cette douleur, car cette douleur me décoiffe. Elle peut se montrer extrêmement violente.
J’avais donc devant moi, cette feuille blanche, l’esquisse était là dans ma tête. Il me restait juste à la déposer sur ma feuille de dessin, feuille qui me semblait bien nue ! Les feuilles blanches m’angoissent.
Je commence par faire apparaître ce visage endolori par cet élancement, ce mal qui me paraissait un peu moins fort, puisque je pouvais prendre mon crayon, un moment dont je profite, légèrement relaxant, car je suis le mouvement de mon crayon, ma concentration, même fragile, s’accroche à ce mouvement. Elle englobe aussi le poignet, mes doigts et mes yeux qui suivent la naissance des premiers traits sur ma feuille.
Ce visage étant là sur ma feuille, je devais continuer à y intégrer encore davantage, cette douleur qui me faisait monter les larmes. J’ai donc incorporé des gros clous aux endroits où le mal sévissait, y compris dans l’œil, ce qui explique qu’il pleure et donc que je devais dessiner une larme. A ce moment-là, je collais cette sensation de mal sur ma feuille !
Voilà ma douleur était là sur ma feuille, elle me parlait dans ma tête. Mais le but était que celle-ci diminue encore plus en moi, qu’elle se retire peu à peu ! Et pour cela, je devais habiller mon esquisse de son manteau de couleur, en me servant comme médium de la peinture aquarelle.
La couleur violette mélangée dans le ton rouge était très présente en moi. Je les ai alors laissées s’exprimer, en les déposant sur cette feuille.
Puis j’ai continué en rajoutant une petite pointe de marron-jaune et de gris pour recouvrir le cou et le haut du corps. Pour la larme, celle-ci sera d’un bleu légèrement foncé. L’apaisement du bruit des vagues se fait entendre, c’est agréable à écouter, même si celui ci me semble loin dans ma tête.
Je sentais en moi ce mouvement qui allait se déposer sur ma feuille à l’aide de mes couleurs. Je me sentais rassurée, car cette douleur, cette souffrance n’allait que sur cette feuille et pas ailleurs. Elle était désormais emprisonnée dans mon dessin, dans cette feuille. Je pouvais donc tout déposer pour m’en libérer, afin de pouvoir me sentir plus légère, moins enfermée. L’important étant bien de déposer, mais sans débordements, sans que cela aille ailleurs. L’éparpillement m’effraie encore. Toutes les finitions sont faites aux crayons feutres.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Cette création a été conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médiums : un crayon HB pour donner forme à mon esquisse, de la peinture aquarelle, pour les finitions, des feutres colorés.
Que ressentez-vous devant votre création ?
Dans ma tête, je ne cherche pas l’émotion, mais juste cette sensation de légèreté qui est présente, je lui demande de rester. Une pause me semble nécessaire en ce moment. Mes crayons sont là sur mon bureau que je laisse vivre dorénavant, je ne le range plus !