27 février 2018
Un essai clinique mené en France porte sur l’efficacité de la kétamine pour le traitement de dépression sévère.
La kétamine est un médicament utilisé à l’origine pour anesthésier les animaux ou les humains. Elle est aussi détournée comme drogue récréative. Son effet antidépresseur est puissant et rapide.
Les molécules commercialisées depuis les années 1950 contre la dépression ont quasiment toutes le même mécanisme d’action, ce n’est pas le cas de la kétamine, commente le Dr Pierre de Maricourt, chef de service de psychiatrie au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris, relayé par Le Figaro. La kétamine se fixe sur les récepteurs NMDA du glutamate, le neurotransmetteur excitateur le plus important du système nerveux central.
Elle agit en quelques heures comparativement à 4 à 6 semaines pour les antidépresseurs traditionnels et elle s’avère efficace chez des personnes souffrant de dépression sévère (faites le test) résistante aux antidépresseurs.
Actuellement, aucun pays n’autorise la kétamine dans le traitement de la dépression. Le seul moyen pour recevoir ce traitement consiste à participer à un protocole de recherche.
L’un d’eux, mené par le laboratoire pharmaceutique Janssen, se déroule à l’hôpital Sainte-Anne sous la direction du Dr de Maricourt, rapporte Le Figaro. L’essai clinique compare l’efficacité de la kétamine, plus précisément, l’eskétamine, une molécule dont la structure est très proche de la kétamine, en spray intranasal, à celle d’un placebo. Contrairement à la perfusion par voie intraveineuse, l’inhalation peut être faite par le patient sans l’aide d’un professionnel. En parallèle, tous les participants à l’étude reçoivent un antidépresseur standard, afin d’éviter que certains n’aient pas de traitement du tout. Les doses sont cinq à dix fois plus faibles que celles utilisées en anesthésie, précise le Dr de Maricourt.
Des études ont montré une efficacité dans 70 à 80 % des cas. « On constate généralement une augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque dans les minutes qui suivent l’administration du médicament, mais ces effets s’arrêtent dans les deux heures
», indique le Dr de Maricourt. « Certains patients présentent également des symptômes dissociatifs, comme des expériences de déréalisation ou de dépersonnalisation. Mais, là aussi, c’est transitoire.
»
La kétamine a un effet antisuicide quasiment immédiat, comme l’a démontré une étude publiée en 2009 dans la revue Biological Psychiatry. « Dès 40 minutes après l’injection, la diminution du risque suicidaire est très significative
», indique le chercheur. En France, un essai clinique national est actuellement mené sous la direction du Dr Abbar afin d’évaluer cette utilisation, précise Le Figaro.
Mais l’action de la kétamine est de courte durée, s’estompant au bout de quelques jours. « La piste la plus explorée consiste à répéter les administrations de kétamine pendant plusieurs semaines, avant d’espacer progressivement les prises
», indique le Dr de Maricourt.
Pour ce qui est des effets d’un traitement à long terme, « certaines études mettent en évidence une potentielle neurotoxicité, d’autres au contraire un effet neuroprotecteur, explique-t-il. Des études sont nécessaires pour évaluer la tolérance à long terme.
»
L’Agence du médicament américaine (la Food and Drug Administration) a lancé une procédure d’étude accélérée afin de rendre plus rapidement disponible la kétamine aux États-Unis.