Parfois, je dessine car j’en ai besoin, quand rien ne vient de beau dans ma tête, quand je ne me sens pas bien. Mes hurlements sont toujours là, parfois un peu moins forts, parfois au contraire à m’en découler le cerveau. Il y a cette lourdeur dans mes yeux. Je passe mes nuits et mes jours à attendre des nouvelles.
Parfois il m’arrive de regarder dehors, mais mon attention ne se fixe pas, elle est ailleurs.
J’évite de me mettre des idées en tête, j’attends. Je veux du concret, je veux juste voir de mes yeux j’ai besoin de me rassurer, j’ai besoin de certitudes, pas de ces peut-être qui n’apportent aucune réponse et qui maintiennent dans le doute, dans une souffrance, dans l’incertitude.
Je dessine car dans ces moments, mon cerveau est envahi par les formes, et ces formes-là ont une existence.
Aujourd’hui je voulais toujours faire parler les hurlements, mais dans des couleurs qui peuvent permettre de garder de l’espoir. Je m’accroche à ce “j’attends”, tant bien que mal.
Les couleurs sont nécessaires, car elles permettent de sortir du rien, du néant. C’est la vie qui parle et non le silence, la mort.
Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?
Pour concrétiser mon esquisse, ça sera encore un visage car pour moi les expressions passent et se montrent ainsi.
Il n’y aura pas de corps dans mon esquisse, car dans ma tête il n’existe pas et le mien est tellement envahi de symptômes que je voudrais qu’il se détache de moi. Si je pouvais le séparer de la tête, je le ferai tout de suite.
Pour en revenir à ce visage, il doit montrer une expression qui évoque la violence : l’émotion esthétique ne m’intéresse pas, il doit juste exprimer les hurlements de ce temps présent, hurlements qui ne me quittent guère.
On verra le haut de la tête, mais pas fermé, car mes hurlements l’ont arraché. Seules les couleurs que je déposerais sur ma composition finiront cette tête.
Ceci exprime également que mes hurlements sont noyés dedans. Comme pour dire qu’ils n’ont jamais existé et que tout va bien. J’ai besoin de me dire cela, ça canalise ma peine, une façon pour moi de ne pas l’augmenter pendant cette attente de nouvelles.
Une fois mon visage terminé, j’ai commencé à y déposer un peu de couleur, j’ai commencé par la couleur grise de mes crayons de papier. J’aime faire apparaître des nuances, et appuyer par moment plus fort sur mon crayon, comme pour donné plus de vie à certains endroits de mon dessin.
Puis ce n’est qu’ensuite que j’ai continué à travailler avec les pastels secs. J’ai posé mes couleurs sur le visage. J’ai remplacé mes larmes par de la couleur comme un pansement d’apaisement, car c’est cela que je voudrais. Je veux dire que je voudrais que cette frayeur mélangée avec de culpabilité de avec l’odeur de la mort disparaissent à jamais et cesse de me rendre encore plus malade de douleur.
Mais où est la la réalité ? Je ne la perçois pas dans ma tête et encore moins dans mon cerveau.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, 3B, 6B. Pastels secs.
Que ressentez-vous en regardant votre production ?
Je regarde mon dessin sur le chevalet, et j’attends que des nouvelles arrivent, je me sens moins inquiète certes mais l’attente de nouvelles est interminable.