Il y a des matins, où me lever est devenu comme un fardeau, un poids, car à chaque fois les effets secondaires ou les douleurs augmentent. Pourtant, je me lève, certes difficilement, mais je suis debout. Je me dis que rester au chaud sous sa couette, cela n’aide pas le corps, parce qu’il perd sa souplesse, il se raidit. Il faut le faire bouger, le mouvoir ; il faut essayer de tout faire bouger, même si on souffre, réveiller chaque morceaux d’articulations. Il y a aussi que le fait que lorsqu’on se remue, au bout d’un certain temps, la douleur devient moins forte. Ce qui veut aussi dire que dans notre tête il y a aussi un mieux.
Aujourd’hui, même si je suis debout, mon corps hurle et c’est ce que je vais exprimer par ce dessin. Voilà pourquoi j’écris souvent que l’art-thérapie est importante, comme là, pour ma part, elle m’aide à affronter, dépasser les moments difficiles qui se passent dans mon corps.
Il n’y a pas de plainte, ou encore de l’émotion. Je souhaite juste déposer sur cette feuille ce mouvement de la douleur, peut-être aussi pouvoir la regarder avec moins de colère. Car j’ai tellement mal que parfois j’en oublie l’instant présent, que je me sens dans une prison de douleurs multiples et d’effets secondaires. L’instant présent existe, je ne dois pas l’oublier.
Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
Dans ma tête, c’était le mouvement de cri qui était là, les cris de la colère, mais aussi de la douleur. Dans mon ébauche, il n’était pas question de les séparer ou bien même de les différencier.
L’idée était donc que je dessine une grande bouche en plein milieu d’un dos, une bouche grande ouverte pour laisser échapper ce qui fait que mon corps se tort de douleur, douleur qui fait que me lever devient difficile. À ce dos, je devais y rajouter un visage, des jambes, des bras et des mains qui seront légèrement crispées, afin qu’au final, on arrive à un corps en entier en un seul morceau.
Ce qui est drôle, c’est que ce dessin ne retranscrit pas l’état de mon corps, mais c’est cela qui est « cool » en art-thérapie, c’est de pouvoir mettre un mouvement de douceur, comme un pansement. Regarder avec un regard plus apaisé et plus restructuré sans partir en vrille. Ce que l’on ne peut pas faire avec l’écriture, car ça sera mentir, les mots ne peuvent pas se changer, c’est comme notre langue française.
Mon esquisse étant terminée, je me mets à déposer les premières couleurs sur mon ébauche, je me promène donc dans le violet-rouge, dans du marron clair, dans du rouge, dans du rouge-jaune, avec un geste de mélange avec les tons.
Même si c’est complexe dans mon corps, le recouvrir sur cette feuille m’a plu, même détendue. J’en ai même oublié le mien, car je souhaitais vraiment recouvrir d’un manteau de douceur celui que je venais de dessiner sur cette feuille. Quelques finitions au crayon de couleur marron et ma création respirait définitivement avec un cri beaucoup moins hurlant. L’instant présent était là, et c’est rudement rassurant.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Création conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médiums : un crayon HB pour mon esquisse, de la peinture aquarelle. Crayon de couleur pour les finitions.
Que ressentez-vous devant votre création ?
Dans ma tête je me sens rassurée par le fait que je peux me lever. Je me sens plus apaisée envers cette douleur, je la perçois moins invalidante. J’essaie de garder le positif quand je prends mon crayon pour dessiner ça c’est du bon ! Et une force. Par moment je souffre beaucoup mais je ne lâche rien ! Le « demain est un autre jour ». Je suis une guerrière !