Ce matin, quand je me suis levée, j’avais cette folle envie de retirer quelque chose qui appartenait à mon visage. Cette difficulté était une souffrance pour mon cerveau. Moi, Béatrice je ne savais pas ce que c’était, mais il y avait cet intrus qui me gênait. Comme je ne savais pas, comme je ne trouvais pas, l’artiste BMP s’est dit qu’elle pourrait en faire naître une esquisse sur une feuille.
Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
Alors je me suis installée, la fenêtre de mon salon était ouverte car j’avais chaud. D’ailleurs depuis quelque temps, je ne supporte plus les manteaux, les pulls, les écharpes et les vestes. Quand je sors je ne porte pas grand-chose et même ce pas grand-chose, est de trop et pesant sur mon corps.
Pour en revenir à mon ébauche, pour montrer ce qui me gênait sur mon visage, l’idée était donc de dessiner deux visages. Un des deux aura les yeux fermés, il serait penché en arrière. Mais je suis incapable de faire apparaître une émotion à ce moment-là. L’autre visage aurait le mouvement de s’être décollé du premier. Il y aurait sur ce visage l’expression d’un visage qui aurait beaucoup peiné à se décoller. La bouche grande ouverte qui montrerait qu’un cri est en train de sortir. C’est ce que j’ai ressenti à ce moment-là.
Quand je regarde mon esquisse, j’ai l’impression d’être inondée d’eau. Ce quelque chose de lourd sur mon visage va m’étouffer plus loin dans ma trachée, une gêne pour respirer est présente. Une petite pause et je continue et je suis passée à l’étape suivante : déposer des couleurs. J’avais envie d’un ton bleu, bleu comme le ciel, bleu comme l’océan, j’avais cet image que mon corps baigné dans de l’eau très froide. Cela faisait du bien. J’ai donc retranscrit cette sensation sur ce visage. Je souhaitais que ce bleu domine ma production.
Ensuite, je continue avec ce visage qui part en arrière. Il semblait moins m’intéresser. Je l’ai quand même recouvert de noir avec de mon crayon fusain et des autres crayons graphiques. Je cherchais de l’air tout en déposant mes couleurs. Tout en moi était en morceau, je n’avais pas la force de les rassembler. Je ne voyais que la couleur bleue et cette eau.
Je voulais intégrer du bleu dans ce noir. Alors que pourtant cela ne m’intéressait plus du tout. Peut-être l’absence d’émotion sur ce dernier.
Je ne sentais rien dans ma tête. Il y avait juste le froid qui me faisait du bien dans mon cerveau. Je ne désirais pas qu’il s’en aille. C’était devenu important. Mais comment peut-on apprécier la sensation d’eau froide sur son visage, sur son corps, en plein hiver ? Comment comprendre ça ? En fait il n’y a pas d’hiver. Tout était chaud et j’en demandais encore, ce froid me faisait du bien.
Enfin pour terminer complètement ma création, j’ai rajouté du pastel sec sur le fond. Je me sentais plus rassurée. Les finitions ont été faites à la peinture et au crayon à papier.
Quel matériaux avez-vous utilisés ?
Cette production a été conçue sur une feuille de format 36 × 46 cm. Comme médium, j’ai utilisé la peinture aquarelle de couleur bleue. Tout comme des crayons graphiques. Et du pastel pour le fond de mon dessin.
Que ressentez-vous en face de votre production ?
La sensation ressentie ce matin sur mon visage a diminué. Mais je n’en connais pas la cause. Je voudrais éviter de trop me poser de questions, pour éviter que l’angoisse ne monte et que je ne parte en vrille. Mon envie, plus de froid est encore plus forte, je me sens moins chaude. Depuis mon opération tout a changé, c’est perturbant, anxiogène, je n’y trouve pas ma place, j’ai reçu un gros coup de massue.
J’ai cette impression d’avoir développé une maladie à trou dans mon corps. …Mais en attendant, mon crayon, la couleur se sont baladés sur ma feuille. Ça c’est un médicament sans effets secondaire.