Béa,
Toutes nos « parties » sont importantes et veulent être reconnues mais en même temps, elles restent cachées tant qu’elles n’estiment pas être en sécurité. Dans mon expérience, le respect et la coopération avec chaque partie a été vital pour le rétablissement. Au début, faire connaissance avec chacune, c’est un travail intense et effrayant parce qu’on ne savait même pas qu’on les avait en nous et qu’on passait de l’une vers les autres sans en prendre conscience.
Il m’a été très utile de me rappeler constamment que :
• Certaines de mes parties sont gelées dans le temps. Elles ont développé leurs propres comportements pour survivre en zone de combat.
• Certaines ne savent pas que nous sommes en 2012, que les abus sont finis.
• Certaines sont trop faibles ou fragiles pour pouvoir sortir à la lumière et restent tapies dans leur domaine. J’en ai une qui souffre de PTSD, et ne peut pas encore marcher. Elle a encore besoin de temps pour assimiler ce qu’elle a subi (avortement).
• Certaines peuvent avoir peur qu’on leur demande de partir, de perdre leur identité. D’autres, qui ont du faire de sales boulots, ont peur d’être détestés par les autres.
Chaque survivant est unique et nos parties se sont organisées pour empêcher l’accès à nos vulnérabilités. Les barrières mises en place nous protègent, nous l’enfant abusé et aussi toutes les parties dissociées.
Les parties qui se révèlent généralement en premier sont les parties « pré verbal », reliées à l’âge des premiers abus. Par exemple, pour moi, il y a un bébé qui ne sait pas parler et toutes les parties qui portent les expériences douloureuses successives, à 12, 15, 18 ans.
C’est comme cela que certaines parties m’ont parlé des abus que j’avais enfouis. Elles avaient beaucoup de violence et de haine.
• Certaines parties renferment des attitudes destructrices qui viennent de nos traumas non résolus et des horreurs qu’on a vues. Une partie me poussait à me couper et à me suicider.
On va naturellement plus vers les parties qui coopèrent mais ce sont les parties « difficiles » qui nous font vraiment avancer quand on en prend conscience. Il nous faut guérir chaque partie, y compris celles qui ont internalisé nos agresseurs.
Par exemple, une de mes parties est un officier nazi qui me parle en allemand.
L’inconnu engendre la peur ; Si on comprend le mécanisme des parties dissociées, on en a plus peur. Aussi longtemps qu’on résiste à vouloir les reconnaitre, on les prive de guérison.
Petit à petit, on comprend ce qui s’est passé, on fait le lien avec les traumas, toutes les parties sont libérées de leurs rôles, une à une et réapprennent de nouvelles façons saines de fonctionner, en gardant à l’esprit la compassion et la joie profonde au delà du trauma. Chaque partie reste là, aimée, revivifiée.
4 réflexions au sujet de « Lettre de Dominique à Béatrice sur la dissociation »
Pas de panique, Béa.
Comme je te l’ai déjà dit, accorde toi le temps de guérir.Tu as vécu des traumas successifs qui ont créé à leur tour différents souvenirs fragmentés en « parties » autonomes. Elles ont toujours été là, mais ne se manifestaient pas à ta partie consciente. Et de même, tu as une partie à l’intérieur de toi, qui possède la capacité de t’apporter le calme intérieur et le pouvoir de calmer les parties intérieures stressées. Je me souviens d’un collage que tu as fait avec sur la droite, un paysage paradisiaque et une une évocation de la méditation. C’est cette partie de sagesse en toi que tu peux contacter aussi pour t’aider. Ce « lieu sûr » aussi que ton psy t’a peut-être entrainé à visualiser. La colère, c’est normal. Elle s’est accumulée en toi qui as dû garder le silence et les secrets à ne pas révéler toutes ces années. Et à présent, ces aspects de toi demandent d’être entendus. C’est légitime.
Bon, pour l’instant, ils ne préviennent pas, mais tu vas apprendre à devenir « co-consciente », à les accepter comme une hôte a des invités par ex. Il y a des règles à établir, comme avec des enfants turbulents ou des personnes violentes par ex: rien n’est cassé et personne ne se fait de mal. C’est ce genre de contrat qu’on met en place quand on s’aperçoit de la « pagaille » à bord.
Les choses vont s’organiser. Il y a Béa qui gère et fait équipe avec les autres en voulant bien toutes les écouter.
Tu vas voir qu’en acceptant de les écouter et en leur accordant le droit d’exister, elles vont se mettre à coopérer et se manifester de manière moins anarchique et de moins en moins violente.
On utilise la violence en désespoir de cause quand on n’est pas entendu et aussi, certaines parties minimisent ce qu’elles ont entendu et subi de leurs abuseurs.
Ma Dominique de 15 ans, elle est très sauvage et anti religion, car elle a été abusée par un pasteur protestant. Par contre, moi en essence, je suis très inclinée vers la spiritualité. Par le dialogue, j’essaie de lui montrer les dégâts spirituels que ce pasteur lui a causés en plus du reste et je lui apprends la méditation petit à petit, doucement. Elle est encore très rebelle et m’envoie encore parfois bouler.
Si tu lâches du leste et apprends à connaitre les différentes parties en toi, leurs goûts et besoins, cela va ramener le calme.
Je ne les connais pas bien, mais le GR peut-être aimerait avoir un peu de temps à lui, avec des albums à colorier, des paillettes à coller, des bulles de savon ou des dessins animés.
Ta béatrisse, peut-être qu’elle n’a pas eu d’adolescence, qu’elle voudrait écouter sa musique, s’acheter ses vêtements ou son maquillage.
Si vous faites tous équipe, ça va s’organiser mentalement en toi et ce ne sera plus la foire d’empoigne.
C’est comme pour la méditation. Quand on commence à méditer, on se dit « oh là là, quelle pagaille là dedans » En fait, ça a toujours été, mais on n’en avait pas conscience. Petit à petit, la tempête se calme. Tu as raison. Au final, c’est pas grave tout ça. Tu vas y arriver.
Dominique
Re-bonsoir Dominique,
Ton texte me perturbe beaucoup, quand je lis tout cela, je me dis que de travail à faire et les boules aussi. La question est : quelle est la partie de moi qui voudra bien m’écouter en premier, car pour l’instant elles sont bien dissipées et mal polies car elles ne préviennent pas. Alors déjà, le premier problème à régler et après le reste les aimer. Quand cela m’arrive je suis bien seule, même si Emmanuelle fait son possible pour tenir le lien dans la journée. J’ai vraiment de la veine de l’avoir.
Mais je m’accroche même si j’ai des périodes difficiles et que parfois la colère m’envahit et que je voudrais envoyer tout balader mais j’ai ma promesse que je me suis faite alors…
Merci Dominique ! merci ! Je crois que j’ai du déjà te répondre, mais je vois tellement de troubles en ce moment qu’à force je ne sais plus trop où j’en suis, mais ce n’est pas grave.
Beatrice
Bonsoir Dominique.
J’aime ton message, bien expliqué, mais tu sais j’ai encore beaucoup de mal à comprendre certaines choses. Je parle à mes absences quand je m’en rends compte, mais j’ai du mal à les reconnaitre et cela m’énerve beaucoup, mais je crois aussi que je dois travailler aussi dessus beaucoup encore et que j’ai besoin de beaucoup d’aide car toute seule je ne suis pas capable mais j’ai une très bonne aide tous les jours qui m’est précieuse. Merci beaucoup Dominique, à bientôt.
Beatrice
Description claire du travail d’écoute puis d’intégration des parties…
Anonymous