Roland Coutenceau, Joana Smith, Samuel Lemitre & al
30 mai 2012
Le traitement de la mémoire traumatique consiste à faire comprendre aux patients les mécanismes psychotraumatiques, dans le but d’éviter les conduites dissociantes et de faire en sorte qu’ils ne soient plus pétrifiés par le non-sens apparent des violences.
Le traitement consiste en même temps à faire identifier au patient sa mémoire traumatique qui prend la forme de véritables mines qu’il s’agit de localiser, puis de désamorcer et de déminer patiemment, en rétablissant des connexions neurologiques, en lui faisant faire des liens, en identifiant les violences et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique.
Il s’agit de « réparer » l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences.
Cela se fait en « revisitant » le vécu des violences, accompagné pas à pas par un « démineur professionnel » avec une sécurité psychique offerte par la psychothérapie et si nécessaire par un traitement médicamenteux, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l’agresseur.
Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l’hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l’amygdale cérébrale et d’encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. Le but de cette prise en charge, c’est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens.
Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement, toute pensée, réaction, sensation incongrue doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l’éclairer par des liens qui permettent de le mettre en perspective avec les violences subies. Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l’agresseur, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l’agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme un bruit de pluie s’il pleuvait, une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou peut entraîner une prise d’alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des auto-mutilations s’il s’agit de l’heure de l’agression, une sensation d’irritation, de chatouillement ou d’échauffement au niveau des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaines situations peut se rapporter à des attouchements subis, des “fantasmes sexuels” violents, très dérangeants dont on ne veut pas, mais qui s’imposent ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions sexuelles subies…
Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement et permet de sécuriser le terrain psychique, car lors de l’allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra aussitôt contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. La victime devient experte en « déminage » et poursuit le travail toute seule, les conduites dissociantes ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus, la sensation de danger permanent s’apaise et petit à petit il devient possible de se retrouver et d’arrêter de survivre pour vivre enfin.
5 réflexions au sujet de « Le traitement de la mémoire traumatique par la docteure Muriel Salmona »
http://memoiretraumatique.org/que-faire-en-cas-de-violences/ressources.html
Auteure obligatoirement anonyme
Merci !
Beatrice
@ Béatrice. Juste une info pour vous orienter :
http://www.traumapsy.com/spip.php?rubrique2
Auteure obligatoirement anonyme
Bonjour,
les troubles dissociatifs, moi je vis avec et j’en souffre et rien ne m’avertie avant que cela se produise, et parfois cela me met en danger et cela est un problème. La question que je me pose : existe t-il vraiment un bon traitement ? Je pense que cela reste un sujet bien compliqué et encore tabou pour certains médecins.
Bonne journée !
Beatrice
Si je peux me permettre, cela ressemble beaucoup aux principes de la psychanalyse (remonter du symptôme au sens, au souvenir). La deuxième théorie freudienne en moins…
Avec un vocabulaire plus cybernétique à l’époque des ordinateurs, bien sûr… 😉
CREA'tif