Traumatismes psychiques – Approche cathartique

Traumatisme-psychique

Principes de la prise en charge psychologique des sujets traumatisés
L. Crocq, D. Cremniter, D. Demesse, M. Vitry
page 90
Lorsque Freud (1893) a préconisé la méthode cathartique dans le traitement des hystéries traumatiques, il précisait qu’il convenait d’amener le sujet à revivre son trauma (par hypnose ou tout autre procédé), assorti de toute la charge des affects restés coincés ; mais que cette « abréaction » ne suffisait pas, et qu’il fallait aussi demander au patient d’établir des associations au sujet de son expérience vécue de l’événement. Il dénommait sa méthode « cathartique » par référence à Aristote, qui désignait par catharsis le soulagement que ressentait le spectateur des tragédies antiques en écoutant les mots du poète – proférés par le chœur ou le coryphée à la fin de la pièce –, apporter du sens à la situation maudite, imméritée et absurde que le destin avait imposée au héros vertueux. L’approche cathartique (Crocq, 2003) sous-tend en fait toute thérapie du trauma, puisque justement le patient ne pourra se dégager du non-sens et de l’absurde de son trauma qu’en découvrant, au fur et à mesure qu’il les énonce dans sa verbalisation des émotions, les signifiants qui vont habiller l’expérience de l’événement, et faire en sorte que cet événement qui a impliqué une rencontre inopinée avec la mort et le néant ne soit plus marqué par le sceau de l’indicible et de l’irreprésentable. À y regarder (de près, toutes les techniques psychothérapiques du trauma, qu’elles relèvent de la psychologie cognitivo-comportementale, de l’hypnose, de la psychothérapie de soutien ou de la psychanalyse, procèdent de la catharsis et visent à ce que le patient, après sa révélation du sens de son expérience traumatique, puisse l’intégrer entre un avant et un après dans la continuité fluide de son histoire de vie.
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Se démarquer de la classique « neutralité bienveillante »

Traumatismes psychiques – Se démarquer de la classique « neutralité bienveillante »

Traumatisme-psychique

Principes de la prise en charge psychologique des sujets traumatisés
L. Crocq, D. Cremniter, D. Demesse, M. Vitry

page 89
Une telle attitude thérapeutique se démarque de l’attitude traditionnelle de la psychiatrie, qui passe par le préalable de la demande venant du patient et se retranche derrière le principe de la « neutralité bienveillante ». Or, ce principe, qui est légitime et adéquat en ce qui concerne des patients de la pratique courante à la recherche des origines de leur malaise, ne convient pas à des victimes en soif de protection et d’empathie. Opposer à la quête d’affection d’une victime en désarroi un visage impassible, et la renvoyer tant à ses questions d’aujourd’hui qu’à ses problèmes d’enfance ne fait pas son affaire ; et elle va vivre cette attitude comme une rebuffade.

Sur le terrain, l’intervenant médico-psychologique et le sauveteur assurant le soutien psychosocial se doivent de répondre à ce besoin de reconnaissance et d’affection qui perturbe le rescapé. Le rescapé revient des enfers, il a vu sa mort toute proche, et tout l’événement a fait effraction dans son psychisme, y laissant le tourbillon de la désorganisation et du néant. Son besoin primordial est de revenir dans la communauté des vivants, des vivants parlants, et d’énoncer devant eux, devant ces témoins d’écoute compatissante, sa souffrance sensorielle, d’improviser des mots pour mettre du sens sur l’insensé du vécu traumatique. Aussi l’attitude de l’intervenant doit-elle être celle de l’écoute compréhensive et emphatique, pour recevoir cette verbalisation du trauma. Elle doit aussi être une attitude de contenant : contenant pour couvrir les déchirures que l’effraction traumatique a provoquées dans l’enveloppe des défenses (par sa seule présence, par une main posée sur l’épaule de la victime, l’intervenant l’assure que plus rien du dehors ne peut faire à nouveau effraction dans son psychisme) ; et contenant pour atténuer les débordements émotionnels des premières abréactions, débordements dont l’intensité viendrait rajouter à la violence de la situation et accroître l’effroi du sujet.
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