Le vert, histoire d’une couleur
En 1789, le vert aurait pu figurer sur les emblèmes de la Révolution comme, trois siècles plus tôt, la ceinture vert-espérance était apparue sur ceux du duc de Bourbon. Sauf que les hommes de 89 se sont aperçus que le vert était aussi associé à la maison du comte d’Artois, fieffé réactionnaire et futur Charles X !
C’est le lot de toutes les couleurs que d’être susceptibles d’interprétations diverses; toutefois une particularité du vert est qu’il se révèle spécialement instable. Les teinturiers, d’ailleurs, ont longtemps eu toutes les peines du monde à le fixer. En conséquence, au Moyen Age, il pouvait être tour à tour tentateur ou bienveillant, associé au péché mais tout aussi bien à la jeunesse qui, chacun le sait, a « du vert derrière les oreilles ».
Son ascension, longtemps incertaine et contrariée, est manifeste aujourd’hui. Il est bien porté de l’afficher mais comme une idéologie, à la façon du rouge d’autrefois dont on attendait aussi qu’il sauve le monde. Si l’historien laisse de côté le messianisme et qu’il en reste au strict registre des couleurs, il constate cependant que le vert n’est le préféré que d’une personne sur cinq ou six, bien loin derrière le bleu !
Michel Pastoureau
Historien, directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études