Film – « Her » de Spike Jonze

« Her » de Spike Jonze
Date de sortie 19 mars 2014
(2h 06min)
De Spike Jonze
Avec Joaquin Phoenix,
Amy Adams,
Rooney Mara plus
Genres Drame, Romance, Science fiction
Nationalité Américain


Synopsis

Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore. Peu à peu, ils tombent amoureux…


Sorti début 2014, Her a bouleversé le public. Il suit un homme solitaire (Joaquin Pheonix) tombant peu à peu amoureux de Samantha, l’intelligence artificielle qui régit son portable, son ordinateur personnel etc (c’est Scarlett Johansson qui la double en VO et Audrey Fleurot en VF).

« Personne ne joue mieux la cristallisation amoureuse que Joaquin Phoenix. Personne. »

En 1964, l’écrivain Isaac Asimov avait prédit ce qui nous arriverait cinquante ans plus tard, arguant que l’ennui serait le mal du siècle. Spike Jonze lui donne génialement raison à travers cette romance virtuelle traitée à la manière de la Sofia Coppola de Lost in Translation. Jonze partage avec la réalisatrice cette même capacité à remplir le vide tout en laissant des blancs.
Theodore (Joaquin Phoenix), le visage défait par la douleur, vit au ralenti, hanté par les images d’un bonheur évanoui et le souvenir de son ex (la si fragile Rooney Mara), dont il a perdu le regard.

Quelque chose en lui s’est brisé, qui demande à être réparé.

Le doux rêveur n’ouvre la porte de son univers intérieur qu’à une amie artiste (Amy Adams) et se noie dans les nouvelles technologies pour oublier sa peine.
Rien ne le rattache au monde réel, pas même les mots touchants d’un collègue qui, au détour d’un compliment, révèle une sensibilité qu’il avait sous-estimée. Rien ne vaut Samantha, cette obsédante voix de machine, suave et sexy (Scarlett Johansson, que l’on ne voit jamais à l’écran) qui semblait l’attendre depuis une éternité, à des années-lumière du chaos urbain.
C’est un éclair qui a bouleversé le ciel gris de son existence et a réveillé des sentiments endormis depuis longtemps.

Pourquoi aime-t-on instantanément ce héros et donc ce film ?

Peut-être parce que personne ne joue mieux la cristallisation amoureuse que Joaquin Phoenix. Personne. Jonze avance avec ce personnage parce qu’en dépit du chagrin, il faut bien avancer.
Et son film de respecter le rythme de l’horloge en panne, l’espace-temps entre passé proche et futur antérieur. De s’autoriser tout. De retrouver la sexualité métaphysique de Dans la peau de John Malkovich (faire l’amour à travers un autre corps) et d’en explorer une nouvelle avec plus d’imagination que n’importe quelle vidéo disponible sur YouPorn.

La cruauté et le spleen d’une fable sur une époque

De mélanger avec souplesse les gags les plus cons de la terre avec des jeux vidéo dégénérés. De bouleverser, aussi. Car derrière l’innocuité apparente, la maladresse des répliques ou l’humour poli jaillissent la cruauté et le spleen d’une fable sur une époque – la nôtre – qui apparaît sous cloche, repliée sur son passé, nimbée de neutralité et de doute.
Une époque où nous autres, androïdes hipsters en quête d’intensité, nous devons composer avec l’iPhone, l’addiction aux réseaux sociaux et leur tendance à développer le narcissisme, et avec nos rêves de moutons électriques. Aussi, devant cette merveille, de battre notre coeur ne pouvait plus s’arrêter.
« Her » de Spike Jonze

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« Reconnaître notre affection pour les robots » par Serge Tisseron

« Il est urgent de reconnaître notre affection pour les robots »
Serge Tisseron
RTBF La Première
Publié le jeudi 07 juin 2018 à 20h53
Les robots vont-ils bouleverser notre psychologie ? C’est ce que pense le psychiatre français Serge Tisseron, auteur du « Petit traité de cyberpsychologie », et invité de Soir Première. Pour le spécialiste, les évolutions technologiques qui se profilent vont changer notre psychologie et il est temps de penser à cette présence de plus en plus forte des robots dans notre quotidien.

« Ces machines que nous fabriquons vont orienter, voire diriger, un certain nombre de nos comportements »

précise Serge Tisseron. Des robots qui vont notamment modifier nos relations à l’autre.

« L’être humain a toujours éprouvé de l’affection pour ses objets. Mais cette affection n’a jamais eu une place reconnue dans notre culture, contrairement à la culture orientale. Avec la robotique, nous allons devoir reconnaître cette affection pour des objets perfectionnés, qui vont nous tenir compagnie comme c’est le cas avec les robots. Et il est urgent de reconnaître cette affection pour que nous puissions commencer à la gérer »

explique Serge Tisseron. Pour le psychiatre, les psychologues vont devoir adapter leur travail car l’éventail des relations possibles d’un humain avec d’autres êtres humains va être transposé aux relations homme-machine. Au point que les psychologues pourraient voir arriver dans leur cabinet une nouvelle catégorie de population : les « digisexuels ». Des personnes qui auront leur première expérience sexuelle avec un robot et qui préféreront une sexualité avec un objet.

« Dans le futur les gens auront des machines qui vont leur rendre des services et qui seront, en plus, belles à regarder. Des propriétaires de robots qui se demanderont : pourquoi ne pas franchir le pas et avoir des relations sexuelles avec eux ? »

ajoute Serge Tisseron. Le psychiatre pointe cependant un risque : celui de préférer les robots à la compagnie des humains.

Le deuil, un concept grignoté par la technologie

Avec l’apparition de l’intelligence artificielle et le développement des nouvelles technologies, la mort et le concept de deuil se trouvent transformés. Serge Tisseron pointe dans son livre le cas évoqué dans la série Black Mirror. Celui d’une femme qui achète un robot à l’effigie de son mari décédé, fabriqué par une entreprise qui s’est basée sur les informations laissées par le défunt sur Internet de son vivant.

« Depuis des années, le deuil est grignoté par la technologie. Aujourd’hui, il faut revisiter ce type de concept, qui pourrait devenir anachronique dans quelques temps »

explique le spécialiste français.
Des bouleversements qu’il faut absolument appréhender :

« Il faut comprendre que les technologies nous ont déjà transformées à notre insu. Il faut aujourd’hui rattraper notre retard et comprendre ces changements »

met en garde Serge Tisseron.

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