La guerre intime d’un ancien soldat atteint de stress post-traumatique

La guerre intime de Claude, ancien soldat atteint de stress post-traumatique
26.10.2017
Par Faustine Vincent
Sur le papier, la réinsertion dans le civil de ce militaire de terrain est une réussite. Avec sa famille, il doit pourtant lutter au quotidien pour ne pas devenir fou.
Il avait d’abord refusé. Puis, après réflexion, Claude* a accepté de parler pour la première fois – et la dernière. Parce qu’il n’a « rien à cacher », mais aussi pour « aider les autres » et « faire avancer les choses ». En ce mardi matin d’octobre, cet ancien soldat de 48 ans revient de son rendez-vous avec sa psychologue. Il s’installe à la table du salon, face à sa femme, bientôt rejoint par leur fille et leur petite-fille. Derrière lui, une kalachnikov en cire orne le mur au-dessus du buffet – un cadeau de sa section lorsqu’il a quitté l’armée.


Illustration de Quentin Hugon. Quentin Hugon / Le Monde
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Le chaos est entré d’un coup dans la maison, perdue au milieu des champs et des bois. « Il buvait beaucoup, faisait la fête, et il était violent, raconte sa femme. La nuit, c’était l’horreur. » Une fois, lors d’un cauchemar, il essaye de l’étrangler. A ce souvenir, Sylvie esquisse un sourire embarrassé. « Après on en avait ri, mais quand vous êtes dedans… Heureusement que mon fils était là. Il est intervenu à chaque fois. »

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Claude est chargé de nettoyer les « tunnels de congélation », trois boyaux de 20 mètres chacun à – 25 °C, dans lesquels passent les légumes frais pour être congelés. Neuf fois par jour, il doit s’engouffrer dedans. Neuf fois par jour, c’est la même lutte face à la sensation d’oppression qui l’étreint, les tempes qui bourdonnent, le champ de vision qui rétrécit. Quand l’éclairage vacille, les images reviennent brutalement : la Yougoslavie, les égouts où il s’abritait pendant que les bombes sifflaient au-dessus de sa tête. « C’était la même configuration : confiné, sombre, humide et froid », souffle Claude. Alors, pour ne pas devenir fou, il a trouvé un subterfuge. Il fait des calculs mentaux. Avec tout et n’importe quoi, tout le temps. Ce qui importe, c’est de « tenir ».
« « On se croit plus fort que la maladie. On croit que ça va passer »
En cinq ans, les arrêts maladie se multiplient. Un nouveau palier est franchi en 2015. Il s’enferme dans l’arrière-cuisine de la maison et fait une tentative de suicide. Son fils défonce la porte. Claude a alors un flash, et se voit en Afghanistan. Il se tourne vers son fils et lui lance : « Je te connais pas, toi, t’es pas de ma section ! » C’est le tournant. Claude est hospitalisé.

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Rugby : Aristide Barraud, blessé lors de l’attaque du 13-Novembre

Rugby : « j’étais fou d’y croire », témoigne Aristide Barraud, blessé lors de l’attaque du 13-Novembre
L’ancien rugbyman, blessé dans les attentats de Paris, revient dans une interview publiée jeudi sur sa tentative échouée de revenir au meilleur niveau.

« Peut-être que je me cachais la vérité, mais j’en avais besoin ».

A l’occasion de la sortie de son livre Mais ne sombre pas jeudi, Aristide Barraud, 28 ans, rugbyman professionnel gravement blessé lors des attentats du 13 novembre 2015, est revenu dans les pages de L’Equipe jeudi sur sa retraite précoce prise en avril dernier.

« J’avais tout le temps mal ».

En avril dernier, deux ans et demi après avoir été gravement blessé alors qu’il était à la terrasse du bar Le Carillon prise pour cible par les terroristes, Aristide Barraud, qui jouait en première division italienne, a annoncé qu’il raccrochait définitivement les crampons. Avant cette décision, l’ancien international chez les jeunes avait eu des signes avant-coureurs en 2016. « Il y a eu des brèches dans mon obstination » à re-devenir joueur de rugby, se souvient-il. Alors qu’il s’entraînait « comme un chien », il avait « tout le temps mal » alors qu’il n’en était qu’à l’entraînement sans contacts. Et en octobre, après avoir repris « une carrure athlétique », une nouvelle opération lui a fait perdre tout « reperdre ». « Dur », se remémore-t-il.

« Des pas dans la folie ».

Le pire est malheureusement à venir pour le joueur qui revient alors sous les couleurs du maillot de Mogliato Veneto. « Mon corps n’a pas suivi et il a commencé à se manifester par des voies bizarres », raconte-t-il à L’Equipe. « Des maladies, des petites fièvres qui se transformaient en grippe, comme j’en avais jamais eu », évoque Aristide Barraud. Et d’ajouter à cela « des problèmes de digestion », une « migraine continue », « des crises d’angoisse bizarres » jusqu’à « faire des pas dans la folie ». « Je sentais que je me mettais en danger. Je ne suis pas suicidaire. Il était temps de dire ‘stop' », confie l’ancien du Stade Français.

Comme « une deuxième enfance ».

Aristide Barraud, qui dit toujours souffrir de terribles maux de tête, ne regrette pas pour autant d’être revenu sur les terrains :

« j’étais fou d’y croire. Mais j’y croyais. Et c’est vraiment ce qui m’a sorti de la merde, ce qui m’a gardé la tête hors de l’eau ».

Et même si avoir un ballon dans les mains lui manque, il a décidé de rester à l’écart du rugby « pendant trois ans », par envie de « voir autre chose » mais aussi parce qu’il n’est « pas soigné ». Philosophe mais aussi optimiste, Aristide Barraud estime qu’il vit désormais « une autre vie » comme s’il « était dans une deuxième enfance », une période qu’il trouve « grisante ».

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