Victime : être et avoir été ? Penser la victime

Penser la victime
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Victime : être et avoir été ? Penser la victime
20/11/2019
Peut-on penser la victime au-delà de la pitié qu’elle inspire ? Pour y répondre : Antoine Garapon, magistrat, secrétaire général de l’Institut des Hautes Études sur la Justice, coauteur de « Victimes, et après ? » (Gallimard, coll. « Tracts », novembre 2019).

Victimes, et après ? est paru dans la collection « Tracts » de Gallimard ; le rescapé du Bataclan et directeur de l’association « Life for Paris » Arthur Dénouveaux en est l’auteur avec Antoine Garapon, juriste et secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice. Ils y retracent le lien anthropologique entre la victime et le sacrifice depuis la Grèce antique. A l’époque contemporaine, les victimes nous renvoient à divers types de violence, qu’il s’agisse du terrorisme ou des féminicides.

Tout à coup, il y a un entrechoc d’histoires […] qui vient mettre un terme à une sorte d’innocence, celle de la condition de civil que nous connaissons tous. Ce que raconte Arthur Dénouveaux, qui m’a beaucoup fait réfléchir, c’est : « Je suis propulsé dans l’Histoire ».

Antoine Garapon

Pour les personnes victimes d’un attentat, l’événement représente un arrachement de la société autant que de leur sphère familiale. En ce sens, l’attentat constitue une rupture fondamentale, après laquelle rien ne pourra jamais être comme avant. Les auteurs de Victimes, et après ? ont pour point d’ancrage la relation entre les victimes et la société. Pour la penser, ils se fondent entre autres sur Totalité et infini, d’Emmanuel Levinas.

En réalité, la victime vit elle-même sa condition comme un empêchement d’être, comme une diminution d’être, et, à partir du moment où on est dans une problématique de l’être, on ne pourra pas sortir la victime de cette condition uniquement par des procédures, par des sommes, par des indemnisations. Ça veut dire qu’il faut qu’on s’interroge : comment leur permettre de retrouver cet élan de vie ?

Antoine Garapon

Si nos sociétés sacralisent les victimes et font d’elles les garants d’une légitimité médiatique, Arthur Dénouveaux et Antoine Garapon en dévoilent l’ambivalence primordiale. Derrière l’obscénité du traitement public des victimes, il y a, selon eux, la satisfaction de ne pas faire partie du « groupe maudit ». Cependant, le statut de victime « n’est pas une identité », comme le rappelle Antoine Garapon. L’enjeu devient celui d’une sublimation de l’événement, à l’instar de ce qu’a réalisé Philippe Lançon avec son ouvrage Le Lambeau.

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Panser ma vie : trois ans après le Bataclan, Fred Dewilde reconstruit sa vie sur scène


Panser ma vie : trois ans après le Bataclan, Fred Dewilde reconstruit sa vie sur scène
Publié le 09/03/2019
Journaliste Figaro Aurore Garot
Fred Dewilde, dessinateur des BD, Mon Bataclan et La Morsure, proposera un troisième volet autour du traumatisme et de la violence post-13 novembre 2015, avec l’aide de Franck, musicien du groupe Cap’tain Boogy» et autre rescapé du drame.

« Ça a commencé par un spectacle, ça finira par un spectacle »

Le 13 novembre 2015, 90 personnes ont perdu la vie au Bataclan, salle de concert parisienne. Venus pour écouter le rock d’Eagle of death metal, les survivants sont repartis avec l’écho des balles et le silence des morts. Après Mon Bataclan (2016) et La Morsure (2018), deux bandes dessinées sur la tuerie et le traumatisme qu’elle a pu engendrer, Fred Dewilde, rescapé du drame, revient pour un troisième fois sur la vie, sa vie post-attentat. Cette fois-ci, à travers un spectacle mêlant musique et réécritures de ses anciens textes cathartiques.

« Entre l’écriture de Mon Bataclan et aujourd’hui, trois ans de vie et de réflexions se sont écoulés, je ne vois plus les choses de la même manière »,

explique Fred Dewilde. Dans son spectacle Panser ma vie, le dessinateur propose une réécriture des passages de ses bandes dessinées et une reconstitution de trois ans de réflexions d’un survivant.

« C’est une prolongation de La Morsure, avec une application plus large de ces notions de violence et traumatisme dans le contexte social actuel, raconte-t-il. Outre l’attentat, il y a différents faits sociaux comme le viol, qui entraînent des états psychologiques proches ce que les survivants de l’attentat comme moi, ont pu vivre. »

Une façon d’évoquer le choc post-tramatique qui, sournois, reste en soi, comme un poison lent qui peut vous détruire. Dewilde a, semble-t-il, trouvé son antidote.
Pour son spectacle, le dessinateur a fait appel à Franck, un autre survivant du Bataclan, musicien rencontré dans l’association de victimes des attentats, Life for Paris.

« Je lui ai dit que je cherchais un guitariste pour un projet et il m’a répondu ‘‘ma guitare est à toi! »»,

explique Fred Dewilde.
À travers un « concert poétisé », les deux artistes veulent transmettre des émotions et non des images. Pour le dessinateur, l’objectif n’est pas de faire du voyeurisme ou de faire revivre les tragiques événements mais d’évoquer le sentiment qu’ils ont provoqué et provoquent encore, pour aborder les conséquences et la reconstruction. Ou du moins les façons de se reconstruire.

« Le spectacle se veut pédagogique et ouvre sur un débat. Sur l’écho qu’a eu cette violence sur notre vie quotidienne, et pas seulement pour les survivants du Bataclan. »

Aucune date officielle n’est pour l’instant fixée, mais le spectacle est sûr d’être joué à Valencienne où les deux hommes seront en résidence.

« On espère faire tourner le projet, mais le plus important pour nous actuellement, c’est de le terminer. Les répétitions sont éprouvantes. On a du mal à retenir nos larmes, même pour Claire Dumelz, la comédienne et metteuse en scène qui travaille avec nous et qui n’a pas vécu les attentats »,

conclut Fred Dewilde.

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