La lente reconstruction de Maya et Mehdi, blessés lors des attentats du 13 novembre

Logo-M-Attentats-du-13-novembre08.02.2016
Par Patricia Jolly

La lente reconstruction de Maya et Mehdi, blessés lors des attentats du 13 novembre

Maya Nemeta, 27 ans, et Mehdi Zaidi, 30 ans, ne se sont plus revus depuis la soirée du vendredi 13-Novembre 2015. Une veille de week-end débutée entre amis dans l’euphorie en terrasse du bar Le Carillon, leur « QG » du 10e arrondissement de Paris. Elle s’est achevée dans un bain de sang. Ce soir-là, ils avaient retrouvé Amine Ibnolmobarak, 29 ans, le mari de Maya. Il était architecte comme elle. Il était ancien élève du lycée français de Rabat au Maroc.  Mehdi, était aussi ancien élève du lycée de Rabat. Il est aujourd’hui consultant en « conduite du changement ». Il y avait aussi Emilie Meaud, une autre amie architecte âgée de 29 ans, et sa sœur jumelle, Charlotte.

Comme chaque fin de semaine, ils étaient tous les cinq à siroter des bières et à faire des plans sur la comète. Aux environs de 21 h 30, en l’espace d’un « tacatacatactatac » qu’ils ont pris pour une pétarade, ils se sont retrouvés à deux. Dans la ligne de mire des terroristes  Amine, Charlotte et Emilie ont été tués sur le coup. Ils ne les ont même pas vu approcher. Medhi était criblé de six balles – dont deux dans le ventre –, le coude et la hanche droite « explosés », l’humérus gauche disloqué, un morceau de mollet arraché. Medhi, affalé sur deux chaises, a regardé Maya. Allongée sur le trottoir, elle tentait vainement de se redresser. Elle avait été touchée par quatre balles aux jambes et au pied droit, et « effleurée » par d’autres au visage et dans le dos.

« Ça va ? Ouais et toi ? Ouais, ça va », se sont-ils soufflé, hébétés. « Ça n’allait pas du tout, raconte aujourd’hui Maya,…

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Les blessés de guerre du 13-Novembre

Logo Paris MatchLes blessés de guerre du 13-Novembre
Le 05 février 2016
Par Pauline Delassus

Ils ont survécu à cette nuit d’horreur mais leurs souffrances morales ou physiques sont loin d’être guéries. Ces attentats ont fait 130 morts et 352 blessés. Par ailleurs, on compte jusqu’à 4 000 personnes impliquées, simples témoins ou proches de victimes. Pour tous, le 13-Novembre 2015 marque le début d’une vie à jamais différente.

Dans la tête d’Omar, il est toujours 21 h 25 le 13 novembre 2015 au Stade de France. Le vigile marocain n’a jamais quitté le champ de bataille qu’il a connu dans une ville pourtant en paix. La terre tremble encore sous ses pieds. Il entend toujours le bruit de la première explosion. Son étrange odeur de calciné, indéfinissable et entêtant parfum de guerre. Autour, les gens courent. Lui, la peur ne l’a pas encore immobilisé. Il décide de tenir sa position. Il porte un gilet sans manches numéroté, dérisoire armure de couleur orange. Il voit l’ennemi avancer vers lui, calme et déterminé, silhouette sombre vêtue d’une doudoune noire. Un grand boum, et plus rien. L’obscurité.

Omar perd connaissance

Quand il ouvre les yeux sur le bitume, seules ses paupières bougent. Le reste ne répond plus. Impossible de se relever, impossible de parler. Dans une mare de sang, un homme demande de l’aide. Omar entend ses cris, voit son corps mutilé. Il y a par terre des membres arrachés, ceux du kamikaze, des lambeaux de chair et, dans l’air, toujours la même odeur.

Il a connu la mort sans avoir perdu la vie

« C’est trop dur », souffle Omar ce samedi de janvier où nous lui rendons visite. On retrouve dans son récit l’effroi raconté par les poilus de la Grande Guerre.  Celui aussi des GI américains pétrifiés sur les zones de combat en Afghanistan et en Irak. Assis sur le lit d’une clinique psychiatrique, Omar dessine au crayon sa ligne de front. C’est une centaine de mètres, des portes G à H du Stade de France où il a connu la mort sans avoir perdu la vie. « J’ai accompli ma mission », dit celui qui a fait évacuer plusieurs dizaines de personnes au moment des explosions.

« Mais, depuis, je suis très fatigué. Les enquêteurs disent que je suis un miraculé. »

Lui se sent « comme un nouveau-né malade », un soldat héroïque sans grade ni arme, revenu au monde traumatisé. « Inhibition psychomotrice, insomnie totale », ont diagnostiqué les médecins. Omar ne peut plus marcher ni dormir. Il parle avec difficulté, pousse de longs soupirs, s’effondre en larmes à l’évocation des attentats.

On parle de troubles de stress post traumatiques

On parle de troubles de stress post traumatiques, ces balles invisibles d’abord détectées chez les militaires américains pendant la guerre du Vietnam. Ça ressemble à des images de terreur qui sans cesse resurgissent, ces pages qu’on n’arrive pas à tourner. En moyenne, 30 % des soldats en seraient atteints. Désormais, à Paris, ce sont de simples vigiles comme Omar, des étudiants, des artistes, des enseignants ou des retraités qui en souffrent.

« On guérit mieux d’un blast que d’un traumatisme psychique »

Le Dr Stéphane Bonnet,qui nous a dit cela, est chef du département de chirurgie digestive à l’hôpital militaire Percy. Pour lui, les blessés du 13-Novembre « sont exactement les mêmes » que ceux qu’il a soignés à l’hôpital de Kaboul, lors des opérations de l’armée française en Afghanistan. « A la différence que la blessure fait partie de la profession du militaire, nuance son collègue, le Pr Sylvain Rigal, titulaire de la chaire de chirurgie de l’école du Val-de-Grâce. Il est toujours plus facile de se reconstruire psychologiquement quand le traumatisme initial est compris et accepté. Pour les blessés du 13, il ne peut pas être compris. »

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Un praticien écoute les histoires de ses patients

Pendant plusieurs jours, il écoute les histoires de ses patients, des destins tragiques de jeunes gens contraints, pour se défendre, à des gestes de guerriers. L’un raconte avoir utilisé un cadavre en bouclier. Amandine et son fiancé comptent les tirs pour tenter de s’enfuir de la salle du Bataclan lorsque les tueurs rechargent leur arme, avec pour seul objectif la survie.

Victor

Victor, 29 ans, fait partie des prisonniers du Bataclan, ces martyrs enfermés de longues heures sous le joug des terribles bourreaux. Étudiant en droit, destiné au métier de notaire et passionné de rock, il vient de Nantes pour écouter les Eagles of Death Metal. Sa soirée se termine dans le noir, face contre terre, les tibias explosés par une balle. Ses oreilles sifflent, il est incapable de bouger. Dans la fosse du Bataclan, ils sont plusieurs comme lui à jouer les morts, à craindre les sonneries de téléphone qui entraînent les exécutions, à étouffer leurs cris de douleur dans les corps sans vie qu’ils trouvent sous eux.

Je suis tellement content d’être là

« On essayait de s’entraider en chuchotant. Ça a aidé d’être en groupe. Seul, je ne sais pas si j’aurais pu gérer », dit Victor, qui cherche, depuis, à retrouver ceux qui ont constitué son régiment d’infortune. Il est sorti de l’hôpital, mais il doit rester couché dans l’appartement familial qu’il occupe faute de pouvoir retourner chez lui, à Nantes. Il faudra un an et plusieurs interventions avant qu’il puisse remarcher normalement. Ses blessures, impressionnantes, sont apparentes.

L’importance du soutien des psychologues

Victor assure qu’il tient le choc grâce au soutien de psychologues, les premiers jours de sa convalescence, et à la présence de sa mère et de son frère. Quand les policiers l’ont extrait de la salle de concert, Victor n’avait plus que 1 litre de sang dans le corps. La pose d’un garrot et d’une perfusion l’a sauvé. « A quinze minutes près, c’était fini, a-t-il appris depuis. Je suis tellement content d’être là, ça me donne envie d’en profiter et ça me rend plus fort », dit-il en attrapant sa guitare. Il joue un air de Neil Young et projette des voyages, une cigarette fumée en terrasse, des soirées entre amis… Il est en vie.

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