Me prendre une balle ne m’a pas rendu con, pas la peine de le devenir pour moi

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Billet écrit et mis en ligne initialement sur Fier Panda. Leur page Facebook.
Écrit par elmomo le

Je fais partie de ceux qui ont eu la malchance d’être au Bataclan le 13 novembre 2015. J’ai été blessé par balle, mon pronostic vital a été engagé. Ne sortez pas vos mouchoirs, je ne suis pas là pour retracer l’histoire de cette horreur. Non. J’ai eu cette chance incroyable de survivre, contrairement à trop d’autres. Malheureusement je ne suis pas sorti de l’auberge, ni de l’hôpital d’ailleurs. C’est de là que je vous écris, dans cette pièce blanche, aseptisée, qui me sert de lieu de vie depuis trop longtemps. Je m’étais promis repos et tranquilité seulement comment rester calme quand j’observe ce qui se trame depuis les attentats ? J’en ai gros.

Restreindre les libertés

Déjà, l’état d’urgence décrété en France, parlons-en. Le gouvernement en profite salement pour museler toute forme de contestation autour de la COP 21 – pas que je sois un grand fan des rastas blancs mais nous sommes censés vivre dans un pays où tout le monde peut se faire entendre, non ? Le surréalisme est encore plus total lorsque le contrôle touche l’accès à Internet avec une volonté d’interdire Tor, les wifis publics et les VPN. Et vas-y que ça place aussi des backdoors dans tous les systèmes de chiffrement. On continue dans l’absurdité de la situation avec un récent sondage à la con révélant que 84% des Français sont prêts à restreindre leurs libertés pour gagner un peu de sécurité.
Putain, NON. Suis-je le seul à préférer courir le risque de me faire mitrailler au détour d’un concert plutôt que de vivre dans un état policier ?

Pas de risque zéro

Soyons sérieux, face au terrorisme, il n’y a pas de recette miracle ni de risque zéro. Nous ne serons jamais complètement à l’abri. L’année 2015 a certes été particulièrement marquante de ce point de vue, mais il faut apprendre à vivre avec, à rester fort. Renoncer à notre liberté ne mettra pas fin à la folie de quelques illuminés.

« Reprenons-nous, respirons un bon coup, réfléchissons ensemble et non les uns contre les autres »

Puis, ce matin, cerise sur le gâteau : les élections régionales. Le Front National est en tête dans six régions et premier au niveau national. Marine Le Pen en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Marion Maréchal-Le Pen en Provence-Alpes-Côte-d’Azur obtiennent plus de 40 % des voix. Que se passe-t-il ? Depuis quand le FN est-il une solution ? Fermer les frontières, armer tous les flics, multiplier leur présence et replier le pays sur lui-même ne va en rien empêcher le terrorisme. OK, je comprends le traumatisme post-attentat. Je suis même plutôt bien placé pour saisir l’impact psychologique d’une telle atrocité. Mais reprenons-nous, respirons un bon coup, réfléchissons ensemble et non les uns contre les autres. Et qu’on ne me ressorte pas le coup du vote contestataire, du “tous pourris sauf” parce que là on est clairement dans une autre dynamique.

La France est sous le choc et agit connement par peur. Alors on va vite se calmer et voter avec sa tête plutôt qu’avec des sentiments exacerbés et passagers. J’aime mon pays et je ne pouvais pas rêver d’un meilleur endroit pour me prendre une balle. N’en faisons pas un pays de cons. Je souhaite ressortir de mon lit d’hôpital avec un moral au top. Pour cela : prenons du recul, pensons, discutons, aimons-nous mais surtout, envoyez-moi une photo de vos nichons.

J’étais au Bataclan avec mon mari le soir du 13 novembre

facebook_2015_logo_detailJe m’appelle Maureen,

J’étais au Bataclan avec mon mari le soir du 13-Novembre,
Nous faisons partis des rescapés, non blessés, mais marqués à vie par ce qu’il s’est passé ce soir-là.
Nous pensons énormément à toutes les personnes qui n’ont pas eu notre chance.

Et un peu plus loin chaque jour, pour nous et pour eux, nous avançons malgré tout.

Si je parle ici c’est pour m’adresser à vous ; vous qui étiez dans la salle ce soir-là.
Chacun gère le traumatisme à sa manière, certains parlent très facilement, ont repris une vie « normale ». Pour d’autres communiquer est encore très difficile ou même impossible. Ce n’est pas parce que notre peau n’est pas marquée, qu’il ne s’est rien passé et que cela n’a pas blessé notre chair.

Nous sommes plus de 1000

Plus de 1000 à être sortis de cette salle. Plus de 1000 personnes pour qui les choses ne seront plus jamais exactement les mêmes… c’est énorme.
Dans ce malheur, notre chance est d’être nombreux. Je pense qu’il est important de transformer cela en force.

Par le biais des réseaux sociaux, j’ai vu que très nombreuses sont les personnes qui ont un important désir de retrouver ceux qu’ils ont aidés. Et inversement les blessés qui recherchent ceux qui les ont sauvés. Mon mari a pu retrouver celui à qui il a porté secours et j’ai été témoin de l’incroyable aide que cela apporte dans la reconstruction de chacun. Savoir que dans ce chaos où nous étions tous si impuissants ; tous, nous avons d’une façon ou d’une autre été là les uns pour les autres.

Échanger, avec quelqu’un qui a vécu à sa façon la même chose, est différent des nombreux dispositifs mis en place actuellement.
Je sais que nous avons encore des choses à nous apporter. A encourager ceux qui veulent offrir un soutien. Parler ensemble ou même simplement apporter de la compagnie à ceux qui le souhaitent, rescapés, blessés ou famille de victimes. Parce qu’aider les autres, c’est aussi une façon de s’aider soi-même, afin d’aider chacun à surmonter la tragédie et pour pouvoir voir l’espoir derrière.

Life for Paris

Le monde nous a montré son soutien par le slogan Pray for Paris. Je propose de créer dans la continuité Life for Paris. Elle sera une association de dialogue et de soutien ou toute personne rescapée de ses évènements trouvera une place.

J’invite ceux qui souhaitent être acteur de cette suite à me contacter directement afin que vous réfléchissions ensemble ce que nous souhaitons mettre en place. Je ne connais rien au milieu associatif. Je suis moi-même comme vous à vouloir me reconstruire mais je suis convaincue du bien-fondé de cette démarche. Choisir de s’exposer n’est pas facile mais ce que je refuse, c’est qu’ils aient le pouvoir de faire taire d’autres voix.

Et un jour, je rêve que l’on puisse se réunir, refaire la fête ensemble, profiter de cette vie, qu’on sait tous maintenant si fragile. Et qui sait, pourquoi pas inviter les Eagles of Death metal.
Parce qu’aujourd’hui je le sais, pour nous et pour ceux qui ne sont plus là, fièrement, nous verrons la fin de ce putain de concert.

Vive le rock, vive la liberté, vive Paris et surtout vive la vie.

J’invite chaque personne qui lit ce texte et qui y est sensible à partager ce message afin que sa visibilité soit la plus grande possible. On connait malheureusement tous à un certain degré quelqu’un qui y était, dites leur.

https://www.facebook.com/lifeforparis/?fref=nf