Au village de Kara Tépé de l’Art-Thérapie pour les enfants

Publié le 24/10/2016
Gérard Thirioux
Ancien professeur de philosophie et auteur dramatique. Dernier ouvrage paru : Coup de boule à Berlin. Le Dernier carton rouge, Editions Amalthée, 2008.
TÉMOIGNAGE – A Lesbos, l’île sacrifiée, l’île bafouée, l’île oubliée, la compassion, la patience et la solidarité cèdent peu à peu la place à l’amertume, au sentiment d’injustice, demain peut-être à la colère.
Pélagia est appuyée contre le mur de son magasin, une jolie boutique de bijoux et de poterie de qualité qu’elle tient avec sa fille Maria sur le port de la Skala Sykaminias. La Skala Sykaminias, c’est ici – il y a un an exactement – qu’arrivaient en masse depuis la côte turque voisine les migrants pour l’Europe transitant par Lesbos. Jusqu’à 4 000 par jour.
Aujourd’hui, samedi 8 octobre 2016, elle a le sourire Pélagia. Un franc sourire. « Tu te rends compte, me dit-elle, si on avait eu le Prix Nobel de la Paix, le cirque aurait repris de plus belle ! » La veille, le jury Nobel, dans sa grande sagesse, a récompensé le président colombien Santos et non les habitants de Lesbos. Et pourtant les soutiens n’avaient pas manqué : le star system au grand complet, les médias influents du monde entier, le pouvoir politique grec. « Tu sais qu’hier, ajoute Pélagia, il y avait des télévisions de toute l’Europe ici ? Ils sont même allés chercher les petites yayas (mémés) qui avaient donné le biberon au bébé syrien l’an dernier. Quand ils ont su que c’était raté pour le Nobel, ils sont repartis aussi sec. Quel cinéma ! » A l’aéroport de Mytilène, la capitale de l’île, comme pour anticiper l’événement qui ne viendra pas, une photo de 4m² immortalisant la fameuse tétée est accrochée depuis plusieurs mois sur un mur. Elle déborde même sur celle, au format beaucoup plus modeste, du grand écrivain local qui a donné son nom à l’aéroport et qui, lui, a reçu le Prix Nobel en 1971 : Odysséas Elytis.

…/…

150 migrants arrivent chaque jour

Depuis la signature des accords entre l’UE et la Turquie, le 18 mars dernier, les arrivages de migrants ont nettement diminué, et de diurnes et affichés qu’ils étaient de septembre 2015 à mi-mars 2016, ils sont redevenus, comme au tout début du mouvement migratoire, nocturnes et clandestins. A l’automne 2015, au plus fort de la crise, de 80 à 100 canots pneumatiques contenant chacun une quarantaine de personnes accostaient chaque jour à la Skala Sykaminias. Aujourd’hui, c’est environ 150 migrants qui, quotidiennement, réussissent à passer à travers les mailles des filets turcs et de Frontex…  et s’ajoutent aux 8 500 déjà sur place depuis des mois. Leur composition ethnique a aussi beaucoup changé. En 2015, les Syriens et les Irakiens étaient de loin les plus nombreux, même si beaucoup d’Afghans et de Pakistanais – que la plupart des médias s’efforçaient de ne pas voir – étaient déjà du voyage.

Aujourd’hui, le hot spot de Moria abrite en effet des migrants issus de 78 nationalités différentes : Afghans et Pakistanais, certes, mais aussi Bangladais, Libyens, Marocains, Algériens, Palestiniens, Chinois, Somaliens, Nigérians, Congolais, les Africains étant de plus en plus nombreux.

Quant aux conditions de vie de ces migrants, elles varient selon leur origine. Les Syriens – qui y sont majoritaires – et les Irakiens sont logés à Kara Tépé. Ils sont 1 500 dans ce camp et peu parmi eux semblent se plaindre de leur situation, si ce n’est qu’ils souhaitent voir le temps du purgatoire lesbien diminuer.


Ajoutée le 20 janv. 2017

Filmed by Maro Kouri
Assistant: Dimitra Papageorgiou
Text: Marc Herman

Quand la culture tend la main aux réfugiés


Élodie Maurot, le 30/10/2016
Les associations d’aide aux réfugiés sont les premières à souligner l’importance de la culture pour ceux qu’elles accueillent. De leur côté, artistes et institutions culturelles cherchent à prendre leur part dans l’accueil, mais une impulsion politique manque.
Quand on pense aux réfugiés, on pense à l’urgence humanitaire et à l’accès aux droits, mais rarement à l’art et à la culture. Ce sera pour plus tard, pense-t-on souvent… Pourtant, les associations d’aide aux réfugiés ne considèrent pas l’art et la culture comme des domaines accessoires.
Elles les utilisent pour favoriser la rencontre et l’accueil des réfugiés. « Bien sûr, nous n’allions pas nous mettre à jouer de la musique pour les réfugiés au milieu des rats du bidonville de Calais, reconnaît Yann Manzi de l’association Utopia 56, qui se souvient du choc ressenti quand il a mis les pieds pour la première fois dans la « jungle ». Venus du Festival des vieilles charrues où il s’occupait de logistique, habitué à gérer foules et acteurs associatifs, Yann Manzi et ses acolytes ont d’abord organisé la récolte des poubelles, « mais nous avons promu les projets artistiques, à chaque fois que c’était possible », témoigne-t-il, évoquant des « bœufs » mémorables entre musiciens syriens réfugiés et… groupes de musique bretonne ! Ce citoyen militant en est convaincu,

« les moments culturels sont ceux où nous pouvions le mieux entrer en contact avec les réfugiés. La musique, le chant, la danse franchissent les barrières et créent tout de suite un lien ».

Pour aller sur l’article, cliquez sur la photo