Echouées à Athènes, les femmes réfugiées s’émancipent et se reconstruisent


06/03/2019
Source AFP
Place Victoria, dans un quartier multi-ethnique du centre d’Athènes, les poussettes s’entassent devant l’entrée de l’ONG Amurtel. Les femmes réfugiées, souvent opprimées dans leur pays d’origine, y viennent pour se reconstruire et s’émanciper.

« En Grèce, s’ouvre une nouvelle vie pour moi, pleine d’opportunités mais aussi de difficultés. J’ai envie de les dépasser, d’avoir un meilleur avenir, de soutenir ma famille, de ne plus dépendre d’aucun homme. »

Noussra Ahmadi, son bébé de sept mois dans les bras, s’installe dans une pièce pleine de réfugiées qui assistent au cours prodigué sur les besoins nutritionnels des enfants. Cette Afghane, arrivée il y a un an et demi en Grèce, se rend depuis plusieurs semaines dans cet espace ouvert en septembre 2016 pour les mères migrantes.
Noussra a trois enfants qu’elle élève seule. « Venir à ces cours me permet de rencontrer d’autres femmes réfugiées, de créer un réseau de soutien », souligne, dans un parfait anglais, la trentenaire qui rêve d’avoir son propre restaurant.
En 2015, lorsque près de 847.000 réfugiés ont accosté sur les îles du la mer Égée, Didi Uttama-Lee distribuait avec d’autres volontaires des couches, du lait et de la nourriture pour bébés au port du Pirée. Puis, l’idée d’offrir un lieu où les réfugiées puissent obtenir des conseils sur l’accouchement, sur l’allaitement, sur la reproduction et consulter une sage-femme est devenue comme une évidence.

« Certaines femmes réfugiées sont timides. Elles n’osent pas parler de leur intimité, elles n’ont jamais eu d’informations sur la reproduction… Mais au fur et à mesure, elles s’ouvrent, viennent de plus en plus, s’expriment plus facilement »,

explique l’Américaine qui dirige le projet.

« En Europe, tout est possible pour les femmes »

A 22 ans, Zarisa Noori a deux enfants de moins de deux ans et se rendre à Amurtel, « c’est une sortie, un moyen de ne pas rester toute la journée à la maison avec mes enfants ». Zarisa aimerait reprendre les études, dès que ses enfants seront plus âgés : « En Europe, tout est possible pour nous les femmes. En Afghanistan, je ne pouvais pas aller à l’université en sécurité », raconte-t-elle.
De l’autre côté de la place Victoria, « Melissa », une autre association, oeuvre aussi à l’épanouissement des femmes réfugiées.
« Nous avons divers profils puisque nous accueillons une quarantaine de nationalités dans notre association. Mais de nombreuses femmes viennent de sociétés répressives ou de pays en guerre où leurs possibilités d’émancipation sont réduites », note Nadina Christopoulou, une des fondatrices de l’ONG.


Cours de langues, soutien psychologique, art thérapie, ateliers de poterie, de poésie, sur la prise de parole ou sur la gestion du stress, les activités sont multiples.
« A leur arrivée, elles n’osent même plus rêver… Au fil des mois, elles se reconstruisent, se lancent dans des projets. Notre objectif premier est qu’elles se sentent bien, qu’elles reprennent confiance en elles », ajoute Nadina Christopoulou.
« Melissa » a une spécificité: mettre en relation les réfugiées et migrantes installées en Grèce depuis plusieurs années avec les nouvelles arrivantes.
Debbie Valencia, présidente de la communauté des femmes philippines en Grèce, aide ainsi les femmes qui le souhaitent à avoir accès à des microcrédits: « Au sein de la communauté philippine, nous avons mis en place depuis plusieurs années un système de microcrédits entre femmes et nous voulons partager notre expérience avec les autres réfugiées. Nous aussi nous sommes passées par des difficultés en arrivant en Grèce, et nous voulons les encourager à oser et à créer leurs entreprises ».
Lors d’un cours de psychologie, Asma, une jeune Syrienne confie :

« En Syrie, j’ai perdu plusieurs opportunités d’étudier, de travailler… Je n’espérais plus rien, j’avais perdu tout espoir jusqu’à ce que j’arrive ici ».

« Ce qui pourrait m’aider à atteindre mon objectif dans la vie, c’est d’avoir un bateau qui me guide vers un avenir meilleur et +Melissa+ l’est devenu en quelque sorte », poursuit Asma qui espère rejoindre les bancs de l’université.
Quelque 73.000 réfugiés se trouvent actuellement en Grèce dont près de 15.000 sur les îles du nord de la mer Égée où les conditions d’accueil sont souvent décriées. D’après les derniers chiffres du Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU, les femmes représentent 21 % des réfugiés sur ces îles et les enfants 32 %.

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Au village de Kara Tépé de l’Art-Thérapie pour les enfants

Publié le 24/10/2016
Gérard Thirioux
Ancien professeur de philosophie et auteur dramatique. Dernier ouvrage paru : Coup de boule à Berlin. Le Dernier carton rouge, Editions Amalthée, 2008.
TÉMOIGNAGE – A Lesbos, l’île sacrifiée, l’île bafouée, l’île oubliée, la compassion, la patience et la solidarité cèdent peu à peu la place à l’amertume, au sentiment d’injustice, demain peut-être à la colère.
Pélagia est appuyée contre le mur de son magasin, une jolie boutique de bijoux et de poterie de qualité qu’elle tient avec sa fille Maria sur le port de la Skala Sykaminias. La Skala Sykaminias, c’est ici – il y a un an exactement – qu’arrivaient en masse depuis la côte turque voisine les migrants pour l’Europe transitant par Lesbos. Jusqu’à 4 000 par jour.
Aujourd’hui, samedi 8 octobre 2016, elle a le sourire Pélagia. Un franc sourire. « Tu te rends compte, me dit-elle, si on avait eu le Prix Nobel de la Paix, le cirque aurait repris de plus belle ! » La veille, le jury Nobel, dans sa grande sagesse, a récompensé le président colombien Santos et non les habitants de Lesbos. Et pourtant les soutiens n’avaient pas manqué : le star system au grand complet, les médias influents du monde entier, le pouvoir politique grec. « Tu sais qu’hier, ajoute Pélagia, il y avait des télévisions de toute l’Europe ici ? Ils sont même allés chercher les petites yayas (mémés) qui avaient donné le biberon au bébé syrien l’an dernier. Quand ils ont su que c’était raté pour le Nobel, ils sont repartis aussi sec. Quel cinéma ! » A l’aéroport de Mytilène, la capitale de l’île, comme pour anticiper l’événement qui ne viendra pas, une photo de 4m² immortalisant la fameuse tétée est accrochée depuis plusieurs mois sur un mur. Elle déborde même sur celle, au format beaucoup plus modeste, du grand écrivain local qui a donné son nom à l’aéroport et qui, lui, a reçu le Prix Nobel en 1971 : Odysséas Elytis.

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150 migrants arrivent chaque jour

Depuis la signature des accords entre l’UE et la Turquie, le 18 mars dernier, les arrivages de migrants ont nettement diminué, et de diurnes et affichés qu’ils étaient de septembre 2015 à mi-mars 2016, ils sont redevenus, comme au tout début du mouvement migratoire, nocturnes et clandestins. A l’automne 2015, au plus fort de la crise, de 80 à 100 canots pneumatiques contenant chacun une quarantaine de personnes accostaient chaque jour à la Skala Sykaminias. Aujourd’hui, c’est environ 150 migrants qui, quotidiennement, réussissent à passer à travers les mailles des filets turcs et de Frontex…  et s’ajoutent aux 8 500 déjà sur place depuis des mois. Leur composition ethnique a aussi beaucoup changé. En 2015, les Syriens et les Irakiens étaient de loin les plus nombreux, même si beaucoup d’Afghans et de Pakistanais – que la plupart des médias s’efforçaient de ne pas voir – étaient déjà du voyage.

Aujourd’hui, le hot spot de Moria abrite en effet des migrants issus de 78 nationalités différentes : Afghans et Pakistanais, certes, mais aussi Bangladais, Libyens, Marocains, Algériens, Palestiniens, Chinois, Somaliens, Nigérians, Congolais, les Africains étant de plus en plus nombreux.

Quant aux conditions de vie de ces migrants, elles varient selon leur origine. Les Syriens – qui y sont majoritaires – et les Irakiens sont logés à Kara Tépé. Ils sont 1 500 dans ce camp et peu parmi eux semblent se plaindre de leur situation, si ce n’est qu’ils souhaitent voir le temps du purgatoire lesbien diminuer.


Ajoutée le 20 janv. 2017

Filmed by Maro Kouri
Assistant: Dimitra Papageorgiou
Text: Marc Herman