On pourrait aussi l’appeler psychothérapie par l’art, ou psychothérapie médiatisée ou encore psychothérapie expressive orientée. On entend l’art comme mode d’expression qui se met au service du soin à travers la relation psychothérapeutique. L’art devient un moyen d’expression et de communication privilégié. L’art joue le rôle de médiateur, il est le moteur de la communication. L’art thérapeute est un artiste formé à la relation avec les publics en difficulté. Il doit faire un travail sur soi, comme chaque psychothérapeute. Il propose la création afin de permettre au sujet de se réparer. Donc, le but recherché n’est pas l’esthétique, comme dans un atelier purement artistique.
Chaque atelier va poser des différents objectifs, par rapport à la problématique de son public. Sur le terrain psychiatrique, nous mettons en place des ateliers thérapeutiques dans les hôpitaux et on va travailler avec toutes les psychopathologies rencontrés. On distingue le travail psychopédagogique, où on apprend à dépasser sa difficulté psychique et sociale. On travaille par exemple, sur le mal être du sujet à vivre dans deux différentes cultures, à dépasser sa timidité, à se redynamiser. Nous visualisons toujours le potentiel des sujets. Les ateliers de l’art thérapie est un espace de liberté, où on peut transgresser l’interdit.
Caché derrière le castelet avec une marionnette, ou derrière un masque et l’anonymat, nous pouvons dénoncer les abus, les maux que les interdits occasionnent. Le sujet dépasse plus facilement sa timidité quand il n’est pas confronté directement au regard frontal de l’autre. Le regard médusé de l’autre qui peut le pétrifier, l’enfermer sur lui même. Cette liberté d’expression suppose un cadre avec des règles et des limites qui ont une fonction protectrice et structurante. Il y a aussi les règles propres à toute activité artistique. Quand le jeu s’établit avec des règles, on peut espérer une réorganisation psychique heureuse. On prépare un espace contenant, afin que le sujet fragile puisse être en liberté, afin de retrouver son désir de création partagée et ainsi se purifier. « Katharsis » veut dire purgation, purification des passions, par le moyen de la représentation dramatique. Aristote dans sa politique nous parle des mélodies qui transportent l’âme hors d’elle même. La musique fonctionne comme un remède, une purification, un allégement, accompagnés de plaisir.
La marionnette permet de synthétiser tous les arts. Arts plastiques, arts de la scène, écriture, musique.
En Chine, (1558-1550 A.C.), les marionnettes (Yong, marionnettes en bois, de taille humaine), sont liées à la culte des morts. Elles étaient manipulées par un prêtre, elles présentaient un défunt, un ancêtre ou un dieu. A travers sa manipulation, le prêtre fait parler les esprits ou les dieux et cela constitue le rôle d’un chamane qui a une fonction d’exorciste.
En Grèce antique, les marionnettes, les masques la danses et le drame sont liés aux rituels de Dionysos. Les fêtes qui se déroulent au début du printemps s’appellent «Anthestiria» et comportent le déguisement, la mascarade, l’ivresse (le vin est utilisé comme médicament), le jeu, le théâtre, la marionnette, le masque, la transe et le délire extatique. C’est le dieu qui donne la manie, la possession par l’autre, mais aussi la guérison, la purification à travers l’extase. Ces rituels permettent au sujet de devenir un « autre », admis et accepté par le groupe social dans ce cadre précis. Je pense au carnaval, où le sujet peut incarner des rôles interdits dans la vie quotidienne. Dans ce cadre, nous avons le droit de transgresser l’interdit. Malheureusement dans beaucoup de sociétés, nous avons perdu ces rituels « thérapeutiques ».
Il s’agit de la thérapie par le double. Le double qui fait partie de nous mêmes et qui souvent nous échappe. L’idée de la mort a été rendu supportable par la fabrication d’un double, dont le rôle est d’assurer une autre vie après la mort.
Narcisse se métamorphose en fleur blanche, il y a là l’idée de l’éternel renouvellement, où la mort est vaincue par une nouvelle création. La marionnette matérialise le miracle de la résurrection, elle passe de l’immobilité à l’animation, de la mort à la vie.
On retrouve cette idée de la maîtrise de la mort à la cérémonie «Niobo» au Zaïre, il s’agit d’une marionnette géante, le double du défunt, portée par les enfants du mort. C’est elle qui conduit le cortège, elle blague, refuge d’avancer, simule le retour à la maison, elle ne veut pas se laisser enterrer… Il y a une dédramatisation de la réalité de la mort et dérision.
Sur le cérémonial des indiens Hopis, dès la fabrication de la marionnette, le sculpteur et ses compagnons désignent une femme, considérée comme la gardienne de la marionnette ou la mère rituelle. Elle simule l’accouchement, elle lave ses cheveux, et la nomme. La marionnette est considérée comme un enfant, un nouveau né.
Otto Ranc site que la déesse de l’amour se transforme en déesse de la mort. La mort est vaincue par une nouvelle création. Cela nous ramène à l’image idéale de la mère, un renouvellement éternel et l’idée de l’immortalité humaine, tant désirée.
La marionnette est utilisée pour la magie noir et la magie blanche. Au théâtre, nous pouvons incarner le mal, jouer avec lui, on fait comme si…Faire un diable permet de vivre, de mieux mesurer les dimensions de ces abîmes, d’où la peur peut venir. Le sujet en donnant forme à ses peurs, il arrive mieux à les combattre, à les gérer. Jouer à la guerre, ne permet ni de gagner, ni de perdre, mais de représenter le monde, se confronter à la vie et grandir.
En Afrique, les marionnettes symbolisent l’union des vivants et des morts, elles communiquent la volonté des esprits des ancêtres, à travers la manipulation des «vieux» (il s’agit des marionnettes fétiches, réservées aux initiés, c’est intérdit aux femmes et aux enfants de les voir).
En Sibérie, en Birmanie, les chamanes utilisent les marionnettes pour guérir.
En Inde, en XI siècle, avant J.C., apparaît à côté des thèmes religieux un personnage populaire «Vidouchaka», un brahmane, nain et bossu, chauve, bête et rusé, moqueur et grossier, qui bat tout le monde. Après la naissance du Christ, ce personnage voyage et se transforme en Guignol (France), en Polichinelle (Italie), Punch (Angleterre), Karagioz (Turquie et Grèce). Le Guignol apparaît fin XVII siècle, et sert initialement à informer (infos politiques et sociales), et s’adresse à un public quasi analphabète. Napoléon III va censurer ces représentations. Je vais finir avec les Guignols des infos contemporaines, (caricatures des hommes politiques) et leur fonction qui est de critiquer la vie politique de la société actuelle.