29 avril 2008
Alain Salles – Melun, envoyé spécial
Dans l’ancien Hôtel-Dieu de Melun, reconverti en prison, on essaie de donner des soins aux détenus, à 60 % des délinquants sexuels. Dans la cour, les prisonniers jouent aux boules, beaucoup ont les cheveux blancs. C’est dans ce centre de détention que la ministre de la justice, Rachida Dati, est venue, en janvier, à la veille du débat parlementaire sur la loi instaurant une rétention de sûreté, qui prévoit l’enfermement après leur peine de criminels dangereux condamnés à plus de quinze ans de prison, dans un centre socio-médico-judiciaire.
Le débat est relancé après la mise en examen, dimanche 27 avril, de Bruno Cholet, un délinquant sexuel récidiviste, pour le meurtre de la Suédoise Susanna Zetterberg. Au centre de détention de Melun, la moitié des 300 détenus arrivent à la fin de leurs parcours de longues peines. Ce n’est pas un établissement spécialisé dans la délinquance sexuelle, comme Caen ou Casabianda en Corse, mais devant l’importance du public concerné, la direction et les services médicaux ont décidé d’organiser un suivi approprié. « Depuis deux ans, nous avons mis en place un processus pour inciter le plus tôt possible les détenus à des soins thérapeutiques », explique la directrice, Muriel Guegan.
Depuis 2006, un protocole a été instauré entre l’administration pénitentiaire et l’hôpital. « C’est un protocole thérapeutique, établi par l’équipe médicale, explique Caroline Legendre, psychologue. Nous rencontrons systématiquement les auteurs d’agressions sexuelles qui arrivent en prison. Nous savons pourquoi ils ont été condamnés. » Les détenus reçoivent un courrier leur proposant une évaluation. Il s’agit de deux entretiens réalisés par deux psychologues ou un psychologue et un psychiatre. On leur propose ensuite une thérapie en groupe, un suivi individuel ou un mélange des deux. « On leur demande s’ils sont d’accord. Ils le sont le plus souvent. Sinon, on les revoit six mois après, pour leur proposer à nouveau », explique Caroline Legendre. Le choix du traitement décidé par le personnel médical ne peut être remis en question. Si un détenu n’accepte pas un traitement en groupe, qui est le seul préconisé pour les auteurs d’agressions sexuelles, cela s’apparente à un refus de soin.
Un groupe repose sur un jeu, mis au point par le service médical de la prison d’Angers : le « Qu’en dit-on ? ». C’est une série de cartes, décrivant des situations, généralement à connotation sexuelle. Les membres du groupe doivent classer ces actes en quatre catégories : acceptable, discutable, non acceptable, interdit par la loi. « Ce groupe n’est pas centré sur les faits qu’ils ont commis, mais sur le rapport à la loi, explique Caroline Legendre. Chacun doit se situer face à des situations difficiles et des problématiques plus personnelles. D’autres groupes abordent plus directement le passage à l’acte. » C’est le cas de l’art-thérapie, un travail sur « l’art qui permet la verbalisation », selon Caroline Legendre, ou d’un autre groupe basé autour du film sur l’inceste d’Aline Issermann, L’Ombre du doute.
« ON PRÉPARE LA SORTIE »
Evelyne Aubry est aussi psychologue mais elle est rattachée à l’administration pénitentiaire, et non à l’hôpital. Elle participe au parcours d’exécution des peines prévu pour chaque détenu. Leur situation est discutée lors de réunions avec les surveillants, le personnel médical, les services d’insertion et de probation. Le détenu reçoit un compte rendu de la réunion. « Tout le monde travaille dans le même sens. On prépare la sortie », explique-t-elle. Le projet de loi pénitentiaire prévoit de développer ces parcours.
Mais Melun est hors norme pour l’administration pénitentiaire. 72 % des détenus qui sortent ont bénéficié d’un aménagement de peine (alors que la moyenne nationale est de 10 %), 42 % d’une libération conditionnelle (contre 6 % en moyenne nationale). « Quand les services travaillent ensemble se développe un climat qui fait que la personne incarcérée est au centre des débats, explique Muriel Guégan. Nous faisons en sorte qu’il se passe quelque chose pendant la peine. Cela devrait éviter la rétention de sûreté. Mais nous avons aussi des échecs. »
Alain Salles – Melun, envoyé spécial
Chronologie
En 1998, la ministre de la justice Elisabeth Guigou fait adopter une loi qui crée une peine de suivi socio-judiciaire à la sortie de prison, pour les délinquants sexuels. 1 066 mesures sont prononcées par les juges en 2005. Ce dispositif souffre d’un manque de médecins.
En 2004 et 2005, sont institués le fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles et le placement sous bracelet électronique mobile.
En 2008, Rachida Dati fait adopter le placement en centres de rétention de sûreté. La loi est partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. La ministre s’est félicitée de son application dans Le Parisien du 28 avril. En fait, c’est la procédure de libération conditionnelle des condamnés à perpétuité qui a été appliquée.
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