Violences sexuelles : parler, oui, mais dans de bonnes conditions
13.03.2018
Par Solène Cordier
Mettre en doute ou minimiser la parole des femmes victimes peut être dévastateur, préviennent les associations.
Les associations sont unanimes. Pour une victime de violences sexuelles, parler est un premier pas vers la reconstruction, même si les conséquences, en particulier lors de prises de parole publiques, peuvent se révéler douloureuses. Encore faut-il que ces témoignages, qui peinent souvent à être formulés, soient reçus avec les égards nécessaires. Pour « déposer leur parole », les victimes ont besoin d’un climat d’empathie, de ne pas se sentir jugées, elles qui éprouvent déjà si souvent une forme de culpabilité. C’est cette qualité d’écoute à laquelle sont formés les bénévoles et les salariés dans les permanences téléphoniques d’urgence ou dans les centres d’accueil spécialisés.
Quand les confidences se font ailleurs, lors d’échanges avec des proches ou encore dans un commissariat lors d’un dépôt de plainte, le témoignage peut se transformer en calvaire. La parole des victimes est parfois questionnée, mise en doute, ce qui constitue souvent un nouveau traumatisme, en particulier quand il s’agit d’un premier récit. Certaines femmes ayant témoigné sur les réseaux sociaux de leurs agressions, dans le sillage de l’affaire Weinstein, l’ont appris à leurs dépens en recevant des réponses très agressives, à mille lieues de la bienveillance prônée par les associations.
Pédophilie : comment gérer la libération de la parole ?
25.04.2016
Des victimes d’actes pédophiles qui témoignent, des années après : c’est un des effets des affaires qui touchent l’Église depuis le début de l’année. Une institution parmi d’autres, confrontée à cette difficulté : que faire de la parole recueillie ?
L’Église de France semble aujourd’hui décidée à faire face aux affaires de pédophilie. Des cellules d’accueil et d’écoute commencent à être mises en place dans les différents diocèses. Cet après-midi, le cardinal Philippe Barbarin réunissait à Lyon les prêtres sous son autorité pour évoquer les affaires en cours. Il aura fallu un élément déclencheur à cette prise de conscience : la mise en examen, fin janvier, d’un prêtre accusé d’agressions sexuelles sur des scouts, dans les années 70 et 80. Une soixantaine, quelques unes reconnues par l’agresseur. Le cardinal Barbarin assure n’avoir été mis au courant qu’en 2007-2008. Les victimes lui reprochent de n’avoir rien fait. Suite à cette affaire, une association s’est créée : ‘’La parole libérée’’ recueille des témoignages de victimes d’hommes d’Église, témoignages souvent anciens qui posent la question de leur exploitation, les faits étant souvent prescrits. Que faire de ces paroles ? Comment les recueillir ?
L’école est, elle aussi, régulièrement confrontée à ce défi. ‘’Nous ne laisserons plus rien passer dans l’Éducation nationale s’agissant de pédophilie’’ a promis la ministre Najat Vallaud-Belkacem vendredi dernier. Une nouvelle loi entrera bientôt en vigueur, afin d’améliorer la communication entre ce ministère et celui de la Justice. Le texte a été voté après qu’un professeur de mathématiques, condamné pour pédophilie en Grande-Bretagne, a pu continuer à enseigner en France, comme si de rien n’était.
Liens
Site officiel du Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) « allô enfance en danger »
L’enfance, que l’on prétend protéger, est en danger (The Conversation)
Outreau : complotisme, émotion… Il y a un problème avec la protection de l’enfance (L’Obs)
Intervenants
Hélène Romano : Docteur en psychopathologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme
Violaine Blain : Directrice du Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED)
Florence Rault : Avocate à la cour, spécialisée dans la protection de l’enfance et le traitement de la délinquance sexuelle
Bibliographie
Danger en protection de l’enfance :
dénis et instrumentalisations perverses
Dunod, 2016
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