Cet ouvrage est le fruit d’une longue enquête sociologique de trois années qui vise à restituer l’expérience de la maladie cancéreuse à partir de la réflexion de personnes soignées pour un cancer sur leur expérience vécue, et de leur action pour « renverser les logiques sociales dominantes qui tiennent le malade à distance et le contraignent au silence sur soi » (p. 315). Un des principaux mérites de cet ouvrage est de donner une part prépondérante à la parole des personnes qui vivent avec un cancer que l’auteur présente comme une réflexion, plus qu’une parole spontanée, et une expression de soi plus qu’un témoignage. Cette place donnée à la parole des malades ou d’anciens malades est telle, et tellement enchâssée dans l’analyse de l’auteur, que le lecteur ne sait parfois plus qui parle – l’auteur ou le malade. La forme de l’ouvrage contribuant à cette fusion en ne différenciant pas (pas de changement de police de caractères par exemple) les discours des interviewés et les analyses fines (et souvent à la limite du champ de la psychologie) de l’auteur. Cette parole raconte l’insupportable : la violence de l’effondrement de son monde pour celui qui bascule dans la maladie, l’agression des traitements qui dégradent le corps et brisent la vie sociale. Elle raconte la déconstruction mais aussi la reconstruction du soi à l’épreuve de la maladie, et la reconstruction de l’identité sociale à travers l’expérience de la maladie. Elle dénonce des violences institutionnelles dans le champ des soins faites aux personnes atteintes d’un cancer (consultation d’annonce en particulier), dont les acteurs n’ont pas conscience et qui sont à l’origine des difficultés futures de la relation soignant-soigné. L’auteur explique aussi les difficultés des soignants du fait des contraintes institutionnelles (surcharge de travail) qui entraînent une division du travail médical et une séparation du « technique » et du « relationnel ». Il décrit la variabilité des conduites et des pratiques des médecins et la complexité du travail médical quand cette variabilité des professionnels interagit avec celle des personnalités des malades et des situations sociales.
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