Une trace sans mots par Liliane Daligand

Daligand, Liliane (2012).« L’enfant abusé et sa parole annulée », Champ psy, 2012/1 n° 61, p. 93-107.

C’est le règne des sensations, du « sensationnel » sans mots. L’abus sexuel, le viol, l’inceste sont toujours des histoires sans paroles. Là où « ça ne parle pas », les sensations, parfois extrêmement fortes mais qui s’évanouissent en laissant la morsure d’une trace sans mots, exigent leur réapparition par l’excitation charnelle tant du côté des auteurs que parfois du côté même des victimes. C’est l’affrontement à vif de sensation à sensation, de chair à chair, de chair en chair, dans la totale confusion des personnes, le non-respect des exigences de la Loi : « Tu n’es pas l’autre : tu ne peux te confondre avec la chair de l’autre, le sexe de l’autre. »

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cette castration massive par l’interdit de l’inceste n’est pas une répression mais une ouverture à ce qui parle. L’enfant, pour garder lien d’amour avec ses parents dont il est radicalement coupé, est invité à leur parler. Cette opération de coupure place l’enfant dans la génération.
Le père, dans sa fonction métaphorique (père de l’origine), passe alors à l’opération de la nomination. Nommer son enfant, le désigner sous des phonèmes, n’est pas le qualifier, le décrire comme une chose, mais lui donner sa place parmi les mots et les règles du langage, car le nom est un signifiant sans signifié.
L’enfant va pouvoir parler en son nom. Ce n’est plus seulement la pulsion qui le porte, c’est le langage qui le fait assumer la position de sujet de la parole.
Le langage et la parole ne sont donc possibles que si l’enfant est placé dans la différence. La parole est le lien entre deux personnes, entre deux êtres radicalement différents, dont l’imaginaire ne peut rendre compte. À chaque rencontre, l’un et l’autre, l’autre et l’un, le je et le tu sont irréductibles. Cette dualité renvoie cependant à l’unité car l’un et l’autre, dans leur différence, réfèrent à l’Un de l’origine, dont chacun provient.
Le montage culturel des générations représenté par la généalogie et la filiation en sont une démonstration constante.
Chaque fois que l’homme parle, qu’il s’adresse à un autre, la parole n’est possible que parce qu’originaire. L’homme parlant est ainsi tenu dans le monde par son lien à l’origine. La force d’existence s’appuie sur la solidité du lien à l’Origine.
Plus un homme est arrimé à cette place symbolique qui lui est propre, plus il est résistant aux agressions, à la violence, aux traumatismes.

La création d’images, une question d’acte, un atelier d’expression plastique en milieu carcéral par Katharina Hausammann

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Hausammann, Katharina (2003). « La création d’images, une question d’acte, un atelier d’expression plastique en milieu carcéral », Art & thérapie, n° 84/85.

Le travail de création d’images est susceptible de pouvoir intégrer aussi bien les processus complexes de transformation d’un matériel psychique laissé en détresse que les mouvements destructifs de l’homme. Cet article témoigne de quelques particularités du travail mené avec le média de la peinture et du dessin en milieu pénitentiaire masculin. Il est apparu que dans ce lieu dépourvu d’attraits esthétiques et entravant le corps, la fonction du beau dans l’image joue un rôle important sur le plan d’une restructuration psychique. Les productions créatives sont également qualifiées pour pouvoir représenter le corps et suppléer le sujet fragilisé dans ses efforts de maintenir un sentiment d’existence positif. En ce qui concerne la relation d’objet chez le détenu, l’activité d’expression et de création peut mettre en œuvre une forme de régulation différée de tensions pulsionnelles et constituer un outil opportun aux renouvellements du regard porté sur soi et autrui.

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