EN DIRECT DE L’AUDIENCE – Pour la dernière journée de cette première semaine d’audience, la cour va entendre certains membres de la protection à l’enfance, dont la référente des familes d’accueil des enfants Delay. Dans l’après-midi, les temps forts seront les auditions du juge Fabrice Burgaud et de son greffier. Le juge d’instruction de l’affaire, bousculé à la barre lors des deux précédents procès, n’a pas voulu faire le déplacement à Rennes. Il sera entendu par visioconférence depuis le palais de justice de Paris.
Par Charlotte Piret, 18:31
L’instruction, rien que l’instruction
Sans doute est-ce que l’immense force du président Philippe Dary, celle d’avoir été lui-même juge d’instruction. Car on avait déjà vu Fabrice Burgaud répondre de son instruction dans l’affaire d’Outreau.
Il était venu en catastrophe, dûment escorté, s’expliquer devant la cour d’assises de Saint-Omer. Myriam Badaoui venait alors d’innocenter tous les accusés à l’exception de son mari et du couple David Delplanque et Aurélie Grenon. Face à l’immense émotion qui s’était emparée du dossier, face à la stupeur devant ces personnes en détention depuis des mois et qui clamaient leur innocence, le jeune Fabrice Burgaud avait opposé froideur et raideur judiciaire. Bien loin des excuses qu’espéraient de sa part ceux qui allaient être acquittés, il s’était accroché à son dossier d’instruction, défendant son travail acte par acte.
Des années après, on a revu le juge, filmé des heures durant, sous le feu des questions de la commission parlementaire chargé d’analyser un tel fiasco judiciaire. Là encore, devant l’hypermédiatisation de l’événement et l’émotion collective, Fabrice Burgaud n’a pas quitté un instant son costume de juge pour éventuellement en endosser un plus humain.
Cette fois, le président Philippe Dary a choisi de jouer sur son terrain : celui de l’instruction. Et là, il y a matière à déstabiliser le magistrat.
Les dates, tout d’abord. Elles sont inexistantes dans les faits reprochés à Daniel Legrand. « Comment peut-on se défendre face à des accusations qui ne sont pas marquées dans le temps ? » interroge le président.
« C’est difficile de demander à des enfants de 3 ou 5 ans », se justifie Fabrice Burgaud, « et les adultes étaient très désociabilisés. Je ne pense pas que c’était une particularité de ce dossier mais c’est sûr que c’est plus facile dans les dossiers financiers. »
Les albums photos présentés aux victimes, ensuite. Ils ne comprennent que des photos des personnes mises en cause.
« Vous avez raison, il aurait été souhaitable de panacher », concède l’ancien juge Burgaud.
– Alors pourquoi ne pas avoir demandé aux services de police de changer ces albums photos ? s’étonne le président.
– Je leur faisais confiance et vu le peu d’expérience qui était la mienne.
Et le président de poursuivre. Presque que comme un père réprimanderait son fils :
« Franchement monsieur Burgaud, trois fois l’adverbe « notamment » dans une ordonnance de mise en examen c’est quand même étonnant. De quoi est-on saisi ? Sur qui ? Les seuls noms cités sont les frères Delay et ce sont les seuls à qui on n’a jamais présenté la photo de Daniel Legrand. »
Par Charlotte Piret, 16:28
Quand on reparle du juge Burgaud
Il est clairement désigné comme LE responsable du fiasco judiciaire de l’affaire Outreau. Celui qui a bouclé une instruction en concluant à un réseau pédophile international, dont les membres présumés ont purgé des mois de détention provisoire. Avant qu’on voit deux procès acquitter treize des dix-sept accusés.
Lui, c’est bien sûr le juge Fabrice Burgaud. Tout jeune juge d’instruction à l’époque, fraîchement arrivé à Boulogne-sur-mer.
Aujourd’hui, pour ce troisième procès Outreau, la cour a d’abord entendu son greffier de l’époque. Fabrice Duval est alors, lui aussi, tout jeune dans la fonction. A peine une petite formation et le voilà propulsé dans le cabinet du juge d’instruction.
« Est-ce que vous vous êtes entendu avec le juge Burgaud pendant l’instruction ? », l’interroge le président.
Long soupir.
« Plus ou moins », lâche péniblement l’homme rondouillard, en pull gris et bleu, que l’on voit s’afficher sur l’écran géant destiné aux visioconférences. « Il était euh… enfin… euh… On n’était pas pareils quoi… »
Visiblement très mal à l’aise, Patrice Duval temporise. Mais les avocats de la défense lui rappellent ses propos devant la commission parlementaire chargée d’examiner ce fiasco judiciaire. A l’époque, le greffier qualifiait Fabrice Burgaud d’« assez distant, froid, ne faisant confiance à personne, enfermé dans son bureau », parlait d’une « attitude hautaine, méprisante, sans jamais un mot agréable encore moins d’encouragement ».
Sur l’écran géant, l’homme confirme d’un hochement de tête.
Me Julien Delarue, avocat de Daniel Legrand interroge alors :
« pendant cette affaire, il a été dit que vous étiez très atteint au point qu’on puisse vous retrouver en larmes près des photocopieurs ? »
Patrice Duval après un long silence : « Oui, c’est vrai »
« Est-ce que vous avez eu le sentiment de pouvoir un juge vous opposer au juge Burgaud ? »
Non, reconnaît le témoin.
Par Charlotte Piret, 14:19
« Une chronologie dramatique »
Rien ou presque. Quand les enquêteurs viennent perquisitionner au domicile de Myriam Badaoui et Thierry Delay, ils ne trouvent pas grand-chose de concluant. Des cassettes pornographiques, des objets sexuels. Mais rien qui ne permette de prouver des sévices sexuels sur leurs enfants. Aucune de ces vidéos tournées pendant les viols dont les fils Delay ont parlé.
Nous sommes alors le 20 février 2001. Cela fait plusieurs mois que les enfants Delay ont commencé à raconter à leurs familles d’accueil respectives ces viols et maltraitances dont ils sont victimes. Et cela fait même près de deux mois que leurs parents sont au courant de ces accusations.
Car bien que placés, les enfants Delay, continuaient à rendre visite à leurs parents. C’est d’ailleurs la perspective de quelques jours en famille à l’occasion des vacances de la Toussaint qui va provoquer les premières paroles de Dimitri. Alors, lorsque les services sociaux prennent connaissance de ces terribles déclarations, il faut bien suspendre le droit de visite et d’hébergement des parents Delay.
C’est ainsi que par une lettre du juge des enfants, obligatoirement motivée, les parents Delay apprennent qu’ils sont mis en cause pour viols. En deux mois ou presque, souligne Me Patrice Reviron à l’audience, ils auront tout le temps de faire disparaître les éventuelles preuves.
Le président ne peut que constater : « c’est vrai que c’est une chronologie dramatique ».
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