Carlton : « Le dossier est au proxénétisme ce qu’Outreau est à la pédophilie »

Logo-L'expressPar Caroline Politi, publié le , mis à jour à

Procès du Carlton : treize des quatorze prévenus de l’affaire de proxénétisme du Carlton de Lille ont été relaxés. Si s’attendait à un tel jugement pour l’ancien directeur du FMI, la relaxe de Dodo la Saumure ou du duo Paszkowski-Roquet est inattendue.

REUTERS/Pascal Rossignol

Si la relaxe de Dominique Strauss-Kahn faisait peu de doute dans l’affaire de proxénétisme dit du « Carlton de Lille », la décision du tribunal de ne condamner que René Kojfer était inattendue.

« Je suis le dindon de la farce » lâche René Kojfer, dans le hall du tribunal correctionnel de Lille. L’ancien directeur des relations publiques du Carlton ne peut retenir ses larmes : il est le seul à avoir été condamné dans la très médiatique affaire de proxénétisme aggravé, dont le jugement a été rendu ce vendredi. Il a écopé d’un an de prison avec sursis pour avoir « aidé la prostitution » de quatre jeunes femmes en jouant les intermédiaires.

Vêtu d’un costume gris, l’homme âgé de 74 ans a entendu le président Bernard Lemaire, aussi pédagogue que lors des débats en février dernier, relaxé un à un les treize autres prévenus [il a prononcé quatre condamnations dans le volet financier, NDLR]. Faits prescrits ou n’étant pas couverts par l’information judiciaire, infractions insuffisamment caractérisées, délit commis à l’étranger… En filigrane de ce jugement particulièrement étayé –147 pages ! – s’est dessiné un véritable réquisitoire contre le travail des juges dont il a souligné les multiples faiblesses et une instruction menée à charge.

« Je m’attendais à de la prison ferme »

La première grosse surprise est arrivée près de 45 minutes après le début de l’audience, lors de l’acquittement du tonitruant Dodo La Saumure. Le procureur avait requis deux ans de prison dont un avec sursis ainsi que 10 000 euros d’amende à son encontre, en raison notamment de son passé judiciaire. L’homme affiche treize condamnations au compteur, dont deux pour proxénétisme. Selon Bernard Lemaire, rien ne prouve que le proxénète, Dominique Alderweireld de son vrai nom, ait poussé ses « filles » à participer à ce que la pudeur nomme des « parties fines » à Paris ou Lille. Celui qui est est resté les bras croisés et la mine renfrognée pendant toute la lecture du jugement est le premier surpris en entendant le jugement, lâchant même un « merci » au président avant d’aller se rasseoir. Le principal intéressé confiera à l’issue de l’audience qu’il « s’attendait à de la prison ferme ». « Je suis soulagé et content, d’autant que le président a motivé sa décision. »

Les prévenus se succèdent à la barre et toujours le même refrain. « L’infraction n’est pas établie », suivi quelques instants plus tard de la « relaxe ». Christophe Paszkowski et David Roquet, pourtant qualifiés par le procureur de « recruteur » et « d’intermédiaire » sont à leur tour blanchis. Le président relève une nouvelle fois une erreur des juges d’instruction: les deux parties fines de Washington ne peuvent donc pas être retenues contre eux car le délit été commis à l’étranger. Il les condamnera malgré tout dans le volet financier à respectivement quatre et six mois de prison avec sursis pour « escroquerie » et « abus de biens sociaux ».

La relaxe de DSK, la non-surprise

La relaxe de DSK passerait presque inaperçue tant la salle est abasourdie. Il s’agirait presque de la seule non-surprise de cette décision de justice: le président a en effet suivi le procureur qui avait requis à son encontre la « relaxe pure et simple ». Il a estimé recevable la défense de l’ancien homme fort du Parti socialiste selon laquelle il ne savait pas que les jeunes femmes qui participaient à ces parties fines étaient des prostituées. « La connaissance de leur activité réelle ne peut résulter de leur tenue, de ses pratiques sexuelles ou de son poste au FMI », a expliqué le magistrat.

Et de préciser, comme pour lever tout soupçon: « Le prévenu, qui se revendique libertin n’a pas participé à leur recrutement ou leur rémunération (…) On ne peut pas considérer son rôle d’instigateur sur la base de 35 SMS échangés [avec Fabrice Paszkowski, NDLR] sur une période de 22 mois. On ne peut d’avantage lui reprocher une mise à disposition de ses locaux pour les besoins de la prostitution, dès lors qu’il était présent et qu’il y a participé. » En clair : DSK est un simple client et non « le pivot » d’un réseau de proxénétisme, le « roi de la fête », comme le décrivait les juges d’instruction. En entendant ses mots, l’ancien directeur du FMI, pourtant impassible pendant la lecture du jugement a esquissé un léger sourire avant de se retourner s’asseoir.

« Outreau bis »

Rarement une décision de justice a été un tel camouflet pour l’instruction. Déjà vivement dénoncée lors des réquisitions, le jugement prononcé semble en être l’exact contre-pied. « Nous savions que le débat contradictoire et public montrerait le vide du dossier. Ce jugement a mis à néant l’ordonnance », s’est félicité Henri Leclerc, l’un des avocats de DSK, quelques minutes après le jugement.

De là à faire le parallèle avec d’autres fiascos judiciaires, la tentation est grande. Me Delarue, le conseil de René Kojfer, y cède allègrement. « Ce dossier est au proxénétisme ce qu’Outreau est à la pédophilie », déclare-t-il. Et de préciser : « Cette affaire n’a jamais existé : c’est un ovni judiciaire qui a sombré ». Une comparaison que refuse de faire l’avocat du commissaire Lagarde, Me Bluche, qui préfère parler de « dérives » face à la médiatisation à outrance. Reste désormais à savoir si le parquet ou René Kojfer feront appel de cette décision. Son conseil a indiqué qu’il n’avait pas encore pris sa décision.

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Outreau 3 (Jour 13) Réactions de Jonathan Delay suite au verdict d’acquittement de Daniel Legrand

Logo-Pedopolis5 juin 2015
Retanscription :
PP : Jonathan, bonjour
Jonathan : Bonjour
PP : Nous sortons des 3 semaines de procès de Daniel Legrand, il vient d’être acquitté. Déjà, comment vous sentez-vous ?
Jonathan : J’ai pris une claque, après qu’on nous ait annoncé le verdict. Un verdict que je n’ai pas compris mais que j’accepte, parce que je n’ai pas d’autre choix que de l’accepter. Ce que je trouve regrettable c’est qu’on ne nous ait pas lu les conclusions des jurés, le pourquoi ils ont décidé de l’acquitter. Je me suis renseigné auprès de mon avocat, et la conclusion apparemment fait 3 pages où il n’y a quasiment rien. Donc ils l’ont acquitté sur le doute, parce qu’il y avait des éléments mais pas assez pour pouvoir le condamner.
Dondevamos : Tu te sens un petit peu seul ? Tu t’es senti un petit peu soutenu dans tout ce combat ?
Jonathan : Oui j’avais énormément de monde qui était là pour me soutenir. J’ai reçu énormément de messages. Je pense avoir répondu à plus de 10.000 messages de soutien. A force j’ai fait des messages groupés parce que bon, je ne peux pas répondre personnellement à tous les messages un par un c’est pas possible. Mais oui il y avait beaucoup beaucoup beaucoup de personnes qui étaient là. Et même les personnes qui n’étaient pas présentes relayaient les informations et m’envoyaient des messages de soutien et pour moi c’est très important. Ils m’ont accompagné dans cette épreuve qui a duré 3 semaines, et voilà j’en suis très content.
PP : Est-ce que vous pensez que le procès s’est déroulé dans de bonnes conditions ?
Jonathan : De mon point de vue personnel oui dans de très bonnes conditions, parce que ça m’a permis d’être entendu, et comme je l’avais expliqué déjà dans d’autres interviews, ça m’a permis de déposer un poids, un poids que je traîne depuis maintenant presque10 ans, voir 15 ans, et j’ai déposé ce poids à la barre, et je suis reparti sans, je suis reparti libre, et ça c’était très très important.

Et en deuxième point, ce qui est malheureux c’est que je suis venu chercher mon statut de victime. Un statut qu’on ne m’a jamais donné, qui a été reconnu judiciairement mais par le déroulement des 2 anciens procès, un à Saint-Omer et un à Paris, qui ne m’a jamais été donné ; et ce que je trouve malheureux c’est que j’ai du moi-même venir le chercher, parce qu’il n’y a personne qui me l’aurai donné, c’est ça qui est malheureux. Donc je suis venu le récupérer moi.
Dondevamos/PP : Est-ce qu’il a des choses qui t’ont semblé anormales pendant le procès ?
Jonathan : En premier point, sur la plaidoirie de l’avocat général, je regrette vraiment et je trouve ça honteux de sa part, sa plaidoirie je la trouve honteuse, notamment parce que depuis le début du procès, il n’a posé aucune question à charge contre Daniel Legrand, et aucune question qui est en faveur de la partie civile. Donc de mon point de vue personnel je savais déjà qu’il était là pour l’acquittement, et d’ailleurs je ne suis pas la seule personne qui l’a remarqué. Il nous a manqué de respect, à moi-même personnellement, à mes frères, en caricaturant la parole de mes frères, en osant prétendre et en s’excusant publiquement devant Daniel Legrand, en lui disant qu’il ne comprend pas comment Chérif a pu dire que lui-même a été victime de son propre père ; son père est décédé mais à la rigueur ça c’est pas le problème, mais moi je trouve ça honteux. Et il a manqué de respect à toutes les personnes qui m’ont soutenu, à toutes les personnes qui travaillent dans des associations pour la protection de l’enfance, à toutes les victimes qui ont pu regarder le procès et qui ont pu suivre ça de prêt mais qui jusqu’à maintenant n’ont jamais trouvé la force de pouvoir parler, et ça je trouve ça vraiment honteux de sa part. Vraiment.
PP : On a vu un « expert » québécois qui a remis sur le tapis la théorie des faux souvenirs. Qu’est ce que tu penses de tous ses arguments, de faux souvenirs, de souvenirs reconstruits, d’erreurs en fait ?
Jonathan : Je trouve sa théorie complètement minable, minable parce qu’en règle générale il n’était pas là. Nous ce qu’on a pu raconter c’est impossible de l’inventer, et ce qui est intéressant c’est que le tribunal nous avait accordé de diffuser mes auditions quand j’étais plus jeune. Je pense que ça a pu contrecarrer les propos de cet expert ; et je ne comprends pas comment il peut faire part de sa théorie, d’ailleurs une théorie qui n’a jamais été trouvée. Il a soi disant fait une thèse on ne sait pas où elle est ; et on ne connaît pas ses sources, On ne sait pas sur quoi il s’appuie, on ne connaît rien de lui …
Dondevamos : D’après toi c’est une théorie qui sert à discréditer les victimes seulement ? Toi en tant que victime tu trouves que c’est vraiment aberrant ou qu’il y a peut-être un fond de vérité dans ce qu’a raconté cet expert ?
Jonathan : Non c’est minable ce qu’il raconte. Et moi d’ailleurs ça m’a mis un peu sur le cul, parce qu’on ne peux pas se permettre d’émettre de tels propos alors que personnellement il ne nous connait pas, personnellement il ne nous a jamais expertisé, personnellement il ne connaît pas notre histoire, et c’est un manque de respect aussi par rapport à tous les experts qui nous ont vus, tous les médecins qui nous ont vus, ça remet limite en question notre statut de victime, et ça c’est aberrant. C’est aberrant, de sa part c’est aberrant.
PP : Un argument qui revient très souvent dans la bouche de la défense c’est que tu es manipulé par ton entourage. Qu’est-ce que tu as à répondre à ça ?
Jonathan : c’est un peu gros. En précisant que la plupart des gens qui me soutiennent, bien sûr n’étaient pas là au moment des faits. Ils ont suivi l’histoire comme tout le monde et je ne me sens pas manipulé pour ma part, je ne me sens pas manipulé. Et qu’on puisse prétendre que … Je ne vois pas. Je ne vois pas comment on peux me manipuler, je suis quelqu’un qui est très méfiant de base, et je me laisse difficilement approcher, et moi-même je le sais parce que c’est ma façon de fonctionner mais… C’est basé sur aucun fondement, aucun.
PP : Est-ce que tu aurais quelques conseils à donner ou quelque chose de particulier pour les victimes qui hésitent à aller en justice, à se déclarer, à porter plainte ?
Jonathan : Je l’ai déjà fait dans de précédentes interviews ; laisser un message et un encouragement peut-être. Moi je l’ai fait il y a très longtemps, et je peux comprendre que c’est dur. Et si ils arrivent un jour à essayer de crever l’abcès qui pourra leur permettre de pouvoir balancer les choses, moi je l’ai fait et ça fait un bien fou. Après il y a tout ce système de déni ; c’est dramatique. Je pense qu’ils ne se rendent pas compte sur le moment mais ça viendra un jour, et je les incite vraiment à le faire parce qu’il faut extérioriser tout ça, c’est un soulagement, c’est une délivrance, mais bon pour le moment ils n’en sont pas à ce stade mais je les encourage vraiment à le faire, parce que ça fait un bien fou.
PP : Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre d’important que tu veux nous dire ? Quelque chose qu’on ne t’a pas demandé, ou que tu veux ajouter ?
Dondevamos : Quelque chose sur le procès ? Qu’est que tu as envie de dire, pour toi, pour tes frères, pour la justice, pour ce pays ?
Jonathan : Je suis très content d’avoir partagé ces 3 semaines de procès, notamment parce que c’était un devoir, c’est un combat, et je suis très content d’avoir pu déposer à la barre, je suis très content que Dimitri ai eu la force de le faire, je suis très content que Chérif ai pu le faire ; j’ai été ému par leurs dépositions, et je pense qu’il y a certaines personnes qui ne réalisent pas ce que ça fait de se retrouver à la barre 10 ans après. Nous on nous pose des questions, mais ils n’ont pas l’impact que ça a de creuser dans sa mémoire après tant d’années. Voilà, j’ai pu partager certains moments avec mes frères, j’ai pu discuter avec eux, j’ai pu retrouver Chérif après 2 ans et demi d’absence, j’ai pu retrouver Dimitri après 2 ans d’absence. Et aujourd’hui ça va… ce procès est terminé, je l’ai malheureusement perdu mais, je l’ai perdu aux yeux de la justice mais je l’ai gagné par mon courage, par celui de mes frères, et aujourd’hui ça va nous permettre de nous rassembler. On a passé notre temps à se déchirer, parce qu’on ne se connaissait pas. Ça fait peut-être 2 ou 3 ans qu’on essaye de se découvrir, qu’on essaye de se connaître, parce qu’on s’est toujours connu dans un contexte de violence, de maltraitance, de beaucoup de choses, et j’espère qu’on pourra continuer d’avancer loin de tout ça et essayer de tourner la page, continuer de se reconstruire parce que c’est vraiment important, et voilà, si je peux leur adresser un petit message : merci. Merci à eux, merci à toutes les personnes qui ont soutenu, merci à toutes ces associations, merci à tout ceux qui sont sur le terrain, merci à toutes les personnes qui se battent. C’est en continuant sur ce terrain qu’on avancera et un jour toutes ces personnes paieront, et voilà on a perdu aujourd’hui on gagnera demain, pour moi c’est le principal.
Dondevamos : Le combat n’est pas terminé quelque part…
Jonathan : Le combat n’est pas terminé, ça fait 10 ans que je me bats et c’est pas terminé, c’est très très loin d’être terminé…

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