Fabienne Giuliani : Les liaisons interdites. Histoire de l’inceste au XIXe siècle (Publications de la Sorbonne) / Revue Le débat N°180 Dossier Les enfants du mariage homosexuel (Gallimard)
Pour réécouter l’émission cliquez sur le logo de l’Essai et la revue du jour.
Pour les anthropologues, l’inceste fait l’objet d’un interdit universel. Durkheim y voyait la survivance d’une phobie du sang et Lévi-Strauss une forme d’impératif social liée aux structures de la parenté qui commandent de rechercher les alliances matrimoniales en dehors du clan pour assurer sa reproduction sociale. Pour l’historien, la réalité des interdits et des pratiques est plus nuancée. Fabienne Giuliani a réglé sa focale sur l’époque qui, en France, voit la question de l’inceste prendre une place centrale dans les débats juridiques et médicaux sur la sexualité, la famille, la morale et l’enfance. Au terme de ces débats, l’accent est mis sur la protection de l’enfance en danger. Mais au long de cette évolution sociétale, le balancier aura oscillé dans les grandes largeurs, notamment au cours de la séquence révolutionnaire qui dépénalise l’inceste, sa criminalisation étant considérée comme un vestige de l’archaïsme et de l’arbitraire du droit de l’Ancien Régime.
Il est vrai que celui-ci a étendu sa répression à une définition extrêmement large de l’inceste. La prohibition atteint les cousins issus de germains. Même une relation partagée avec une personne extérieure par deux membres d’une même famille était jugée incestueuse. La sévérité de la peine est à proportion du degré de parenté : l’inceste en ligne directe est puni de mort, la peine appliquée étant le bûcher, l’inceste entre frère et sœur encourait la même sentence, par décapitation. L’évolution libérale des conceptions du droit au siècle des Lumières sous l’effet de penseurs comme Beccaria ou Montesquieu va associer le thème de l’inceste à d’autres interdits considérés comme obscurantistes et entachés d’une vision religieuse, et sa prohibition est présentée comme le symbole d’une entrave à la liberté individuelle. C’est sans doute pourquoi les rédacteurs du premier Code pénal en 1791 n’ont pas inscrit l’inceste dans la liste des crimes.
Les législateurs ont le souci de laïciser la loi, en marquant la distinction entre la sphère privée et le domaine public. La sexualité, les mœurs, appartiennent à la vie privée, sous réserve qu’elles ne contreviennent pas à certains grands principes – le respect, la probité, la tempérance, les sentiments d’humanité – en produisant un effet de scandale qui rejaillirait dans l’espace public. Si la sexualité entre proches parents, adultes et consentants, est tolérée, leur mariage reste proscrit et le viol commis par des ascendants demeure passible de poursuites. « La prohibition de l’inceste au niveau civil se limite désormais à la famille nucléaire. »
Mais le débat public ne s’est pas arrêté à cet aspect juridique. Dans le grand renversement des valeurs issues de l’Ancien Régime la littérature a joué un rôle éminent. Parmi les écrivains libertins, ceux qui ont passé le cap de la postérité comme Sade ou Rétif de la Bretonne ont entre tant d’autres exploité ce thème transgressif et puissamment provocateur de l’inceste, versant sans réserves dans ce que l’historienne américaine Lynn Hunt a appelé la « pornographie politique ». Le mot pornographie est d’ailleurs né à l’époque sous la plume de Rétif de la Bretonne qui l’utilisait pour désigner les écrits sur la prostitution. On se souvient que Sade n’y est pas allé de main morte dans l’évocation des voluptés de l’inceste, et que, fidèle à son habitude il prend à témoin les trois quarts de l’humanité pour en faire l’apologie, conforme en cela au goût du jour qui aimait à convoquer peuples et civilisations pour accréditer la mise en cause des valeurs morales et souligner leur relativité. « Presque dans toute l’Asie, dans la plus grande partie de l’Afrique et de l’Amérique – affirme-t-il dans La nouvelle Justine – on épouse publiquement son père, son fils, sa sœur, sa mère… » Fabienne Giuliani nous gratifie entre autres références de la perle d’un auteur anonyme, les Étrennes aux fouteurs ou le calendrier des trois sexes, où frère et sœur, Myrtil et Zulmé, invités à assister aux ébats de leurs parents ne sont pas en reste :
Myrtil enfila le passage
Où se forme le genre humain
Zulmé partagea le voyage,
En dépit du véto romain.
On en porta plainte à Cythère.
Il y fut dit, sans trop jaser,
Que puisqu’amour foutait sa mère,
Frère et sœur pouvaient se baiser.
Jacques Munier
Fim : L’ombre du doute d’Aline Issermann
Date de sortie : 20 octobre 1993
Réalisé par : Aline Issermann
Sandrine Blancke
Alain Bashung
Mireille Perrier
Pays de production : France
Année de production : 1992
Distributeur : PAN EUROPEENNE
Alexandrine, douze ans, porte plainte contre son père pour inceste. Très rapidement, celle-ci revient sur ses propos. Inquiets, sa mère et une éducatrice cherchent à découvrir les raisons de cette accusation. Tout semble s’être tasser jusqu’au jour où Alexandrine fugue avec son petit frère. Une enquête prouve la culpabilité du père, lui même victime d’un inceste lorsqu’il était enfant.
L Ombre du doute la bande annoncemySkreen : Vidéo à la demande