Même si ce n’était arrivé qu’une fois, cette culpabilité existerait. Il n’est pas possible de dire qu’à huit ans, peut-être moins, j’étais fautive de m’être fait piégée la première fois, mais je me sens, à tort certes, fautive et coupable de ma « naïveté ».
Ce mécanisme de culpabilité s’est développé dès la première minute. Il s’était rapproché de moi, il me disait que j’étais belle, que je devenais grande, que je devenais une femme.
Les paroles prononcées par l’agresseur avant, pendant, après me semblent avoir une importance capitale dans l’enclenchement des réactions.
Je voulais être à la hauteur de son regard. Je n’ai pas perçu le danger. C’était comme un combat. J’avais pour armes celles qu’il m’avait données : la beauté, la jeunesse, la féminité, l’intelligence. Je les ai développées. Mon entourage me renvoyait une image très positive.
J’étais une jolie petite fille, bien élevée, douce, agréable, très vivante. Il n’y avait aucun problème avec moi. Il me voulait petite femme. Je suis devenue femme très tôt. Il caressait ces seins que je n’avais pas encore. J’avais huit ans lorsqu’ils ont commencé à pousser.
A la maison, au début, j’en étais fière. A l’école, ils étaient source de moqueries. Je pense que mon patrimoine génétique n’en est pas la seule cause.
Quand le viol a eu lieu, j’ai eu l’impression de perdre la bataille. J’étais David, il était Goliath. Je me sens coupable de n’avoir pas eu l’intelligence de trouver la petite pierre qui m’aurait fait gagner. Il était fier les premiers temps, il le devint de moins en moins. Il avait certainement choisi le moment, je l’avais pressenti. J’ai été pétrifiée lorsque j’ai compris ce qu’il voulait faire.
Je n’y pouvais plus rien, il était déjà trop tard. La révolte est venue pour les fois suivantes. Je suis coupable – le suis-je ? – de m’être immobilisée. Il existe de très beaux écrits sur la mante religieuse qui est capable de neutraliser, par une simple attitude, des proies plus grosses qu’elle. Maintenant encore j’ai cette impression de paralysie envers mon père et, hélas ! devant toute situation de violence latente.
Il lui est arrivé de venir me chercher. Il était nu, il me prenait par la main et nous allions dans leur lit. Le lit était grand, j’étais toute petite. Lui m’écrasait, je ne pouvais pas respirer. J’avais très peur que maman arrive. Il parlait, m’appelait « mon ……… »[1], me disait qu’il m’aimait, que j’étais douce et gentille. Son sperme inondait mon ventre, il prenait son mouchoir, il veillait à ne laisser aucune trace. Il me demandait de n’en parler à personne, il pleurait parfois en disant qu’il ne recommencerait plus. Il me demandait si je n’avais pas eu trop mal, le « trop » prouve bien qu’il était conscient du mal qu’il me faisait, ne serait-ce que physique. Il me demandait de me détendre. J’étais en larmes. Je courais à la salle de bains et regagnais ma chambre. J’étais soulagée, c’était fini. Je pouvais dormir. Il était gentil et doux. Ses larmes m’interdisaient toute révolte. Tout son discours était dissuasif.
_________________________
Autres billets sur Viols par inceste de Auteure obligatoirement anonyme
1/ Requête en changement de nom
2/ Définition des viols par inceste
3/ La mémoire des viols
4/ L’Emprise dans le viol par inceste
5/ « En France la mémoire passe plutôt pour une faiblesse, une maladie du cerveau » Georges Mateï
6/ « Pourquoi pleure-t-elle tout le temps ? »
7/ Les conséquences des viols par inceste dans l’échec scolaire
8 /La mémoire et l’intelligence après plus de 10 ans de viols par inceste
9/ La dissociation lors des viols par inceste
10/ La culpabilité qui s’amplifie de viols en viols devient partie intégrante de la personnalité d’un-e incesté-e
12/ L’autoculpabilité entraine des situations d‘évitement
13/ Revictimisation
14/ Le procès
15/ Dans le viols par inceste, l’emprise par le regard
16/ Les deux vies d’une dissociée
17/ L’importance du tuteur de résilience
18/ Viol/mort ; amour/vie – attirance/répulsion
19/ Hypervigilance
Et l’histoire continue
Emploi : revictimisation durant des années après des viols par inceste