« La mémoire peut rester très vive même quarante ans après », témoigne Olivier Demacon, violé durant sa scolarité dans un internat il y a plus de 40 ans, à la veille de l’examen d’une proposition de loi modifiant le délai de prescription des agressions sexuelles.
« Le temps n’a aucun impact sur la véracité des faits », assure ce pilote d’avion de 52 ans, en évoquant les viols et les violences infligés par un surveillant de l’internat du collège Saint Nicolas d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) alors qu’il avait onze ans.
Visage bronzé, bouc poivre et sel, le quinquagénaire a décidé de prendre la parole à la veille de l’examen d’une proposition de loi défendue mercredi par les sénatrices UDI Chantal Jouanno et Muguette Dini qui vise à prendre en compte la date du dépôt de plainte d’une victime de viol pour engager d’éventuelles poursuites judiciaires.
« L’objectif de cette proposition est de permettre aux victimes de porter plainte quand la mémoire leur revient ou quand elles sont en capacité de le faire », a défendu lors d’une conférence de presse Muguette Dini, alors que la loi actuelle fixe la prescription des faits de viol sur un mineur à vingt ans après sa majorité, donc à 38 ans.
Un délai inadmissible pour certaines victimes qui, frappées d’amnésie post-traumatique, ont enfoui ces souvenirs « abominables » au plus profond de leur inconscient et se trouvent « hors-délais » pour toute enquête. A l’image d’une autre victime, qui souhaite conserver son anonymat et se présente seulement comme Cécile B., dont les viols subis à l’âge de cinq ans sont revenus en mémoire 32 ans plus tard, telle une « bombe atomique », à l’occasion d’une séance de psychothérapie sous hypnose.
– ‘On se réveille quand on peut’ –
« Nous demandons à être considérés comme n’importe quelle autre victime », insiste la quadragénaire, dont le pourvoi en cassation visant à repousser le délai de prescription a été rejeté en décembre. « Qu’au moins il y ait un début d’instruction », poursuit-elle lors de cette conférence de presse.
« Il faut comprendre qu’on se réveille quand on peut », insiste à son tour M. Demacon qui a exhumé ses souvenirs en 2011, après des années de « mal être », de colères excessives et irrationnelles, mais aussi de violences contre lui-même.
Une nuit d’insomnie, le quinquagénaire, père et grand-père, navigue sans vraiment savoir ce qu’il cherche sur le réseau social Copain d’avant lorsqu’il se découvre sur une photo de classe postée par un ancien camarade de classe. Viol: « Tout d’un coup tout est remonté. L’odeur de sa transpiration et son prénom, je me retrouvais enfant », détaille calmement Olivier Demacon à propos de son agresseur qu’il espère pouvoir retrouver.
« Avant ce jour je n’avais aucun souvenir ou juste des bribes de souvenirs nébuleux qui sont apparus à de rares occasions quand je regardais mes enfants ou lors de mon divorce », poursuit-il. Décidé à « prendre à bras le corps ce traumatisme », le quinquagénaire prévoit de porter plainte, « même si ça ne sert à rien » pour aller jusqu’au bout du processus.
« Je suis persuadé que cette proposition va libérer la parole. C’est important de la justice reconnaisse qu’il ne s’est pas rien passé », conclut-il.
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