RFI – État des lieux de la situation des droits de l’enfant dans le monde

Géopolitique, le débat

Samedi 21 novembre 2009

1/2. État des lieux de la situation des droits de l’enfant dans le monde


Par Marie-France Chatin
La con
vent ion des droits de l’enfant a vingt ans. Alors qu’aucune mesure n’oblige les États à respecter leurs engagements, la question de son efficacité se pose toujours.

Lionel Quille
Responsable de la commission enfants d’Amnesty International France

« Les enfants, dont les droits sont le plus bafoués, représentent 50 % de la population mondiale. Et songez qu’on estime aujourd’hui qu’il y a entre 250 000 et 300 000 enfants soldats à travers le monde ! »

Olivier Maurel

Observvatoire de la violence éducative ordinaire
La Fessée : questions sur la violence éducative, La Plage, 2004, préface par Alice Miller
Oui la nature humaine est bonne !
, Robert Laffont, 2009
Oe
dipe et Laïos : Dialogue sur l’origine de la violence, Editions L’Harmattan 2003

Bénédicte Jeannerod
Directrice de l’information et de la communication de l’UNICEF.

Expérience de levée de fonds en sollicitant le grand public ; capacité de maintenir son intérêt et sa participation sur le long terme (au-delà des collectes de fonds fondée sur l’émotion d’une catastrophe).

Docteur Muriel Salmona

Psychiatre-psychothérapeute.
Médecin-coordinateur de Victimologie
Présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie

Marie-France Chatin
Comment expliquer ce phénomène d’anesthésie.

Docteur Muriel Salmona

Alors en fait, ce phénomène d’anesthésie s’applique par des mécanismes neurobiologiques qui font que quand on met quelqu’un dans une situation de stress extrême – donc la violence génère une situation de stress extrême – entraîne une effraction, une sidération psychologique. Il y a un mécanisme en fait de production d’hormones de stress : l’adrénaline/cortisol qui entraîne un survoltage et qui entraine un risque vital. Du coup pour échapper à ce risque vital – le cerveau est bien fait – il disjoncte. Le fait de disjoncter entraine un anesthésie émotionnelle.

Donc quand quelqu’un subit une violence, il se retrouve anesthésie émotionnellement. Cette anesthésie s’accompagne d’une dissociation, d’un état de conscience altéré et particulièrement aussi d’une mémoire traumatique qui se développe, qui va être une mémoire émotionnelle qui reste en l’état. Elle va en fait ensuite revenir continuellement hanter la personne pendant des années en lui faisant reproduire la même détresse. Quand on a subi des violences, comme on est pas pris en charge, on est pas soigné, on est abandonné, le seul moyen s’est de s’auto-traiter, et s’auto-traiter c’est être dans des conduites d’évitement pour ne pas que cette mémoire traumatique explose ou alors être dans des conduites où l’on va essayer d’anesthésier cette mémoire traumatique.

On exerce soit des conduites à risque contre soi, les adolescents le font beaucoup avec les conduites à risque première cause de mortalité, ou des suicides automutilation soit en exerçant des violences contre autrui. Si on a plus faibles que soit, si on a des gens à sa disposition et qu’on a une éthique un peu catastrophique et qu’on a une société qui tolère ou nous permet d’attaquer certaines personnes, à ce moment-là, la violence est une drogue très efficace pour s’anesthésier en instrumentalisant les enfants et en les utilisant comme fusible. Et elle se reproduit ensuite de génération en génération, elle peut se reproduire. Toutes les personnes qui ont vécu des violences ne vont pas devenir violentes vis-à-vis d’autrui, mais il suffit que 10 à 20% de ces personnes là le deviennent parce qu’elles sont dans une position dominante et puis ça suffit parce que là elles vont l’être vis-à-vis de pas mal de personnes particulièrement de celles qui sont en situation de pas pouvoir se défendre : les enfants ou les femmes.

Bénédicte Jeannerod

Ce que dit Muriel Salmona renvoie aussi à la situation au niveau international des enfants soldats. Donc ils sont mobilisés dans différents groupes armés, et qu’on voit à quel point ils sont malléables par les personnes qui les mobilisent et qui peuvent devenir des machines à tuer extrêmement efficaces. Mais combien aussi quand les programmes de démobilisation ont les moyens de réinsérer ces enfants dans la société en recréant autour d’eux un environnement protecteur qui les reconsidère comme des enfants, à quel point l’enfant qui était hier machine à tuer peut redevenir un enfant qui peut se reconstituer.
Sur l’image de l’enfant dans nos pays riches comme dans les pays pauvres. On oscille un peu entre l’enfant quantité négligeable, c’est-à-dire qu’il y a énormément d’enfants qui meurent aujourd’hui de causes évitables et que nos États ne veulent pas voir et l’enfant graine de délinquant. Je pense qu’entre les deux – et ce que propose la convention internationale des droits de l’enfant – il y a probablement un individu à construire au-delà de ces images extrêmement négatives.

Marie-France Chatin
Dr Salmona, après ça je me tourne vers vous Oliver Maurel

Docteur Muriel Salmona
Je voulais rebondir sur la nécessité de soins. Les enfants qui subissent des violences extrêmes comme les enfants soldats et qui deviennent comme vous le dîtes des machines à tuer dans un état de dissociation total et d’anesthésie émotionnelle affective qui les rendent possiblement très dangereux, et puis c’est pareil pour tout ce qui est pédo-criminalité, pédo-pornographie. Des enfants qui sont vraiment transformés comme des automates en fait qui subissent et qui sont en anesthésie physique totale et qui sont donc vraiment en danger physique somatique. Tous ces enfants là, il faut absolument les repérer, les identifier et les soigner parce que le soin ça marche. C’est pour ça que je me bats. On peut faire quelque chose, on peut désamorcer et déminer cette mémoire traumatique et permettre aux enfants de ne pas avoir besoin de continuer de s’auto-traiter soit en se mettant en danger soit en mettant en danger autrui. Cette nécessité du soin ; les médecins actuellement en France ne sont absolument pas formés aux conséquences de la violence complètement inconcevable et donc les enfants sont abandonnés, tous les enfants qui subissent de la violence sont abandonnés et suivant un peu comment ils vont réagir. S’ils réagissent en se mettant en danger, on va leur tomber dessus en disant qu’ils font n’importe quoi – c’est les adolescents. Ceux qui réagissent en conduite d’évitement on leur dit : mais c’est pas possible de rester dans son coin, faut bouger et ceux qui réagissent avec des conduites dissociantes violentes, on leur tombe aussi dessus.

Marie-France Chatin
Olivier Maurel, les chiffres sont astronomiques concernant les enfants qui sont victimes de violences ordinaires. J’aimerais comprendre pourquoi finalement la société ou les sociétés tolèrent-elles le châtiment notamment corporel sur l’enfant.

Olivier Maurel
Les chiffres sont catastrophiques puisque toutes les enquêtes pratiquement montrent que ce sont 80 à 90 % des enfants qui subissent des violences éducatives pas toujours très intenses. Il peut y avoir simplement gifles et fessées, mais dans beaucoup de pays c’est aussi les coups de bâton, les coups de ceinture ou d’autres punitions très cruelles.

Comme l’ont dit mesdames Salmona et Jeannerod, il y a une grande insensibilité aux souffrances des enfants. Il faut se rappeler une chose : dans le hôpitaux on considérait que les enfants ne souffraient pas, que leur système nerveux n’était pas développé et donc qu’on pouvait leur faire des interventions à vif sans anesthésie et que ça n’avait pas de conséquences. D’autre part, insensibilité mais aussi ignorance. La violence éducative par exemple ne rentre absolument pas dans les statistiques de la violence. S’il vous arrive dans la rue d’être giflé par des jeunes gens qui s’amusent au happy slapping, gifler un passant comme ça, vous allez porter plainte, ça entre dans les statistiques de la violence, mais les gifles qui sont données quotidiennement à des millions d’enfants ne rentrent pas dans les statistiques de la violence. On en tient pas compte et ça c’est grave.

D’autre part, je voudrais rejoindre le Dr Salmona qui disait que tous les enfants qui ont subi des violences ne deviennent pas violents, mais il y a une autre conséquence de la violence infligée aux enfants c’est que beaucoup d’enfants apprennent à se soumettre à la violence et le Dr Salmona a parlé de la malléabilité, mais c’est que ça on l’apprend très jeune aussi. Certains enfants vont réagir par la provocation à la violence : « Même pas mal ! », mais d’autres, beaucoup d’autres vont obéir. Ça va devenir des enfants très obéissants, mais obéissant à quoi ? Quelquefois on dit : « Mais les enfants, il faut leur apprendre la loi, il faut leur apprendre à se comporter comme on doit se comporter en société, mais quand on frappe un enfant, on ne lui apprend pas à obéir à la loi, pas à son intelligence, pas non plus à sa conscience, on lui apprend à obéir à la violence. Et ça c’est quelque chose qu’il risque de garder jusqu’à l’âge où il sera adulte et où il obéira à des dictateurs comme on l’a vu hélas en Europe, des dictateurs qui tiennent des discours aberrants.
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Edwige Antier et Gérard Lopez : faire cesser la fessée ? LCP Assemblée nationale

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19 novembre 2009
J’accueille Edwige Antier député l’UMP et de Paris Pédiatre et auteur d’une proposition de loi et Gérard Lopez donc qui est psychiatre.
Comment ne plus être une victime ? Aux éditions l’esprit du temps.
Faut-il mettre la fessée sur la sellette ?
Qu’est-ce que vous pensez Edwige Antier vous avez déposé une proposition de loi sur ce thème vous appuyant sur le fait que de nombreux pays et européens 18 au total sont déjà passés à autre chose, l’ont proscrit. Et puis parce que vous pensez également, vous êtes bien placé pour le savoir que ce n’est pas vraiment un bon guide éducatif que cette fessée. Ça inculque en particulier aux enfants, que les conflits peuvent se régler par la force donc évidemment c’est pas terrible.
Faut-il pour autant parce que c’est le reproche qu’on vous a fait, faut-il pour autant écrire une loi pour cela ? est-ce qu’on peut pas laisser finalement les parents décider d’eux-mêmes et puis il y a un autre argument qu’on vous a aussi réservé, c’est un argument politique, vous l’avez aussi entendu : est-ce que c’est le moment ?
Alors que les députés se plaignent de trop travailler de suivre un train d’enfer sur les réformes de rajouter une réforme sur la fessé ?
Est-ce qu’il y avait une telle urgence ? Je vous pose toutes ces questions en vaux deux, je vais vous laisser 12 minutes face à face et seuls pour en parler. Je vous donne la parole.
Gérard Lopez : Je peux dire une chose ?
Présentateur : Oui, allez-y !
Vous avez dit : mettre la fessée sur la sellette : la sellette est un engin de torture, vous voyez déjà qu’on démarre mal.
[rire]
Présentateur :
Est-ce que la fessée est une torture à ce point là ?
Edwige Antier :
je pense qu’il est important que l’on déjà publiquement à tous les parents, tous ceux qui ont reçu une fessée, qui nous écoutent et qui ont la nostalgie de la bonne fessée, vous êtes un confrère, que la fessée n’éduque pas et qu’au contraire plus on lève la main, parce que par fessée, on dit en fait, c’est une proposition de loi pour abolir les châtiments corporels,
Gérard Lopez :
Ah ! c’est pas la même chose…
Edwige Antier :
La fessée, mais aussi la tape, la tape, le martinet dont se servent encore selon un sondage récent 17 pour cent des pères, on se croirait au Moyen Âge, eh bien non abolition. Parce que ça n’éduque pas. Les gens disent un oui mais pour l’autorité. Alors, cher confrère dites aux personnes ce quelles coups font. Est-ce que ça donne de l’autorité ? moi je dis non.
Gérard Lopez :
Au contraire je crois que la fessée est une chose à réprouver totalement surtout comme méthode d’éducation. Mais je crois qu’on ne doit pas donner une fessée. J’excuse légèrement la personne énervée qui donnerait une gifle. je trouve que c’est pas bien du tout et que ça mérite des excuses et des explications et que ça doit être parfaitement exceptionnel, mais les parents ne sont pas des saints.
Edwige Antier :
Si je m’énerve et que je vous donne une gifle, franchement c’est pas une façon de débattre, il faut absolument apprendre dès l’enfance que l’on parle avec des mots parce que nous sommes humanisés et non pas avec des gestes qui font mal.
Gérard Lopez :
je suis entièrement d’accord avec vous, la fessée c’est une méthode d’éducation à abolir à proscrire définitivement. Il y a eu une grande campagne dans le 93, notre consœur, enfin ce n’est pas une consœur, Alice Miller en a parler depuis bien longtemps et elle a raison.
Edwige Antier :
En appelant son livre : C’est pour ton bien, genre la bonne excuse.
Gérard Lopez :
Ah non, c’est pire que ça c’est pour ton bien, ça veut dire, c’est un message qui embrouille, c’est un message pervers. Moi je n’ai jamais vu qu’une gifle ça faisait du bien, je n’ai jamais vu ça.
Edwige Antier :
les enfants qu’est-ce qu’ils font ? Ils disent même pas mal !
ils s’endurcissent. Les parents me disent souvent : non mais Docteur, parce que dans la vie civile je suis pédiatre depuis deux générations, non mais docteur, pas souvent. Bien sûr pas souvent, mais ça veut dire que vous dites souvent tu vas t’en prendre une. Donc on vit sur la menace et l’enfant ne s’est jamais pourquoi aujourd’hui sa tombe est hier ça n’est pas tombée.
Gérard Lopez :
L’éducation c’est la parole, nous sommes d’accord, mais de là à en faire une loi ! alors que moi qui travaille dans la maltraitance, je vois qu’il y a tellement de carences, je vois qu’il n’y a que 2 pour cent des médecins qui font des signalements pour enfant maltraité. Je vois que le conseil de l’ordre réprime systématiquement beaucoup de certificats parce qu’ils seraient mal faits bien que, en théorie, si les médecins savaient faire un signalement, il n’y aurait pas de poursuite.
Edwige Antier :
Mais pour un médecin, c’est jamais un geste agréable de signaler.
Gérard Lopez :
surtout le défenseur des enfants, ce qui est absolument incroyable, la nouvelle loi de 2007 a fait disparaître les enfants maltraités. Quand j’ai commencé ma carrière, on a à peu près le même âge, il y avait l’enfant martyrisé, ensuite, il y a l’enfant maltraité, maintenant, il n’y a plus que l’enfant en danger ou qui risque de l’être.
C’est une régression énorme.
Edwige Antier :
alors que dans notre pays il y a 150 000 enfants qui sont placés hors de la famille des problèmes de mauvais traitement. Donc faire une loi. Donc là je reviens, cher confrère à la loi. Parce que, à partir du moment ou comme en Suède depuis 30 ans : ce que je propose c’est un article dans le Code civil non pas dans le pénal. On ne va pas envoyer les papas et les mamans en prison mais non. Dans le code civil, au moment des mariages nous lisons non seulement pour les marier mais aussi pour toute la tribu qui est présente, des grands-parents aux petits-enfants nous lisons l’article qui dit que l’enfant sera entendu et associé aux décisions qui le concernent non son image et son degré de maturité.
Gérard Lopez : très bien !
Edwige Antier :
Je veux qu’on ajoute et les châtiments corporels sont abolis.
Il est important que ce soit si, que ce soit promulgué. En Suède, on l’a mis sur les paquets de lait, sur la table du petit déjeuner.
Gérard Lopez :
je suis d’accord avec vous, mais il y a plus urgent !
Edwige Antier :
La loi permet en l’inscrivant dans le Code civil d’avertir tout le monde.
Gérard Lopez :
Mais il y a plus urgent ! il y a beaucoup plus urgent !
Edwige Antier :
Mais jamais nos enfants ont été si violents. Vous êtes d’accord que la violence appelle la violence ?
Gérard Lopez :
Bien entendu ! mais la violence, c’est la société, c’est notre société qui est d’une violence extrême.
Edwige Antier :
En commençant par les parents, qui croient bien faire les pauvres ne sont énervés, ils sont fatigués, mais voilà, ça n’éduque pas.
Gérard Lopez :
Mais notre société est extrêmement violente est de plus en plus répressive, et c’est vrai que la violence on doit la combattre à la source, donc les méthodes éducatives. Et c’est vrai que les parents sont importants, les professeurs, qui devraient prendre conscience qu’on ne doit pas humilier les enfants. On doit pas leur dire des choses épouvantables.
Edwige Antier : Tu es nul !
Gérard Lopez : Exactement !
Edwige Antier :
Et eux-mêmes se disent vite nuls, donc quand vous prenez des claques, par exemple, ça vous fait pas apprendre votre règle de trois, mais vous en concevez que vous êtes un enfant à problèmes comme ils me disent.
Gérard Lopez :
et on voit que c’est la violence qui permet de résoudre les problèmes et les conflits, donc on la répand de génération en génération. Donc, je’ suis pour le débat, je crois qu’il a beaucoup plus urgent que la fessée, je crois que actuellement, il y a une régression des signalements, que l’on place beaucoup moins les enfants dans les foyers, que le familialisme est là, au premier plan.
Edwige Antier :
Mais oui, cher confrère, justement
Gérard Lopez :
Que Outreau a complètement…
Edwige Antier :
Ah oui, là on se rejoint : Outreau a fait qu’on écoute plus les enfants. Il faut une formation à l’écoute de l’enfant.
Gérard Lopez : Absolument !
Edwige Antier :
Maintenant, que j’arrive pédiatre et députée, c’est vrai que j’ai un gros chantier devant moi.
Gérard Lopez :
Attaquez-vous à ça. Pour la fessée, même si fessée du point de vu symbolique est très très importante.
Edwige Antier :
Dire à tout le monde on ne tape pas.
Gérard Lopez : Proposez une campagne !
Edwige Antier :
Mais déjà, je suis sûre que rien que ma proposition de loi par l’écoute qu’elle a eue à empêcher de fessées, j’en suis persuadée.Seulement il faut continuer, il faut l’inscrire dans la loi, parce que si vous faites une petite campagne et ça s’arrête, tout le monde oublie, c’est tellement facile de s’énerver sur les plus faibles. C’est-à-dire les enfants.
Gérard Lopez :
Bien sur, c’est un processus de domination. Notre société à tous les niveaux est une société de domination par la force. C’est quand même la loi du plus fort qui prédomine.
Edwige Antier : Les enfants du coup s’endurcissent.
Gérard Lopez : Et bien, ils adhèrent à ce système.
Edwige Antier :
Et voilà, d’ailleurs chacun dans son souvenir à une bonne fessée qui devient un peu la madeleine de Proust. Et alors, moi j’en ai reçu une, ça m’a pas fait tant de mal.
Gérard Lopez :
Qu’est-ce qui leur manque aux enfants une bonne guerre vous savez bien ?
Edwige Antier : Ah !
Gérard Lopez : On l’entend dire. C’est gravissime.
Edwige Antier :
Vous voyez comment un psychiatre, un pédiatre se rencontrent.
Sauf sur la loi hein !
Edwige Antier :
sauf sur la loi puisque vous vous dîtes qu’il y a des lois plus importantes à faire, mais moi je dis : le symbole de dire stop à la fessée, aux claques, à tous les châtiments corporels, déjà ça ramènerait beaucoup de calme.
Gérard Lopez :
Savez-vous qu’il y a 130 000 viols en France et il n’y en a que 7000 qui arrivent à la justice. Voyez, ça c’est un chantier énorme et ça…
Edwige Antier :
On nous dit la vie privée : et alors. Faut pas proscrire l’inceste si faut pas rentrer dans les foyers. Moi je dis, si c’est dans le code civil l’abolition des châtiments corporels, en Suède, on a pas traîné et pas en justice, simplement, lorsqu’on est violent, on est rappelé à la loi et ensuite on a un stage de parentalité positive. Et ça c’est important, l’adosser à un stage de parentalité positive. Apprendre à mettre des règles sans claques.
Gérard Lopez :
La loi proscrit la violence sur les enfants, ça s’appelle maltraitance.
Edwige Antier : Ah ! ah !
Gérard Lopez : Ça s’appelle coups et blessures etc.
>Edwige Antier :
Oui quand il y a dégâts physiques, cher ami !
Gérard Lopez : Pas du tout !
Edwige Antier :
Vous relisez bien le code, s’il y a une fracture, des dégâts corporels,
Gérard Lopez : Non ! non !
Edwige Antier :
Mais si c’est uniquement que vous donnez une claque ça n’est absolument pas interdit.
Gérard Lopez :
J’ai une bonne nouvelle pour vous Edwige ; le parquet de Bobigny a mis en place une cellule de psychiatres qui vont intervenir pendant la garde à vue, et il arrive assez souvent qu’on me pose la question de savoir s’il y a eu de la violence psychologique, car la violence psychologique peut s’accompagner d’un ITT. Donc ce ne sont pas que des violences physiques, ce sont aussi des violences psychologiques. Alors faîtes quelque chose pour qu’on reconnaisse mieux la violence psychologique.
Edwige Antier :
Ça sera très important, dans un deuxième stade parce que c’est un peu plus difficile. Il faut être psychiatre, c’est subtil, mais bien sur, il faut commencé par interdire ça, ensuite arriver à faire prendre conscience de ce qui est aussi les violences.
Gérard Lopez : Mais la loi interdit la violence.
Edwige Antier :
Avec dégâts, j’ai regardé, s’il y a des marques. Vous savez très bien que les médecins n’osent pas dire qu’un enfant est trop marqué, comme ils disent, parce qu’il risque d’être cassé complètement.
Gérard Lopez :
Il faut dire au conseil de l’ordre d’arrêter de faire des procédures disciplinaires aux médecins qui ne savent pas rédiger au conditionnel etc. Les médecins ne sont pas formés en médecine légale et c’est bien dommage.
Edwige Antier :
Et les médecins ont très peur d’attester de ce qu’ils constatent.
Gérard Lopez : Absolument !
Edwige Antier : Et une fois que la loi dit…
Gérard Lopez :
Ils sont terrorisés les médecins par le conseil de l’ordre.
Edwige Antier :
Terrorisés. Alors par le conseil de l’ordre ? Le conseil de l’ordre justement se repose sur l’idée qu’il ne faut pas entrer dans l’intimité des familles et c’est ce qu’on m’objecte. A non, mais alors si on ne peut pas donner ces bonnes fessées tranquillement.
Gérard Lopez : Ecoutez !
Edwige Antier :
Un enfant ça s’éduque et l’Etat a le droit d’édicter et d’abolir les châtiments corporels.
Gérard Lopez :
Le code de déontologie raconte des choses épouvantables : donc on a pas le droit de s’immiscer dans les affaires de famille, mais, le médecin en même temps est le défenseur des enfants, et il doit avec circonspection etc.
Edwige Antier :
Donc, il faut l’aider par la loi, vous voyez bien.
Gérard Lopez :
Non ! Il faudrait réformer. Vous savez qu’en Suède, puisque vous parlez de la Suède, le signalement d’un enfant violenté est obligatoire.
Edwige Antier : ici aussi, si vous ne dîtes pas qu’un enfant…
Gérard Lopez :
Pas du tout, il faut faire cesser la situation de danger parce qu’on s’expose à être remis en cause pour non assistance à personne en péril, mais pas pour un signalement car en France, le secret professionnel est absolu donc le médecin doit faire cesser…
Edwige Antier : C’est la nécessité
Gérard Lopez :
Et bien oui. Si vous êtes avocate, pardon excusez-moi, l’avocate des enfants, vous êtes députée, et bien écoutez faites en sorte qu’on réforme le code de déontologie. Car si les médecins comprennent que la fessée, que les violences aux enfants vont créer des tas de problèmes à l’âge adulte, des problèmes psychologiques, des problèmes de maladie, des problèmes de délinquances, des problèmes de prostitution, tous ces problèmes qui se fondent sur la maltraitance et si les médecins n’ont plus peur qu’on les forme et que le code de déontologie devient clair, je vous assure que vous aurez fait beaucoup plus qu’une loi sur la fessée.
Edwige Antier :
Ça va ensemble, ca se complète, et c’est vrai que je vais retrousser mes manches puisque j’ai la chance d’être députée, de pouvoir faire influencer les lois. Mais vous dîtes des choses vraiment très importantes et je suis contente, qu’un psychiatre, un expert rejoigne la pédiatre qui est à l’origine de la vie et vous, vous constatez les dégâts.
Gérard Lopez : Exactement.
Edwige Antier :
Je suis très heureuse d’entendre votre parole et moi je vais aller plus loin dans la loi, mais ça c’est parce que je suis députée.
Gérard Lopez :
Et bien, je vais vous contacter parce qu’on a beaucoup de choses à échanger je vous promets.
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