Mécanismes des violences : quelles origines ? par Muriel Salmona

7 novembre 2010
Les violences font partie du champ d’étude de la géopolitique comme de la géostratégie. Le conflit pour le territoire passe souvent par les violences faites aux personnes, particulièrement aux femmes. Les violences surviennent aussi dans des milieux censés être les plus protecteurs, comme la famille, le couple, le monde du travail. Quels sont les mécanismes à l’œuvre au moment des violences et dans les temps qui suivent ?
Médecin, l’auteur propose ici une réponse scientifique claire, illustrée par trois planches en couleur. Son propos apporte un éclairage précieux pour saisir les processus de production et reproduction de la violence.

SI LA VIOLENCE est un formidable instrument de domination et de soumission, si elle a de graves conséquences psychotraumatiques sur les victimes, elle est aussi un auto-traitement très efficace à court terme d’un état de mal-être. Nous allons voir que la violence a un pouvoir anesthésiant sur les émotions et la douleur, que ce soit sur la victime, sur l’agresseur, ou sur un témoin de violences. Ce pouvoir anesthésiant est au cœur des stratégies de survie des victimes et de la reproduction des violences. Il provient de mécanismes neurobiologiques de sauvegarde déclenchés par le cerveau lors des violences. Ces mécanismes commencent à être bien connus depuis quelques années grâce à de nombreuses recherches en neurobiologie et en neuro-imagerie. J’ai pu faire la synthèse de tous ces travaux et de mes recherches cliniques pour élaborer un modèle clinique et théorique permettant de mieux comprendre les effets et les causes psychotraumatiques de la violence, et ses mécanismes de reproduction de proche en proche, de génération en génération

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Les agresseurs
Si les victimes subissent ce mécanisme de sauvegarde anesthésiant qui leur permet de survivre au prix de l’installation d’une mémoire traumatique, les agresseurs, eux, recherchent ce mécanisme pour s’anesthésier, la victime n’étant qu’un fusible pour y parvenir.

Si les agresseurs cherchent à s’anesthésier, c’est qu’ils sont eux aussi aux prises avec une mémoire traumatique qui provient de leur passé. Mais, ils convoquent une victime qu’ils se choisissent pour gérer à leur place leurs troubles psychotraumatiques, cette dernière devenant une esclave emprisonnée dans un scénario qui ne la concerne initialement pas.

L’agresseur se drogue au stress grâce à la violence qui devient pour lui une véritable toxicomanie. L’anesthésie émotionnelle procurée par les violences lui est utile pour éteindre des angoisses profondes provenant de son histoire et est responsable chez lui d’un véritable un état d’anesthésie émotionnelle. En fait les auteurs de violence ont expérimenté un choc émotionnel traumatisant, sa disjonction de secours et son anesthésie émotionnelle dans leur enfance lors de maltraitances ou en étant témoins de violences extrêmes dans leur famille comme des violences conjugales.

Ce choc émotionnel traumatisant a pu aussi se produire à l’âge adulte lors de guerres, de conflits armés, de répressions, d’actes de terrorisme ou lors d’activités professionnelles exposées à des violences extrêmes (soldats, policiers, pompiers, humanitaires…). Et n’ayant pas été traités, ils ont développé une mémoire traumatique qu’ils vont autotraiter en s’identifiant aux agresseurs et en cherchant à s’anesthésier aux dépens de victimes qu’ils se choisissent, d’autant plus faciles à trouver que la société où ils vivent est inégalitaire.

Les femmes et les filles sont alors des victimes idéales pour jouer le rôle de fusibles et leur permettre de recycler leurs troubles psychotraumatiques. Ils peuvent les considérer comme leur appartenant et donc comme instrumentalisables à merci. Cela explique que les violences faites aux femmes et aux filles sont beaucoup plus fréquentes et graves dans des sociétés très inégalitaires et après des conflits armés, des guerres civiles, des génocides.

Pour autant la violence reste toujours un choix, une facilité dont l’agresseur est entièrement responsable. Bien d’autres conduites d’évitement (hypervigilance et contrôle, retrait social, soumission) et anesthésiantes (conduites à risque, alcool, drogue) existent, qu’il connaît pour les avoir presque toujours expérimentées. Mais il préfère exercer des violences qui lui permettent de faire l’économie de nombreuses stratégies d’évitement et de contrôle, et de conduites dissociantes. De plus comme ces violences font socialement l’objet d’un déni et d’une loi du silence, il peut d’autant plus préférer cette stratégie dissociante plutôt que d’essayer de composer avec une souffrance mentale qui risque de l’exclure et le marginaliser. La société dans son ensemble stigmatise plus les troubles psychiatriques et les conduites addictives des victimes que les violences qui leur sont faites. Et il est bien plus valorisant d’être en position de domination plutôt que de victime. Dans une société inégalitaire, les violences sont un privilège offert à tous ceux qui adhèrent à la loi du plus fort.

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°/ La mémoire traumatique
°°/ Dissociation, mémoire traumatique et violences sexuelles : des conséquences graves sur la santé à soigner
11 mars 2010 – Colloque « Viols et aggressions sexuelles : comprendre pour agir » Extrait intervention de Muriel Salmona
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Ce qui se passe dans notre cerveau quand on est confronté à une grande peur – par Vincent Corbo

23 septembre 2010 – Violences faites aux femmes : causes et conséquences des psychotraumatismes à Troyes

Le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) organise en partenariat avec la Mission départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, l’association auboise d’aide aux victimes d’infractions et de médiation pénale (AVIM) et Solidarité Femmes
un colloque sur les :
«Violences faites aux femmes : causes et conséquences des psychotraumatismes »,
animé par Madame la Docteure Muriel SALMONA
Psychiatre – psychotraumatologue, médecin-coordinatrice victimologue responsable de l’antenne 92 de l’Institut de Victimologie
le jeudi 23 septembre de 9h à 12h et de 14h à 17h
à l’Ecole Supérieure de Commerce de Troyes.
9h Accueil des participant-e-s
9h15 Ouverture de la journée Par Monsieur le préfet ou son-sa représentant-e et par Madame et par Madame la directrice du CIDFF.
9h30 Introduction Définition et typologie des violences conjugales (notamment des violences psychologiques)
10 h Première partie Les troubles psychotraumatiques liés à la violence et leurs mécanismes
Échanges avec les participant-e-s
12h – 14h : Pause (repas libre – non pris en charge)
14h Deuxième partie Les conséquences psychotraumatiques chez la victime et leurs enfants (grossesse, enfance, adolescence) et du côté de l’agresseur Échanges avec les participant-e-s
16h 16h45 Clôture
Troisième partie : Comment prévenir les violences et prendre en charge les victime ? par Madame la directrice du CIDFF
Pour plus d’information, cliquez sur le programme

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