Filmés en plan rapproché, Nicolas, Nadia, Sandrine et les autres racontent sans pathos les agressions sexuelles de leur oncle, frère, grand-père, alors qu’ils avaient 4, 6 ou 7 ans. Nul voyeurisme ici. En peu de mots, la violence des dégâts de l’inceste est décortiquée. La culpabilité : « On intègre l’idée que, s’il essaie de nous détruire, c’est qu’il a une raison. » L’emprise : « “Pourquoi je ne m’enfuis pas ?” me répétais-je. J’ étais pétrifiée. » La perversion : « Il avait instauré une forme de relation amoureuse. »
L’autodestruction : « Anorexie, boulimie, je voulais détruire ce corps pour qu’il ne le trouve plus séduisant. » Mais le plus déchirant à entendre est le silence familial qui a entouré ces drames. Un silence qui n’a, parfois, même pas l’excuse d’être ignorant : « J’appelais “maman, maman…” et elle n’est jamais venue », se souvient Nadia. Marie, l’une de ces mères, a accepté de témoigner à visage découvert. Ses deux filles, dès l’âge de 4 et 6 ans, ont été violées par leur grand-père pendant dix ans. Leur mère avait eu connaissance des premiers attouchements, mais, dit-elle, « je croyais avoir été ferme avec mon beau-père. Je ne pensais pas qu’il oserait recommencer ». Sauf qu’après l’avoir dénoncé une première fois les fillettes se sont laissé faire : puisque leurs parents savaient et n’avaient rien fait, il ne servait à rien d’en reparler.
« Elles m’en voudront toujours, admet Marie. Et j’assume la vérité : je n’ai pas su les protéger. » Des années d’accompagnement psychologique puis, parfois, l’aide de la justice, ont aidé ces enfants martyrs à l’emporter sur leur bourreau. « Il m’a torturé, il m’a humilié, mais il n’a pas violé ma vie », dit Nicolas. Ces témoins disent aller bien, s’être reconstruits. Ils semblent sereins. Et on pense alors à tous ceux qui n’ont pas parlé.
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