« Le viol est le seul crime où la victime se sent coupable » par Clémentine Autain et Tristane Banon

5 novembre 2011
Interview : Clémentine Autain et Tristane Banon expliquent leur combat contre les violences faites aux femmes.
Par ONDINE MILLOT
Elles ne se connaissent pas, ne se sont croisées qu’une fois, mais la discussion est partie au quart de tour.
Clémentine Autain, 38 ans, femme politique, directrice du mensuel
Regards, et Tristane Banon, 32 ans, qu’on ne présente plus, sont deux femmes aux parcours et personnalités différentes. Qui ont une révolte commune. Un ras-le-bol – avivé par le contexte de l’affaire Dominique Strauss-Kahn – des pseudos discours qui mélangent tout, liberté sexuelle et agressions sexuelles, jouissance et «troussage».
Toutes les deux appartiennent à cette génération où l’on a grandi dans l’illusion de l’égalité entre les sexes. Jugeant le féminisme ringard et la question réglée. Toutes les deux ont été agressées. Ces traumatismes sont d’abord restés des douleurs privées. Jusqu’à ce qu’elles réalisent que, autant que de l’agression, elles souffraient du silence. De l’impossibilité de parler sans apparaître comme « souillées ».
Des stéréotypes qui veulent faire croire à une correspondance rationnelle entre actes subis et séquelles. Des relents de domination masculine qui empêchent d’aborder la question des violences aux femmes, pourtant banales. Petit à petit, l’engagement est devenu leur façon de ne plus être des victimes. A l’occasion de la manifestation de samedi contre les violences aux femmes et de la sortie de leurs livres respectifs, Libération leur a proposé une rencontre.

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Des effets pervers d’Outreau par Maître Marc Geiger

Lundi 3 janvier 2011
Je défends depuis 22 ans des victimes de crimes et délits à caractère sexuel, et plus particulièrement des enfants.
En prêtant serment en 1988, j’ai vécu les dernières années de ce que j’ai qualifié d’obscurantisme en matière de parole de l’enfant.
Le principe était clair : On ne peut se fier à la parole d’un enfant, et cette parole ne saurait asseoir des poursuites en matière pénale.
Puis, petit à petit, la France a regardé autour d’elle, et s’est inspirée de pays très en avance comme le Canada par exemple pour donner à cette parole une consistance qu’elle méritait.
On s’est rendu compte que souvent ce n’était pas la parole de l’enfant qui posait problème, mais les conditions de recueil de celle ci.
Un véritable système d’évaluation s’est mis en place et a permis de bouger l’immobilisme confortable de l’institution judiciaire au regard de ces crimes si dérangeants.
Les poursuites se sont mises en mouvement et les condamnations sont tombées, libérant la parole de plus en plus d’enfants victimes murés jusqu’alors dans le silence.
Puis, un peu comme si l’institution judiciaire cherchait à expier son immobilisme passé, celle ci s’est emballé.
Il suffisait qu’un enfant parle pour que sa parole soit considérée comme sacrée et insusceptible d’être contredite. « Parlez, je condamnerais »
Nous avons tous en mémoire quelques revirement spectaculaires dans certaines de ces affaires qui ont défrayé la chronique.
Ce n’est certainement pas la faute des enfants. On s’est tout simplement mis à oublier à quel point la parole d’un enfant était fragile et qu’il fallait la recueillir avec un soin extrême.
L’apothéose, si j’ose user de ce terme est bien sur l’affaire d’Outreau.
Ce que l’on oublie de dire, c’est que tous les enfants d’Outreau ont été victimes.
Qu’ils en aient accusé d’autres, poussés par des enquêteurs par trop zélés n’est pas à mettre à leur débit.
Mais l’effet pervers de la médiatisation à outrance de ce fait divers, c’est que tous les enfants victimes paient aujourd’hui les errements de ces adultes qui ont si mal fait leur travail.
Le taux de classement sans suite par les parquets de ce type de procédure n’a jamais été aussi important.
Les délais d’enquêtes sont démesurés, et il n’est pas rare qu’une victime attende plus d’un an des nouvelles de son affaire.
Dans les crimes sexuels intra-familiaux, est il nécessaire d’expliquer à quel point ce comportement peut engendrer souffrance et drame complémentaire ?
Nous sommes aujourd’hui doté d’outils parfaitement fiable pour recueillir et évaluer la parole d’un enfant.
Il est indispensable que chacun d’entre nous, à son niveau, fassent en sorte que ses outils soient utilisés et que les crimes et délits à caractère sexuels sur les mineurs recouvrent une égalité de traitement avec les autres infractions, ni plus ni moins.
Que serait une justice incapable de protéger ses enfants ?
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