Procès Outreau : l’association Innocence en danger, seule contre presque tous

Logo-Le-monde-sociétéLE MONDE | 22.05.2015 à 14h37
• Mis à jour le 23.05.2015 à 10h36 |
Par Gaëlle Dupont
Depuis le début du procès de Daniel Legrand, l’un des acquittés de l’affaire d’Outreau, à Rennes, mardi 19 juin, le nom d’une petite association de protection de l’enfance est souvent cité. Et pour cause : Innocence en danger a largement contribué à sa tenue. C’est elle et le syndicat national des magistrats FO qui ont alerté le parquet de Douai, en juin 2013, de la prochaine prescription des faits reprochés à Daniel Legrand en tant que mineur – ils ont été disjoints de ceux qui lui étaient reprochés comme majeur et pour lesquels il a été acquitté. Elle a ainsi contribué à relancer la mécanique infernale de l’affaire, qui s’est soldée par quatre condamnations (le couple Badaoui-Delay et leurs voisins) et treize acquittements.
Ce sont des avocats habitués à travailler avec Innocence en danger qui assistent les enfants Delay, lesquels maintiennent leurs accusations contre Daniel Legrand, sans parvenir jusqu’à présent à les étayer. Pourquoi rejuger un homme acquitté, simplement parce qu’il est devenu majeur pendant la période des faits poursuivis, de 1997 à 2000 ? La présidente et fondatrice de l’association réfute toute volonté d’acharnement. « Les avocats de la défense nous érigent en coupables, affirme Homayra Sellier. Mais si des enfants disent : “J’ai été violé par X”, cette personne doit être jugée. » Elle affirme n’avoir « rien à gagner : ni argent, ni notoriété ». « Je suis bénévole comme 90 % des gens qui travaillent avec nous, y compris les avocats, poursuit-elle. Je subis des menaces. Je peux me tromper, mais ma démarche est honnête. »
L’association a également financé un film, Outreau l’autre vérité, sorti en 2013, qui adopte le point de vue, ignoré selon son auteur Serge Garde, des enfants victimes – et jugé « conspirationniste » par l’avocat d’une des acquittées, Eric Dupond-Moretti. L’association est une petite structure – une seule salariée – qui se donne pour objectif de « défendre les enfants et leurs paroles » et apporte un soutien juridique aux mineurs victimes de violences sexuelles. Créée en 1999 par Mme Sellier, à l’époque épouse d’un agent de change, aujourd’hui veuve, elle est présente dans une dizaine de pays et a accompagné une centaine d’enfants, selon sa fondatrice.

Des membres « jusqu’au-boutistes »

« Ce sont des gens très motivés, qui font un travail remarquable pour aider les enfants », affirme Gilles Lazimi, médecin et coordinateur de campagne à la Fondation pour l’enfance. L’association paraît cependant isolée dans le monde de la protection de l’enfance. Beaucoup, sans condamner son travail militant, prennent leurs distances, jugeant que ses membres « ont du mal à prendre du recul », sont « jusqu’au-boutistes », ou « un peu exaltés ».

En outre, contrairement à d’autres affaires d’enfants martyrisés (Marina Sabatier, Fiona Bourgeon…), les trois principales associations de protection de l’enfance maltraitée (La voix de l’enfant, l’Enfant bleu, et Enfance et partage) ne sont pas parties civiles à Rennes et ont préféré « tourner la page ».

« Je regarde avec consternation ce qui est en train de se passer, déclare Cristiane Ruel, porte-parole d’Enfance et partage. Pourquoi remuer tout ça alors qu’il y a si peu d’éléments concordants ? Je ne suis pas sûre que ce procès puisse aider les victimes à aller mieux. » La juriste de l’Enfant bleu renchérit : « On leur donne un espoir, mais peut-être un faux espoir, dit Fleur Almar. Ces enfants ont été maltraités tout au long de la procédure pénale. Nous ne voulions pas continuer dans cette voie. »

« Outreau a pollué toutes les autres affaires »

Certains craignent également que le procès ne réactive la suspicion à l’égard de la parole des mineurs, l’un des principaux legs de l’affaire d’Outreau. « Tous les enfants ont été reconnus comme victimes, pourtant on a fait comme si c’étaient de sales petits menteurs, constate Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). L’affaire s’est retournée contre les enfants et a laissé des traces. Alors qu’il est très rare qu’ils racontent n’importe quoi, s’ils sont correctement interrogés. »

Pour Martine Brousse, présidente de La voix de l’enfant, « Outreau a pollué toutes les autres affaires et nous redoutons que ce troisième volet génère à nouveau des doutes. Si la parole des victimes avait été recueillie dans de bonnes conditions, par des personnes formées, cela n’aurait sans doute pas donné les mêmes effets. »

L’association a depuis participé à la création d’une cinquantaine d’unités d’accueil médico-judiciaires pédiatriques, spécialement conçues pour que les jeunes victimes soient entendues par des équipes pluridisciplinaires. « Nous travaillons à la création d’outils qui aident à la manifestation de la vérité », explique Mme Brousse. Ces associations redoutent qu’avec « Outreau 3 », leur priorité, le repérage des enfants en danger, ne repasse au second plan. Elles rappellent que, selon l’Inserm, deux enfants meurent par jour de maltraitance, en général de leurs parents.

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Outreau – Procès de Rennes – Vendredi 22 mai 2015 – Tweets de la salle d’audience

L’audience va reprendre pour la dernière journée de la première semaine de procès.

L’audience a repris. La cour lit un rapport médico-légal concernant Dimitri Delay

Ce matin, on entend des membres du conseil général. Le président doit aussi lire les expertises de ceux qui ne viendront pas.

Les trois experts dont le président lit le rapport ne constatent pas de lésions importantes sur Dimitri.

Les experts concluent sur Dimitri Delay : « on ne peut exclure que l’enfant ait été sodomisé par le passé ».

Ils concluent sur Dimitri : « on ne peut exclure que l’enfant ait été sodomisé par le passé ». Les faits dénoncés remontent à un an.

Mêmes conclusions pour Cherif Delay. Traces compatibles aves les déclarations des enfants.

Conclusions similaires des trois experts sur Jonathan et Dylan. Tous 2 ont été hospitalisés plusieurs fois pour diarrhées aiguës.

Quant à Jonathan et Dylan Delay, ils ont été hospitalisés plusieurs fois pour des diarrhées aigües

L’hypotonie du sphincter anal constatée chez les 4 enfants et notamment chez Jonathan est compatible avec leurs déclarations

Pour suivre l’audience en référé sur l’expulsion du squat de à Rennes, follow

A la barre, maintenant, Me Joly, référente au Conseil Général des assistantes familiales qui ont accueilli les enfants Delay

La cour entend maintenant Sabine Joly, assistante sociale et référente des familles d’accueil des enfants Delay.

Sabine Joly (assistante sociale) rencontre Chérif en 1995, placé sur demande de sa mère après des faits de violence de T. Delay

Chérif a été placé en 1995 à la demande de sa mère, qui dénonçait des violences du père, et Dimitri, Jonathan et Dylan en 2000

Enfants très perturbés à chaque fois qu’ils rentrent de chez leurs parents. Entre février et septembre 2000, multiples notes du Conseil Général au juge des enfants

Sabine Joly (assistante sociale) : « à chaque incident, notre rôle de référent était d’en faire part au juge des enfants. »

Sabine Joly : « après les vacances de Toussaint 2000, vient le premier signalement. » L’école alerte sur le comportement de Dimitri

En nov 2000, premières révélations d’abus sexuels,à partir du comportement de Dimitri, qui se met un crayon dans le derrière à l’école

Sabine Joly (assistante sociale) : « Myriam Badaoui était extrêmement curieuse sur sa façon de procéder. »

Sabine Joly : M. Badaoui « pouvait nous dire que ses enfants étaient en danger puis remuer ciel et terre pour qu’ils rentrent. »

Attitude « curieuse » de Badaoui : « elle pouvait nous dire que ses enfants étaient en danger puis remuer ciel et terre pour qu’ils reviennent »

Sabine Joly : « j’étais très présente pour aider les assistantes familiales. Elles avaient besoin de beaucoup de soutien. »

Sabine Joly : « on se réunissait avec les familles d’accueil pour croiser nos regards. On était amenés à se voir régulièrement »

Me Joly : « on a eu le souci de transmettre tout ce que les enfants nous disaient, ce n’était pas à nous de faire le tri »

Sur Badaoui vis-à-vis de Dimitri : « manifestations excessives d’amour et quelques jours après elle ne voulait plus en entendre parler »

Me Joly sur Badoui : « Elle avait l’art de semer le trouble, je ne l’ai pas souvent sentie sincère. »

Me Joly : « pour moi les enfants étaient honnêtes dans ce qu’ils disaient, même s’ils étaient très jeunes » à l’époque

Selon me Joly, une enquête interne au Conseil général « n’a pas remis en cause la façon dont on a travaillé. »

Le président relit la déclaration de Jonathan où il accuse Daniel Legrand père du meurtre d’une fillette.

Sabine Joly : « Jonathan avait six ans, c’était un tout petit garçon. On avait l’impression qu’il revivait les choses. »

Sabine Joly : « même quand ça nous semblait abracadabrant, c’était pas notre rôle de dire « c’est vrai ou c’est pas vrai ». »

Sabine Joly : « c’était compliqué à l’école. Même si Chérif était très intelligent, il n’arrivait pas à apprendre à lire. »

Sabine Joly : « dans les familles d’accueil, même si elles tenaient bon, c’était très compliqué parce qu’ils étaient très perturbés »

Sabine Joly : « ce qui m’a le plus frappé chez Myriam Badaoui c’est cette capacité à changer d’attitude d’un instant à l’autre. »

Sabine Joly : « Par rapport à Chérif elle était dans ses sentiments excessifs d’amour puis après ne voulait plus en entendre parler »

Sabine Joly : « Myriam Badaoui avait l’art de semer le trouble par cette attitude ambivalente. Je ne l’ai pas sentie sincère. »

S. Joly : ils étaient honnêtes dans ce qu’ils disaient. Après qu’ils ne soient pas toujours précis ou exacts, ça peut se comprendre

Me Reviron (parties civiles) : « avez fait quelque chose pour les préparer au procès de St-Omer ? » 1/2

Sabine Joly : « les choses ont été organisées pour qu’ils puissent participer mais ils n’ont pas été préparés particulièrement. » 2/2

Me Reviron : « Et après le procès ? Comment est-ce qu’on leur a expliqué ce qui s’était passé ? » 1/2

Sabine Joly : « on a mis des mots, après, on n’a pas pu tout leur expliquer. Ils ont continué à être suivis par des psy. » 2/2

Après les procès, Chérif et Jonathan ont été en famille d’accueil puis en foyer en Belgique jusqu’à leur 18 ans. Pas de suivi après

– Me Forster : Avez-vous le sentiment que les enfants ont été protégés ?
– Sabine Joly : On a fait tout ce qui était en notre pouvoir.

Me Forster : « Avez vous eu la certitude que les enfants ont été suffisamment protégés ? On a fait tout ce qui était en notre pouvoir »

– Me Forster : ils ont été assez écoutés ?
– Sabine Joly : ils ont été assez écoutés et ils ont parlé quand ils ont pu le faire.

Sabine Joly : « Chérif était en souffrance extrême de ne pas avoir de place chez lui. C’était terrible d’être un enfant placé. »

Sabine Joly : « quand les familles d’accueil se rencontrent, ça permet que les enfants aient la sensation d’être encore une famille »

Les avocats de la défense interrogent l’assistante sociale sur la « contamination » des déclarations des enfants.

Les assistantes familiales des enfants Delay et les enfants Delay eux-mêmes avaient alors l’occasion de se voir.

L’assistante sociale refuse de répondre sur la cohérence des dires des enfants. Son rôle n’était que de transmettre, dit-elle.

Me Joly était avec Dimitri et Jonathan lorsqu’ils avaient été conduits en Belgique pour reconnaître un lieu supposé d’agressions

Me Joly : « Les enfants étaient très déterminés là encore à dire qu’ils avaient vécu quelque chose dans une maison près d’un parc de jeux »

Me Delarue » : « n’étiez-vous pas inquiète par l’inflation d’agresseurs éventuels ? »

– Me Joly : « ça ne nous appartient pas de nous interroger ».
– « Eh bien comme ça on est rassuré », ironise l’avocat de Legrand

Courte suspension d’audience. Le planning est serré avec la visioconférence de l’huissier à 13h45 et du juge Burgaud à 15h

La défense réclame une suspension d’audience. Le président est inquiet pour le planning : 2 témoins sont encore attendus ce matin

L’audience est suspendue quelques minutes.

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Daniel Legrand, violeur, victime ou totalement étranger à l’affaire ? >

L’audience reprend avec l’audition d’Henri Villeneuve, chef de service éducatif du conseil général.

L’audience reprend avec l’audition d’Henri Villeneuve, chef du service éducatif du conseil général du Pas-de-Calais

Malheureusement Henri Villeneuve a une voix très très basse. On entend à peine sa déposition.

Henri Villeneuve : « Chérif Delay était fréquemment cité dans nos réunions de service par rapport à son comportement. »

Henri Villeneuve : « il y avait une sorte de racisme de la part du beau-père à l’encontre de Cherif. »

Henri Villeneuve : « lorsqu’une fratrie est confiée, on essaie que les liens entre les enfants soient le + fréquent »

– Me Reviron (parties civiles) : est-ce que les enfants d’ étaient différents ?
– Henri Villeneuve : je n’ai jamais remarqué cela.

Me Forster : « si un enfant est susceptible de subir des traumatismes sexuels, il n’y a pas urgence à intervenir ? »

Henri Villeneuve : « dans tous les documents et réunions, jamais il n’a été soupçonné qu’il pouvait être victime de sévices sexuels »

En 1995, Myriam Badaoui réclame le placement de Chérif « jusqu’à ses 12 ans au moins pour qu’il soit plus grand et qu’il comprenne »

Myriam Badaoui veut placer Chérif, fils d’un 1er mariage « pour retrouver une vie normale et sans histoire »

La cour entend maintenant Eric Tamion, juge pour enfants.

Eric Tamion, juge des enfants est celui qui a prolongé le placement de Dimitri, Jonathan et Dylan après quelques mois.

Quelques semaines après la prolongation de leur placement, les enfants Delay vont commencer à parler.

Le juge des enfants reçoit alors des rapports sur ces sévices sexuels. Il demande la suspension des visites à leurs parents.

Après que les enfants ont commencé à parler, leurs parents demandent à les voir à Noël. Les droits de visite sont alors suspendus

Après leurs déclarations, le juge des enfants va entendre les fils Delay. Puis leurs parents (déjà incarcérés). Séparément.

Eric Tamion : « quand on entend des enfants, on essaie de déculpabiliser le poids qu’ils peuvent avoir d’avoir révéler ces faits »

Me Reviron revient sur la lettre aux Delay dans lequel le juge des enfants les prévient de la suspension de leur droit de visite.

Le juge des enfants est alors obligé d’expliquer cette décision de suspension du droit de visite.

C’est ainsi que les parents Delay apprennent que leurs enfants les accusent. Ils vont même appeler le commissariat de Boulogne.

Mais les parents Delay ne seront placés en garde à vue que plusieurs semaines après. Idem pour la perquisition à leur domicile.

Me Reviron (parties civiles) explique donc que les parents Delay ont eu le temps de faire disparaître des preuves (vidéos etc.)

Le président : « on a bien compris que la chronologie est dramatique. »

Le président à Daniel Legrand : « est-ce que vous avez une cousine, une nièce ou autre qui se prénomme Priscilla ? »

Daniel Legrand répond par la négative. Le président appelle alors sa mère pour lui poser la même question. Toujours non.

Myriam Badaoui aurait ainsi évoqué une « Priscilla » devant le juge des enfants.

L’audience est suspendue jusqu’à 13h45. On attendra alors le greffier du juge Burgaud, puis le juge lui-même.

Témoignage du taxi Martel qui a pris Legrand en taxi à Outreau en bonne compagnie

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