L’inceste dans le code pénal : une avancée, mais le parcours reste long pour les victimes

Logo-L'Obs-le-plusPublié le 17-05-2015 à 15h54 – Modifié à 21h20
Par Psychiatre

LE PLUS. L’inceste est de retour dans le code pénal. Le 12 mai, l’Assemblée nationale a adopté un amendement à la proposition de loi sur la protection de l’enfance pour réintroduire ce crime dans la loi. Que cela va-t-il changer ? Pas énormément de choses, mais c’est tout de même une avancée, explique la psychiatre Muriel Salmona.

Édité par Rozenn Le Carboulec  Auteur parrainé par Elsa Vigoureux

Le 12 mai 2015, l’inscription de l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal a été adoptée par l’Assemblée nationale. L’article 22 de la proposition de loi sur la protection de l’enfance crée une sur-qualification d’inceste qui ne modifie pas les peines en se superposant aux incriminations pénales déjà existantes d’agression sexuelle, de viol et d’atteinte sexuelle, ainsi qu’à la circonstance aggravante déjà prévue « par ascendants ou toute autre personne ayant autorité de droit ou de fait ».
L’inceste, un phénomène massif aux conséquences graves
L’inceste, que l’on peut définir communément comme des violences sexuelles commises sur un mineur par des membres de sa famille, est une violence particulière qui attaque l’identité de l’enfant et sa place au sein de sa famille, et brouille tous ses repères. L’inceste détruit la confiance de l’enfant envers ses figures d’attachement fondamentales, et le réduit à un objet sexuel au mépris de ses besoins fondamentaux et dans le déni de sa souffrance.
La force et l’autorité du lien qui unit et assujettit l’enfant à sa famille censée être le garant de sa sécurité, jointe à la dépendance de l’enfant, le rendent « prisonnier », il ne peut ni s’opposer, ni fuir, juste subir et survivre comme un automate. [1]
De plus, l’inceste envers les mineurs est un phénomène massif aux conséquences très graves sur la santé physique et mentale des enfants à court, moyen et long termes si une protection et des soins adaptés ne sont pas mis en place. [2] En France au moins deux millions de personnes (sondage Ipsos 2009 pour AIVI), auraient été ou seraient victimes d’inceste, plus de la moitié des violences sexuelles subies dans l’enfance l’ont été dans l’univers familial. [3]
Si on reprend les chiffres de l’OMS 2014, une femme sur cinq et un garçon sur 13 ont subi des violences sexuelles dans l’enfance ; ce serait donc une femme sur 10 et un homme sur 26 sur qui auraient subi un inceste en tant que mineur…
Or, comme le montre l’enquête « Impact des violences de l’enfance à l’âge adulte » (2015) de l’Association mémoire traumatique et victimologie soutenue par l’Unicef, l’inceste fait l’objet d’une loi du silence, d’une impunité et d’un déni tout aussi massifs : 88% des enfants qui en sont victimes n’ont jamais été ni protégés, ni reconnus.
Des moyens urgents étaient donc nécessaire pour lutter contre ces violences sexuelles intra-familiales qui sont un grave problème humain, de société et de de santé publique reconnu par l’OMS.
Des incestes réprimés qu’en tant qu’atteintes sexuelles
Pour tout cela, nous demandions en tant qu’associations, une loi spécifique pour que l’inceste sur les mineurs soit reconnu comme une infraction autonome, ne nécessitant pas de passer par la caractérisation du non-consentement de la victime [4], et que cette loi soit assortie d’un plan de lutte ambitieux contre ces violences et de mesures pour améliorer le dépistage, la protection et la prise en charge des victimes (cf notre pétition). [5]
Jusque-là notre code pénal ne nommait pas l’inceste, et ne le réprimait pas en tant qu’infraction spécifique (l’inceste avait été introduit brièvement dans le code pénal par la loi du 8 février 2010 en tant que sur-qualification des viols et des agressions sexuelles, mais la loi avait été abrogée par le Conseil constitutionnel le 16 septembre 2011, les liens familiaux qualifiés d’incestueux n’étant pas suffisamment précisés), seul le code civil en faisait état dans le cadre de la prohibition du mariage et du pacte civil de solidarité incestueux.
Ainsi, les violences sexuelles envers les mineurs commises par des membres de la famille, n’étaient réprimés qu’en tant que viols, agressions sexuelles ou atteintes sexuelles. Le contexte intra-familial de ces infractions ne pouvait être pris en compte que pour en aggraver les peines quand elles étaient commises par des ascendants ou des personnes ayant autorité de droit ou de fait, ce qui en faisait alors une circonstance aggravante. Mais pour de nombreuses violences intra-familiales cette circonstance aggravante n’était pas applicable (pour tous les membres de la famille n’ayant pas une autorité de droit ou de fait comme les frères et sœurs, oncles et tantes, neveux et nièces, cousins et cousines…).

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L’inceste inscrit dans le Code pénal : ce que ça changerait

logo-e1Publié à 21h33, le 05 mai 2015, Modifié à 06h51, le 06 mai 2015
Par Cécile Bouanchaud

L’Assemblée nationale devrait inscrire le crime d’inceste dans le Code pénal, en votant des amendements en ce sens le 12 mai prochain.

Ce changement est réclamé depuis de nombreuses années par les associations de victimes d’inceste. Un amendement à la loi sur la protection de l’enfance, prévoyant l’inscription de l’inceste dans le Code pénal devait être examiné mardi par les commissions des Lois et des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Le texte de loi dans son ensemble sera débattu le 12 mai à l’Assemblée nationale, a indiqué le député Bernard Roman (PS).

Quelle est la situation actuelle ? Actuellement, le Code pénal punit les viols et agressions sexuelles, ainsi que les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans. Mais l’inceste n’est pas défini en tant que tel. Néanmoins,  le fait de commettre un viol « par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait », aggrave les peines prononcées. Toute personne poursuivie pour ces motifs risquent ainsi jusqu’à 20 ans de prison et non plus quinze ans.

Pour autant, les associations de victimes d’inceste réclament depuis plusieurs années d’introduire la notion d’inceste dans le Code pénal. Si bien qu’en 2010, le législateur avait répondu par la positive à cette demande, avant que le Conseil constitutionnel ne censure en 2011 cette disposition législative. A l’époque, les Sages avaient jugé « imprécise » la notion de « famille » alors utilisée.

Quels sont les changements proposés ? Cette fois, l’amendement examiné précise quels sont les membres de la famille susceptibles de commettre des actes incestueux. Le texte dispose ainsi que « les viols et les autres agressions sexuelles (…) constituent des incestes lorsqu’ils sont commis sur un mineur par : son ascendant  ; son oncle ou sa tante  ; son frère ou sa sœur  ; sa nièce ou son neveu  ; son grand-oncle ou sa grand-tante  ; son cousin germain ou sa cousine germaine ». Cette précision vise aussi « le conjoint ou le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes ». Un ajout important alors que les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses.

Où en est le débat ? Avec ces précisions, la nation d’inceste a donc de fortes chances d’être intégrée dans le Code pénal. Pour l’heure, la commission des Lois de l’Assemblée, qui examinait la proposition de loi pour avis mardi matin, a adopté ces amendements à l’unanimité, a indiqué Bernard Roman, et la commission des Affaires sociales, compétente pour ce texte, devait faire de même dans l’après-midi.

Mais des ajustements devront encore être opérés avec le ministère de la Justice, en particulier sur la responsabilité des frères et sœurs, ainsi que sur celle des ex-conjoints et concubins, a précisé le député. Un amendement légèrement différent sera donc présenté le 12 mai dans l’hémicycle.

Qu’est-ce que ça changerait ? Une fois définitivement votée, cette mesure introduisant la notion d’inceste dans le Code pénal, ne devrait rien changer sur le terrain du droit pur, les peines resteront les mêmes. Mais les associations de victimes d’inceste estiment que mettre un mot sur un mal permettra de libérer la parole des victimes.

« Pour nous, le vote de cet amendement est justement le point de départ. Cela va nous permettre de mener enfin des enquêtes précises et de faire de la prévention », explique Isabelle Aubry, la présidente l’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI), interrogée par 20 Minutes. Selon les derniers chiffres, datant de 2009, deux millions de personnes sont victimes d’inceste en France.

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