Les rêves et la mémoire traumatique

26 janvier 2008
Formation pour praticiens
Quand des survivants de grands crimes historiques évoquent leurs rêves, nous n’avons pas de peine à comprendre que la mémoire traumatique y est à l’œuvre. Il s’agit de violences à la fois collectives et reconnues, même si cette reconnaissance est tardive, et même si elle se déploie après un premier temps d’indifférence ou – ce qui revient au même – de non-intervention.
Mais si des violences, de tous ordres, ont été commises en privé, et si elles ont été longtemps couvertes par une injonction de silence et si pour certaines elles le sont encore, la psyché profonde en fera mémoire dans des rêves, mais elle risque alors de ne pas être entendue et de ne pas être comprise.
Pourtant, c’est le même processus qui est au travail.
Sans doute un traumatisme est-il un retentissement dans la psyché et, par là-même, une lecture personnelle, une traduction qui renvoie aussitôt à de l’histoire antérieure.
Quand un rêve est la trace de ce retentissement, il contient bien cette lecture et cette traduction et cette histoire d’avant ; mais il contient aussi, et il contient d’abord la mémoire d’une violence objective.
Le rêve n’est pas alors seulement le gardien du sommeil : il est devenu le gardien du réel. Non seulement il parle de certaines attaques contre la personne – contre son corps et/ou contre sa pensée –, mais il analyse ces attaques, il les démonte.
L’inconscient comporte une part de lutte, qui se déroule au cœur du langage symbolique. Cette production symbolique comporte à la fois la mémoire des violences et un processus interne de soin.
Elle dit le réel en même temps qu’elle le transforme. Et c’est parce qu’elle le transforme qu’elle le dit.

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"Près de 20 % de nos soldats souffrent de troubles psychologiques"

25/11/2010

France24.com : De quels maux peuvent souffrir ces militaires ?

Colonel Marchand : Il faut distinguer la souffrance du quotidien de la blessure psychique qui, elle, est invisible. C’est comme une balle perdue, c’est aussi injuste. On ne peut pas se préparer à la confrontation à la mort. Bien sûr, il s’agit de leur métier, mais les soldats restent des êtres humains. Parfois, ils traversent les missions et ne développent aucun trouble, parfois ils développent une blessure après, quand ils sont revenus dans le civil…

On ne concevrait pas qu’une blessure physique ne soit pas soignée. Et on sait que plus vite on est soigné, mieux on s’en sort. Pour les blessures psychiques, c’est la même chose. Il faut faire en sorte que dans notre système où les gens ne parlent pas, ils puissent franchir le pas et aller se faire soigner. Sinon, on se retrouve dans des situations dramatiques : la semaine dernière, dans un hôpital militaire en France, j’ai rencontré un vieux monsieur qui venait consulter pour la première fois, sur des troubles liés à son engagement pendant la guerre d’Algérie. Il n’en avait jamais parlé auparavant !

France24.com : Concrètement, comment se manifestent ces blessures ?

Colonel Marchand : En règle générale, elles se manifestent trois à six mois après le retour, mais parfois aussi après de longues années… Ce sont des cauchemars, un repli sur soi, l’impression de toujours être sur le terrain, une hyper vigilance… Un jour, par exemple, j’étais à Chypre, avec un sous-officier : des feux d’artifices ont éclaté, il a fait un bond et s’est mis en boule sous une table. Ce peut être aussi des violences, qui commencent souvent par des agressions conjugales, de la dépression, des addictions massives, l’alcoolisme… Ces comportements peuvent conduire à la désocialisation, et dans le pire des cas au suicide.

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