La nausée… à propos de l’affaire DSK et des victimes de viols par la Docteure Muriel Salmona

4 juillet 2011

La nausée… En entendant à nouveau un concert de propos sexistes et indécents… et la mise en cause de Nafissatou Diallo en France et aux Etats-Unis.

L’espace de quelques semaines, on a pu, j’ai pu y croire… un petit peu… passé le choc de la vague de propos sexistes et la déferlante des pires stéréotypes sur le viol, les femmes et la sexualité (cf le communiqué de l’association : http://stopauxviolences.blogspot.com/2011/05/communique-de-lassociation-memoire.html), rassérénée par la levée de boucliers et la dénonciation des féministes en retour, j’ai pu croire qu’aux États-Unis les femmes se plaignant d’avoir subi un viol étaient plus protégées qu’en France et qu’elles avaient accès à une justice plus éclairée et à une présomption de véracité.

Mais las… En quelques jours tout s’écroule et j’assiste médusée à un scénario bien trop connu par toutes celles et ceux qui accompagnent les victimes de viol à longueur d’années : alors que Dominique Strauss Kahn, même s’il vient d’être libéré sur parole et s’il bénéficie de la présomption d’innocence, reste à ce jour toujours inculpé de crimes sexuels, la plaignante se retrouve elle, en position d’accusée, bien qu’elle maintienne son témoignage concernant le viol qu’elle dit avoir subi, son procès se met en place, et ce n’est pas la défense qui le fait (ce qui fait partie des droits de la défense si cela reste dans les limites de la décence et du respect de la dignité de la plaignante) mais le procureur, à charge et à charge… Avec les mêmes arguments entendus à longueur d’enquêtes de police et de procédures judiciaires mettant en cause la crédibilité de la plaignante, ses mensonges passés et présents même s’ils n’ont pas de rapport direct avec l’agression relatée, ses incohérences dans sa version des faits, ses comportements, sa « mauvaise vie », sa vénalité… et la plupart des médias et des commentateurs de relayer de façon indigne…

Ce scénario, avec le revirement soudain de la police et du procureur qui s’acharnent alors sur la plaignante, j’en ai maintes et maintes fois été témoin avec mes patientes victimes de viol que je suis en tant que psychiatre spécialisé en psychotraumatologie et en victimologie. Tout commence pas trop mal lors du dépôt de plainte et des premières auditions (avec malgré tout beaucoup de dysfonctionnements), le viol rapporté par la plaignante semble pris en compte par les enquêteurs, et soudain tout bascule sur un ou plusieurs détails, considérés comme des « mensonges » mettant en cause totalement sa crédibilité : la plaignante lors de la déposition a omis de dire qu’elle avait consommé du cannabis ou de la cocaïne ce qui apparait sur la prise de sang ; la plaignante a omis de révéler certains faits de son passé ; la plaignante n’avait pas fait part lors des auditions de certains échanges internet ou téléphonique avec celui qu’elle désigne comme son agresseur ; la plaignante a mal identifié le lieux du viol ou a décrit une chronologie des faits, un agencement des lieux, un trajet qui s’avèrent inexacts, incohérents ou pas assez précis ; la plaignante a oublié des pans entiers de son emploi du temps le jour de l’agression… Elle est alors maltraitée, accusée de mensonges et la procédure aboutit à un classement sans suite ou à un non-lieu…. Elle peut être accusée de dénonciation mensongère et être mise en garde à vue et malmenée comme cela vient d’arriver à une jeune patiente de 14 ans. Et si un procès à quand même lieu, le procureur général demande l’acquittement (comme cela s’est passé récemment lors d’un procès aux Assises obtenu en appel).

Alors que je soutiens une patiente adolescente, une personne du parquet me dit : « vous savez votre patiente n’est pas celle que vous croyez…ce n’est pas une oie blanche… » Un responsable de la police me dit : « vous savez mes hommes je ne les tiens plus à partir du moment où ils pensent qu’on leur a menti, qu’on s’est moqué d’eux et qu’ils ont mis de ce fait un innocent en garde à vue ! « … alors que je lui décrit la garde à vue scandaleuse et violente d’une jeune adolescente de 14 ans victime d’un viol et accusée de dénonciation mensongère d’un crime imaginaire après un non-lieu pour absence des faits (cf exemples détaillés plus loin).


Faut-il rappeler que les violences sexuelles n’ont rien à voir avec un désir sexuel ni avec des pulsions sexuelles, ce sont des armes très efficaces pour détruire et dégrader l’autre, le soumettre et le réduire à l’état d’objet et d’esclave. Il s’agit avant tout de dominer et d’exercer sa toute puissance.

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Autres billets de Muriel Salmona

°°/ Dissociation, mémoire traumatique et violences sexuelles : des conséquences graves sur la santé à soigner

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RFI – État des lieux de la situation des droits de l’enfant dans le monde

Mécanismes des violences : quelles origines ?

Ce qui se passe dans notre cerveau quand on est confronté à une grande peur – par Vincent Corbo

1/ Hommage à Sarah Haley an incest victim involved in the acceptance of PTSD

Pour retrouver l’article, cliquez sur la couverture du livre
Handbook of PTSD
Science and Practice
Edited by Matthew J. Friedman, Terence M. Keane, and Patricia A. Resick
592 pages Size: 7″ x 10″ November 2010 ISBN 978-1-60918-174-1 Cat. #8174 Price: $45.0

Chapter 2
The History of Trauma in Psychiatry
Bessel A. van der Kolk
Traumatic stress since the 1970s
page 29

In « Rape Trauma Syndrome » (1974), Ann Burgess and Linda Holstrom at Boston City Hospital described the syndrome, noting that the terrifying flashbacks and nightmares seen in these women resembled the traumatic neuroses of war. Around the same time, the Kempes (1978) started their work on battered children, and Leonore Walker (1979), Elaine Carmen [Hilberman] (1978), Murray Strauss (1977), and Richard Gelles (gelles & Strauss, 1979) published the first systematic research on trauma and family violence. Although in 1980 the leading American textbook of psychiatry still claimed that incest occured in less than I in 1 milion women, and that its impact was not particularly damaging (Kaplan, Freedman, & Saddock, 1980), people like Judith Herman (1981) began to document the widespread sexual abuse of children and the devastation that it caused.

Sarah Haley, one of the people most directly involved in the acceptance of PTSD as a diagnostic category in DSM-III, was both the daughter of a WW II veteran with severe « combat neurosis » and an incest victim herself. Haley (1974) wrote the first comprehensive paper on the problems in tolerating reports of atrocities in the therapeutic setting.
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Autres billets dédiés à Sarah Haley
2/ « A True Child of Trauma » – Sarah Haley: 1939-1989 by Chaim F. Shatan