Enfants: silence, on maltraite ! par Charles Gilbert

26/08/1999
Les médecins et travailleurs sociaux qui signalent des cas de maltraitance ou d’abus sexuels sont souvent victimes de représailles
Les professionnels de l’enfance maltraitée auraient-ils sombré dans la paranoïa ?
Des médecins, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des responsables d’association de plus en plus nombreux se prétendent aujourd’hui victimes de harcèlement, de menaces et de rumeurs visant à les discréditer. Les attaques viennent non seulement des agresseurs des enfants dont ils ont la charge, mais aussi des pouvoirs publics, des autorités médicales et de l’opinion.
« Deux ans après l’électrochoc de l’affaire Dutroux, on a l’impression d’un retour en arrière, affirme l’avocat Pierre Jalet, président de l’Association pour la formation de la protection de l’enfance [Afpe] : les langues ont à peine commencé à se délier sur les affaires d’inceste et de pédophilie que déjà on veut faire taire ceux qui parlent. »

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9/ Démagogie – Donner un sens à sa souffrance quand on a subi des viols par inceste selon Stefan Vanistendael & Jacques Lecomte

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Certains traumatismes font de la quête de sens un enjeu existentiel. C’est ce qui ressort de l’étude réalisée par trois psychologues de l’université de Waterloo, dans l’Ontario (Canada), auprès de femmes adultes qui avaient été victimes d’un père incestueux 12. Pour la plupart de ces femmes, ce drame avait commencé dès l’enfance et avait pris fin à l’adolescence.
Une grande majorité d’entre elles (près de 80%) estimaient que faire sens de l’inceste était toujours important pour elles, même lorsque l’événement était ancien. Elles se posaient des questions comme :
« Pourquoi est-ce arrivé ? »,

« Pourquoi mon père a-t-il agi ainsi ? »,
« Pourquoi ma mère n’a-t-elle pas réagi plus fortement ? »,
«Pourquoi n’ai-je pas refusé ? ».

Les personnes qui n’avaient pas réussi à trouver de réponses à leurs questions vivaient généralement une situation très douloureuse car ces pensées obsédantes perturbaient fortement leur vie quotidienne. L’une de ces femmes a notamment déclaré : « Je me demande toujours pourquoi, encore et encore, mais il n’y a pas de réponse. Je ne peux pas trouver de sens à cela, tout comme je ne pourrais en trouver à une tornade. Ces événements arrivent, ils dévastent tout, puis ils repartent. Est-ce qu’ils servent un projet utile ? 
Non. Il n’y a aucun sens à en tirer. Cela ne devrait pas m’être arrivé, ni à aucun enfant 13. »

Comparativement à ces personnes, les femmes qui arrivaient à faire sens de leur expérience étaient moins stressées, éprouvaient un degré plus élevé d’estime de soi et étaient mieux insérées dans la société. Le fait d’avoir pu se confier semble avoir joué un rôle essentiel dans ce processus. Ces femmes avaient souvent tiré un sens de leur expérience en tentant de rendre l’inceste, si ce n’est excusable, du moins compréhensible.
Pour cela, elles avaient analysé le caractère et les motivations de leur père, et prise en compte la situation au foyer à cette époque-là – par exemple la mort de leur mère ou la cessation des relations sexuelles entre les parents. Un tiers d’entre elles estimaient que leur père devait avoir souffert d’une maladie mentale ou d’un grave trouble de la personnalité.

Une proportion non négligeable (plus de 20 %) ont dit 
avoir discerné certains résultats positifs dans cette doulou
reuse expérience. C’est le cas de l’une d’elles, qui déclarait : 
« j’ai appris avec les années que rien d’autre d’aussi grave ne pouvait à nouveau m’arriver. Maintenant, je sais qu’il n’y a rien que je ne puisse vaincre 14. »
En résumé, la principale leçon de cette enquête est que, lorsque la recherche de sens aboutit favorablement, elle constitue un processus adaptatif, permettant à la personne une plus grande maîtrise de son existence. En revanche, lorsque cette quête se poursuit indéfiniment sans conduire à une réponse, elle ne fait qu’augmenter la douleur. Dans de telles circonstances, la position adoptée par l’une des femmes reste une porte de sortie appréciable : « Mon principal atout à travers toute cette expérience a été d’éliminer de mon esprit tout ce dont je ne voulais pas me souvenir. Si je n’en parlais pas, ou même n’y pensais pas, je pouvais survivre 15. »

12. R. L. Silver, C. Baon et M. H. Stones, «Searching for meaning in mis- 
fortune: making sens of incest», Journal of Social Issues, 1983, vol. 39, nO 2, p.81-102.
13. Ibid., p. 89.
14. Ibid., p. 90.
15. Ibid., p. 97.

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