La mémoire traumatique par sos femmes accueil

Peut-être pensez-vous être « inadapté(e) à la vie », « particulièrement fragile » ou » né(e) comme ça », ce n’est pas le cas : tous ces symptômes et comportements s’expliquent et sont les conséquences habituelles des violences, ils sont liés à des mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels connus depuis peu, mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital que font courir les violences. Ils peuvent être traités par des professionnels de la santé spécialisés, mais sont encore rarement identifiés, dépistés, diagnostiqués, et pris en charge.

Une violence à laquelle on ne peut pas échapper crée un stress extrême et une forte réponse émotionnelle qui entraîne un risque vital cardio-vasculaire et neurologique par « survoltage » (comme dans un circuit électrique). Pour arrêter ce risque fonctionnel, le circuit neuronal « disjoncte » automatiquement grâce à la sécrétion de drogues dures sécrétées dans le cerveau (endorphines à hautes doses et drogues « kétamine-like »).

Cette déconnexion « éteint » la réponse émotionnelle et entraîne une anesthésie psychique et physique, un état dissociatif (conscience altérée, dépersonnalisation, être spectateur de soi-même) et des troubles de la mémoire, dont une mémoire traumatique : « hypersensibilité émotionnelle » piégée, isolée par la déconnexion, qui n’a pas été intégrée « dans le disque dur du cerveau », c’est une véritable bombe à retardement, prête à « exploser » à l’occasion de toute situation rappelant les violences, en redéclenchant la même terreur, la même détresse, les mêmes sensations, de façon incompréhensible quand on ne connaît pas ce phénomène.

La vie devient alors un terrain miné et pour éviter de déclencher la mémoire traumatique le patient est obligé de mettre en place des conduites d’évitement. Mais quand les conduites d’évitement ne suffissent plus, souvent seules des conduites dissociantes dont on a soi-même fait l’expérience de leur efficacité peuvent calmer l’état de détresse.

7/ Quelques conséquences sur les survivantes selon Roland Coutanceau

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Le degré de souffrance subie trouve son origine dans quelque chose de très mystérieux, du domaine de la subjectivité du sujet. On peut affirmer que le retentissement profond chez la victime est bien plus lié au fait de subir du sexuel contre son gré qu’à la nature des actes subis. Et cela, même si les pratiques ne sont pas toutes équivalentes : on constate en effet que les souffrances ultérieures, blocages ou interdits dans la sexualité adulte, sont parfois en liaison directe avec certains gestes précis du père incestueux. Mais, bien souvent, c’est toute la sexualité qui est rejetée.
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Il est certain que le traumatisme est différent quand l’enfant est agressé une fois, même si cela peut être très destructeur, et quand l’inceste s’inscrit dans un mode de vie et dans un être au monde qui s’installe dans la durée. Les conséquences psychiques et sexuelles sont dans ce cas importantes, marquées par l’effraction répétée de l’intimité de la fillette. Le rapport à l’homme, le rapport à la sexualité seront distordus par l’ancrage insidieux de l’agression et de la contrainte dans son imaginaire.

Voir aussi les billets concernant le livre de Roland Coutanceau :
1/ Vivre après l’inceste : Haïr ou pardonner
2/ Peut-on pardonner ?
3/ Un silence difficile à rompre
4/ Désordres relationnels et sexuels
5/ Le père incestueux
*/ L’enfant investi d’une sorte de mission
6/ Les milieux sociaux et culturels
8/ Le dévoilement
9/ Trois profils des pères incestueux