Les différentes versions des faits par Nafissatou Dialo transcrites dans le rapport intégral du procureur de New York – en français – prouvent un ESPT

24 août 2011

Traduction : Maryne Cervero, Aurélie Champagne, Blandine Grosjean, Valentine Pasquesoone, Pascal Riché, Lucile Sourdès, Sara Taleb.

Première version.

Depuis la date de l’événement jusqu’au 28 juin 2011, la plaignante a affirmé, a plusieurs reprises, qu’après l’acte sexuel avec l’accusé, elle s’est enfuie de la suite de l’accusé et est allée au bout du couloir du 28e étage.


La plaignante a affirmé ensuite qu’après avoir craché sur le tapis du couloir du 28e étage, elle est restée sur place, terrorisée, jusqu’à ce qu’elle tombe par hasard sur son responsable. A ce moment, ils sont entrés tous les deux dans la suite 2806. Elle a alors commencé à raconter à son responsable ce qu’il s’était passé entre elle et l’accusé, et a répété sa version des faits lorsqu’un deuxième responsable est arrivé.

Lorsque les procureurs lui ont demandé pourquoi elle était restée dans le couloir du 28e étage plutôt que de fuir dans une chambre vide de ce même étage pour téléphoner à ses responsables ou à la sécurité, elle a affirmé que toutes les autres chambres de l’étage indiquaient la mention « Ne pas déranger », ce qui les rendait inaccessibles.

Deuxième version.

Lors d’un entretien mené le 28 juin 2011, en la présence de son avocat, la plaignante a donné une version sensiblement différente de ses agissements après les faits dans la suite de l’accusé. Au début de cet entretien, elle a admis pour la première fois qu’elle avait été malhonnête à propos de ce point-clé avec les procureurs et qu’elle avait menti dans son témoignage face au grand jury.


La plaignante a donné une nouvelle version de ces faits, affirmant qu’après avoir quitté la suite de l’accusé, elle est allée directement dans une autre chambre (la 2820) pour finir de la nettoyer. Elle a donné des détails précis, disant qu’elle avait passé l’aspirateur et nettoyé les miroirs ainsi que d’autres meubles dans la chambre. Elle a ensuite affirmé qu’après avoir fini ses tâches ménagères dans la chambre 2820, elle est retournée dans la chambre de l’accusé et a commencé à la nettoyer.

Elle a rapporté que lorsque par la suite, elle s’est dirigée vers une armoire à linge dans le couloir du 28e étage pour récupérer des fournitures, elle a rencontré son responsable, et qu’ensuite ils sont allés tous les deux dans la chambre 2806.

Plutôt que de raconter immédiatement à son supérieur ce qu’il s’était passé avec l’accusé, la plaignante a questionné son responsable sur un hypothétique problème concernant le droit des clients à imposer des choses aux membres de l’équipe, et a rapporté les faits avec l’accusé seulement quand son responsable l’y a obligée.

Etant donné l’importance de cette nouvelle version – qui était en désaccord avec son témoignage sous serment devant le grand jury -, les procureurs l’ont beaucoup interrogée à ce sujet au cours de l’audition du 28 juin.

La plaignante ayant affirmé qu’elle était entrée dans la chambre 2820, le cabinet du procureur a obtenu l’enregistrement électronique des badges de cette chambre. Ces enregistrements, qui ont aussi été donnés à l’avocat de la plaignante par quelqu’un d’extérieur à ce bureau, indiquent que la plaignante est entrée dans la chambre 2820 à 12h26, et est aussi entrée dans la suite de l’accusé à la même minute (12h26).

Le laps de temps extrêmement court que la plaignante a passé dans la chambre 2820 contredit le fait qu’elle affirme avoir accompli plusieurs tâches ménagères dans cette chambre avant de rejoindre la suite de l’accusé.

Troisième version.

Dans une audition ultérieure menée le 27 juillet 2011, la plaignante a de nouveau changé sa version concernant ses actes immédiats après la rencontre avec l’accusé.


A cette date, elle a déclaré avoir nettoyé la chambre 2820 plus tôt dans la matinée du 14 mai. Immédiatement après les faits, elle a affirmé avoir quitté la suite 2806 et couru jusqu’à l’angle du couloir, comme elle l’avait d’abord indiqué, sans aller directement à la chambre 2820.

Après avoir vu l’accusé prendre l’ascenseur, elle est entrée momentanément dans la chambre 2820 pour récupérer des fournitures. Concernant les propos de la plaignante du 28 juin, elle les dément et affirme qu’il y a dû avoir une erreur de traduction de la part de l’interprète ou une incompréhension des procureurs.

[Note de bas de page 11 : la plaignante a fait la démonstration de sa capacité à parler et à comprendre l’anglais au cours de plusieurs entretiens avec les enquêteurs et les procureurs. En effet, par moments, elle a corrigé les traductions de ses remarques faites par l’interprète. Chose qu’elle n’a notamment pas faite sur ce sujet précisément lors de l’entretien du 28 juin].

Mais cette revendication n’est pas crédible à la lumière des nombreuses questions complémentaires posées concernant ce point, ainsi que l’insistance de la plaignante le 28 juin sur le fait que la version donnée ce jour-là était honnête.

D’un point de vue critique, sa volonté de nier avoir tenu ces propos à ces mêmes procureurs qui l’ont entendue les tenir le 28 juin met sa crédibilité en question à une étape des plus importantes.

[Note de bas de page 12 : il y a au moins un doute sur le fait que la plaignante est tout de suite sortie de la suite après que l’accusé a éjaculé. Le rapport du Sexual Assault Forsenic Examiner (Safe, examinateur assermenté médico-légal des agressions sexuelles) qui a examiné la plaignante à l’hôpital le jour des blessures décrit la version de la plaignante sur l’éjaculation de l’accusé et déclare : « La plaignante rapporte qu’il s’est habillé et a quitté la chambre et qu’il ne lui a rien dit durant les faits ».

Ce rapport suggère certainement que l’accusé a quitté les lieux en premier, bien que l’examinateur reconnaît la possibilité que le rapport regroupe différentes parties du récit de la plaignante dans la même phrase.]

En l’absence de preuve disponible, le procureur reste incapable de tirer un récit cohérent de la plaignante concernant ce qu’elle a fait après les faits – des problématiques qui pourraient être centrales au procès.

Non seulement cela affecte sa fiabilité en tant que témoin, mais ces versions différentes compliquent la tâche d’établir ce qu’il s’est réellement passé dans le laps de temps crucial entre 12h06 et 12h26 ; et nous n’avons aucune confiance en la plaignante et sur l’honnêteté de ses propos si elle était appelée comme témoin au procès.

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Supreme Court, Motion to Dismiss, 22.08.2011, The People of the State of New York against

Dominique Strauss-Kahn.

http://www.nycourts.gov/whatsnew/pdf/dsk_motion_to_dismiss.pdf

Affaire DSK : tout sauf représentative de la justice américaine par l’avocat pénaliste américain Scott H. Greenfield

Vu des Etats-Unis

Publié le 25 août 2011
Traduction : Rubin Sfadj
L’avocat pénaliste américain Scott H. Greenfield nous livre son regard sur l’affaire DSK, et les conclusions qu’il en tire. Il s’agit, selon lui, d’un « nouvel exemple d’un système horriblement imparfait, dont dépendent pourtant des vies, qui a simplement eu le bonheur de bien fonctionner cette fois-ci ».
…/…
Les leçons d’un fiasco judiciaire

La grande question est de savoir si ce fiasco judiciaire a des leçons à prodiguer dont nous puissions tirer des conclusions quant à notre système juridique. Chacun d’entre nous retirera de cette affaire de quoi consolider sa religion, notre désir de trouver de quoi soutenir nos idées préconçues sur le système. Il y en a assez dans cette affaire pour satisfaire toutes les perspectives, et assez pour nous permettre de soutenir qu’aucune autre perspective ne saurait être correcte.
Les victimes de viol détesteront le procureur du comté de New York, Cyrus Vance, pour avoir refusé de croire Diallo et de poursuivre cet odieux violeur. Les personnes condamnées à tort applaudiront le dénouement, mais conserveront le profond ressentiment de n’avoir pas reçu, faute de la richesse et de la puissance de DSK, ne serait-ce qu’une goutte de la même attention.
Ceux qui pensent que les riches reçoivent un meilleur modèle de “justice” que nous autres utiliseront ceci comme une preuve de leur théorie, même s’ils oublient que s’il ne s’était pas agi de DSK, l’accusé se serait d’abord vu attribuer une caution bien inférieure, et n’aurait probablement pas été arrêté avant le décollage de son avion. Ils oublient aussi que les riches et puissants ont autant de chances d’être traités plus durement que plus légèrement. Mais il est certainement vrai qu’ils ne sont pas traités de la même manière.
Les tenants du respect de l’ordre rationaliseront sur la grande difficulté du métier de procureur, et sur la façon dont on se retrouve coincé entre des forces contraires qu’on ne maîtrise pas, sommé de choisir entre la peste et le choléra. C’est parfois vrai, mais il ne faut pas ignorer qu’eux au moins ont un choix, ce qui n’est pas le cas de l’accusé.
Et puis il y a les avocats pénalistes, comme moi, qui verront ceci comme un nouvel exemple d’un système horriblement imparfait, dont dépendent pourtant des vies, qui a simplement eu le bonheur de bien fonctionner cette fois-ci pour toute une série de raisons qui ont peu de chances de se produire dans nos dossiers et qui ne changeront rien pour le justiciable arrêté demain.
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