Affaire DSK. Quelles conséquences sur la parole des victimes ? par Céline Rastello

25 août 2011

Les associations féministes, entre autres, s’inquiètent de l’incidence de l’affaire sur les victimes. Par Céline Rastello

« Une victime peut se dire ‘si elle n’a pas réussi, je n’y arriverai jamais' »
Pour autant, Me Naze-Teulié pense qu’en fonction des victimes, une telle identification peut être positive ou négative. « Certaines victimes peuvent être portées par le courage d’une femme qui dénonce, d’autres peuvent se dire ‘si elle est victime et que malgré la compétence de ses avocats, elle n’a pas réussi, je n’y arriverai jamais’, et ce quelle que soit la réalité factuelle de ce dossier tant médiatisé que finalement tout le monde ignore ».
La présidente de l’association CFCV (collectif féministe contre le viol), Emmanuelle Piet, la rejoint : « toute forme de réaction est possible, dans un sens comme dans l’autre. » Mais la difficulté des victimes à parler de viol ou d’agression sexuelle et à porter plainte n’a pas changé. « Seules 10 % des victimes portent plainte, et 10 % d’entre elles sont reconnues par la justice » martèle Emmanuelle Piet, rappelant que « depuis 40 ans », son collectif demande « l’absence d’enquête de moralité pour la victime. »
Une étape de la procédure contre laquelle la porte-parole de l’association féministe Mix-Cité Béatrice Gamba s’élève également. Dans une tribune publiée mercredi 24 août sur l’espace participatif « Le Plus » du « Nouvel Observateur », elle la qualifie de « pratique scandaleuse » : « on fouille la vie privée (de la victime ndlr) afin de déterminer si elle est suffisamment parfaite pour porter plainte. Les accusations peuvent même se retourner contre elle : elle n’aurait pas dû se trouver là, ou n’était pas habillée comme il faut. » La faute au système judiciaire, accuse encore la présidente du CFCV : « on se retrouve avec un présumé innocent face à une présumée menteuse, il va falloir travailler là-dessus. »

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Autres billets des interventions d’Emmanuelle Piet

23 août 2011 – C’est dans l’air – DSK : le retour ? – Emmanuelle Piet


Elle : pour Emmanuelle Piet, « DSK ne sort pas blanchi de cette affaire »

Affaire DSK : tout sauf représentative de la justice américaine par l’avocat pénaliste américain Scott H. Greenfield

Vu des Etats-Unis

Publié le 25 août 2011
Traduction : Rubin Sfadj
L’avocat pénaliste américain Scott H. Greenfield nous livre son regard sur l’affaire DSK, et les conclusions qu’il en tire. Il s’agit, selon lui, d’un « nouvel exemple d’un système horriblement imparfait, dont dépendent pourtant des vies, qui a simplement eu le bonheur de bien fonctionner cette fois-ci ».
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Les leçons d’un fiasco judiciaire

La grande question est de savoir si ce fiasco judiciaire a des leçons à prodiguer dont nous puissions tirer des conclusions quant à notre système juridique. Chacun d’entre nous retirera de cette affaire de quoi consolider sa religion, notre désir de trouver de quoi soutenir nos idées préconçues sur le système. Il y en a assez dans cette affaire pour satisfaire toutes les perspectives, et assez pour nous permettre de soutenir qu’aucune autre perspective ne saurait être correcte.
Les victimes de viol détesteront le procureur du comté de New York, Cyrus Vance, pour avoir refusé de croire Diallo et de poursuivre cet odieux violeur. Les personnes condamnées à tort applaudiront le dénouement, mais conserveront le profond ressentiment de n’avoir pas reçu, faute de la richesse et de la puissance de DSK, ne serait-ce qu’une goutte de la même attention.
Ceux qui pensent que les riches reçoivent un meilleur modèle de “justice” que nous autres utiliseront ceci comme une preuve de leur théorie, même s’ils oublient que s’il ne s’était pas agi de DSK, l’accusé se serait d’abord vu attribuer une caution bien inférieure, et n’aurait probablement pas été arrêté avant le décollage de son avion. Ils oublient aussi que les riches et puissants ont autant de chances d’être traités plus durement que plus légèrement. Mais il est certainement vrai qu’ils ne sont pas traités de la même manière.
Les tenants du respect de l’ordre rationaliseront sur la grande difficulté du métier de procureur, et sur la façon dont on se retrouve coincé entre des forces contraires qu’on ne maîtrise pas, sommé de choisir entre la peste et le choléra. C’est parfois vrai, mais il ne faut pas ignorer qu’eux au moins ont un choix, ce qui n’est pas le cas de l’accusé.
Et puis il y a les avocats pénalistes, comme moi, qui verront ceci comme un nouvel exemple d’un système horriblement imparfait, dont dépendent pourtant des vies, qui a simplement eu le bonheur de bien fonctionner cette fois-ci pour toute une série de raisons qui ont peu de chances de se produire dans nos dossiers et qui ne changeront rien pour le justiciable arrêté demain.
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