Quelques réflexions sur l’acquittement. Par Jacques Cuvillier

30 août 2011

Pour l’opinion publique, un acquittement par la cour d’assises est la preuve de l’innocence de l’accusé. Ce serait aussi la preuve que l’instruction n’a pas été effectuée correctement, la preuve éventuellement que l’accusé avait été détenu injustement…
La réalité est plus complexe. Elle relève pourtant de questions qui, mieux comprises, pourraient grandement clarifier l’interprétation quelquefois simpliste que l’on donne des affaires fortement médiatisées.
Qu’il me soit donc permis ici d’apporter l’éclairage que Henri Hugues – Président de chambre honoraire à la Cour d’Appel d’Aix en Provence – nous a apporté par une note qu’il a communiqué à ses amis.
Les présidents de cour d’assises ont tous en mémoire le cas de certains accusés acquittés qui étaient certainement coupables. Récemment aussi, la cour d’assises de la Dordogne a acquitté une infirmière qui avait pourtant reconnu les faits dont elle était accusée.
Les arrêts des cours d’assises ne sont pas motivés
Il est toujours difficile de commenter un arrêt de cour d’assises parce qu’on ne connaît pas les motifs pour lesquels l’accusé a été condamné ou acquitté. Lorsqu’un accusé pénètre dans la cour d’assises, on sait les infractions qui lui sont reprochées. La décision du juge d’instruction, ou celle de la chambre de l’instruction, précisent les motifs. Il est indiqué aussi qu’il existe contre cet accusé des « charges suffisantes ».
En cas de condamnation, on peut se référer à cette décision de renvoi pour connaître selon toutes vraisemblances ce qui a entraîné cet arrêt.
Mais après un acquittement, qui est une décision contraire à l’ordonnance ou à l’arrêt de renvoi, on ne peut pas savoir les motifs pour lesquels magistrats et jurés se sont ainsi déterminés.
La cour d’assises est constituée de trois magistrats professionnels, dont un président, et de neuf jurés, ou douze jurés lorsque la cour siège à la suite d’un appel.
La délibération est secrète : elle a lieu dans la salle des délibérations. Après un échange de vues, les magistrats et les jurés votent par écrit, à bulletins secrets. Les bulletins sont détruits immédiatement après le dépouillement, pour préserver le secret.
La question posée pour chaque accusé et chaque infraction est celle-ci : « X est-il coupable d’avoir à… le… » Il est répondu soit par « oui », soit par « non », soit par bulletin blanc. Seuls les oui sont comptés. L’accusé est déclaré coupable si huit au moins des votants (dix dans le cas de la cour d’assise statuant en appel) ont répondu « oui ». A défaut de huit (ou dix) oui, l’accusé est acquitté.
Peu importe le nombre de « non »… ou de bulletins blancs. L’accusé peut donc être acquitté alors que sept des votants ont répondu « oui » et parfois même alors qu’aucun des votants n’a voté « non », les indécis ayant déposé un bulletin blanc.
Mais seuls les magistrats professionnels et les jurés connaissent le nombre de « oui », de « non », et de bulletins blancs. A l’audience publique, lorsqu’il prononce l’arrêt, le président ne dit pas comment se sont réparties les voix. En cas de condamnation, il dit seulement « à la majorité de huit (ou dix) voix au moins ». On ne relève jamais qu’une décision a été prononcée à l’unanimité lorsque ce fut le cas.
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Outreau :"Présumé coupable" et "déclarés coupables" par Marie-Christine Gryson

29 Août 2011
Le film « Présumé coupable » fait l’objet d’un battage propagandiste sans précédent et des avant-premières sont organisées dans toutes les grandes villes de France : Ce film est tiré du livre d’un ancien accusé, Alain Marécaux que la Cour d’Assises a acquitté en appel.
Grandement indemnisé, cet huissier a été reçu par les plus grandes autorités de l’État, porté en grande lumière par toute l’équipe du film et présenté comme la plus grande victime judiciaire des temps modernes.

Et dans l’ombre et le rejet sans la possibilité de faire entendre leur version, il y a tout ceux qui ont été depuis « déclarés médiatiquement coupables », les enfants, pourtant reconnus victimes, dont Chérif Delay, Fabrice Burgaud, le bouc émissaire, les magistrats mais aussi et surtout les experts, ensuite les policiers, les travailleurs sociaux, les assistantes sociales et les assistantes maternelles. Cela a t-il vraiment du sens ?
Le film de l’huissier va de nouveau renforcer cette invraisemblance qui s’est construite sur les images identificatoires et traumatiques « cela peut vous arriver à tous » qui sont devenues pour les procès téléréalité d’Outreau les incontournables « Pièges à conviction » (cf « Outreau la vérité abusée ») Les conséquences en sont dramatiques puisqu’en référence à Outreau, on ne croit plus les enfants et leur protection au regard de la pédo-criminalité a régressé de 20 ans ! C’est bien l’émotionnel qui a étouffé la vérité judiciaire des enfants d’Outreau et il est de nouveau réactivé. Les acquittés d’Outreau sont devenus définitivement des « intouchables » !
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