Le 30 novembre prochain, les Suisses se prononceront sur une initiative populaire visant à rendre imprescriptibles l’action pénale et la peine pour les auteurs « d’actes d’ordre sexuel ou pornographique sur des enfants impubères ». Déposé par la Marche blanche – une association créée dans le sillage de l’affaire Dutroux en Belgique – le texte est rejeté par le Gouvernement et les Chambres, ainsi que par la quasi-totalité des grands partis. Il est également critiqué par de nombreux spécialistes de la justice pénale et psychothérapeutes. Basé sur l’émotionnel et la défense des victimes, le projet pourrait cependant être plébiscité par les électeurs suisses, comme ce fut le cas de l’initiative pour l’internement à vie des délinquants dangereux il y a quatre ans.
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Critiquée par des spécialistes de la justice pénale qui, à l’instar de l’avocat genevois Charles Poncet, estiment que l’imprescriptibilité augmente le risque d’altération des témoignages et de fausses accusations (Tribune de Genève du 2 mars 2006). Dénoncée par des psychothérapeutes qui, comme le psychologue genevois Philip Jaffé, relèvent que cette solution n’est » pas une voie respectueuse des victimes « , car elle » leur fait miroiter la perspective qu’un jour ou l’autre, la douleur morale sera dépassée grâce au recours à la justice « . (Le Temps du 8 novembre 2008). Condamnée par d’autres organisations de défense de la jeunesse, comme l’ONG suisse Terre des hommes, qui demande pourtant depuis plusieurs années que la criminalité organisée contre les enfants soit qualifiée de crime contre l’humanité – donc rendue imprescriptible. » Le même argument ne vaut pas, en principe, pour les actes d’individus isolés « , précisait Pierre Zwahlen, porte-parole de l’ONG (Le Temps du 2 novembre 2006).
Josef Fritzl : père incestueux et voisin aimable
Les premiers éléments de l’enquête ont livré de ce « grand-père » apparemment sans histoires le portrait d’un monstre des temps modernes, auteur d’un scénario diabolique et sophistiqué.
A Amstetten, la commune à 100 km à l’ouest de Vienne où le drame s’est déroulé, les voisins interrogés par les médias ont décrit Josef Fritzl comme un homme aimable, poli, toujours prêt à aider les autres et très attentionné pour ses enfants.
« Alors que la fille vivait un martyre sans fin, recluse avec trois de ses enfants dans un réduit, le monstre Fritzl vivait dans la même maison une vie de brave grand-père », résumait lundi le tabloïd Kronen Zeitung.
« Il a réussi à bâtir une légende »
Sa fille Elisabeth a vécu 24 ans dans un réduit de 60 m2 qu’il avait aménagé dans la cave de sa maison. Violée dès l’âge de 11 ans, elle y a été séquestrée à 18 ans et y a donné naissance à sept enfants dont l’un est mort.
Selon le journal Kronen Zeitung, personne ne s’est douté de l’effroyable double vie de cet homme, considéré comme un pêcheur passionné et un compagnon de tablée apprécié.
« Il a réussi à bâtir une légende et tout le monde y a cru », a estimé le ministre autrichien de l’Intérieur Günther Platter, à la télévision ORF.
Electricien de formation qui a travaillé dans une entreprise de matériaux de construction, Josef a imaginé un scénario très sophistiqué et plausible.
Avec son épouse Rosemarie, l’homme a eu sept enfants, tous adultes aujourd’hui, et les habitants d’Amstetten se souviennent qu’il s’en était bien occupé.
Scénario de la fille-mère disparue
Lorsqu’il a séquestré sa fille en 1984, il a expliqué à la police qu’elle avait sans doute rejoint une secte. Pour preuve, il avait fait écrire à Elisabeth une lettre adressée à ses parents demandant d’arrêter les recherches.
Père autoritaire, il avait strictement interdit à tout son entourage de se rendre dans la cave en expliquant qu’il s’agissait de son atelier. Tous les soirs, Fritzl s’y rendait, apportant vêtements et nourriture à sa fille et à leurs enfants.
Le scénario de la fille-mère disparue a repris de plus belle lorsque les relations incestueuses ont conduit à des naissances.
A trois reprises, à quelques années d’intervalle, la fille prétendument disparue a déposé trois de ses bébés à la porte de ses parents. En réalité, elle se trouvait dans la cave de l’immeuble avec deux autres enfants.
Josef Fritzl avait pris soin de lui faire écrire des lettres d’accompagnement comme celle de 1993 : « le bébé a 9 mois, elle aura une vie meilleure chez grand-mère et grand-père qu’avec moi ».
A l’aide de ces lettres, le grand-père a pu obtenir la garde officielle des trois enfants prétendument abandonnés par la mère.
Sur la foi de l’enquête en cours sur la disparition de la mère, les services sociaux locaux n’ont pas cherché plus loin.
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Josef Fritzl avait prévu le cachot depuis 1978
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