2/ Le regard du père sur sa fille par Delphine de Vigan

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Le regard de Georges sur sa fille semblait empreint 
d’étonnement.
Lucile avait quelque chose de sombre 
qui lui ressemblait. Depuis qu’elle était toute petite, 
Lucile l’intriguait. Cette manière qu’elle avait de s’isoler, de s’abstraire, de se tenir d’un seul côté des chaises, 
comme si elle attendait quelqu’un, d’utiliser le langage 
avec parcimonie, cette manière, avait-il parfois pensé, 
de ne pas se compromettre. Mais Lucile, il le savait, ne 
perdait rien, pas un son, pas une image. Elle captait 
tout. Absorbait tout.
Comme ses autres enfants, Lucile 
voulait lui plaire, guettait son sourire, son assentiment, 
ses félicitations. Comme les autres, elle attendait le 
retour de son père et parfois, lorsque Liane l’y encourageait, racontait sa journée. Mais Lucile, plus que tout 
autre, était reliée à lui.

Et Georges ne pouvait détacher son regard d’elle, 
fasciné.
Des années plus tard, sa mère raconterait cette 
attraction que Lucile exerçait sur les gens, ce mélange 
de beauté et d’absence, cette façon qu’elle avait de soutenir le regard, perdue dans ses pensées.
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